Semaine 31

  • Reéh
Editorial

 Compagnons de route

Sans surprise, l'activité prend peu à peu ce rythme si particulier que l'évolution des mœurs a consacré. On appelle cela les vacances. Tout se ralentit comme en une invite à mettre de côté la poursuite frénétique qui a été le sort commun pendant tous les mois écoulés afin de retrouver... Justement, de retrouver quoi ? Cette question est loin d'être anodine. Elle conditionne, de fait, la façon dont nous allons vivre ce nouveau temps. Comme bien souvent, le plus simple est sans doute de se laisser porter par le vent, sans penser au lendemain. Cette attitude a l'avantage de l'oubli et elle en contient tous les risques. Car oublier, n'est-ce pas aussi – et peut-être d'abord – renoncer à la possibilité de choisir librement sa voie, d'assumer totalement la richesse de ce que nous sommes ?
Choisissons donc la conscience. La démarche est plus exigeante mais elle est aussi plus prometteuse. A l'heure du départ, elle permet de fixer un cap. Alors apparaît vraiment ce que nous avons à retrouver à présent, comme pour amasser les forces qui nous seront ensuite si manifestement nécessaires. Retrouver d'abord le sens des choses, reprendre contact avec l'essentiel, c'est là l'enjeu. Pour cela, les vacances peuvent devenir un temps pour nous, un temps qui nous appartienne en propre sans limites ni restrictions. Le temps prend ainsi l'aspect d'une longue plage tranquille où enfin nos envies ont toute leur place. Il ne nous reste plus qu'à l'enchanter. Et il existe un moyen : le livre. De ce point de vue, nous avons le privilège de vivre une époque où tout, ou presque, est disponible. Les ouvrages du judaïsme, des plus classiques aux plus modernes, qui, il y a à peine quelques années, requéraient une véritable érudition pour être approchés sont maintenant traduits, à la portée de tous. C'est à une révolution que nous assistons ainsi dans l'histoire de la pensée. Enfin, chacun peut trouver le compagnon de route qui lui correspond. Chacun peut choisir le livre qui formera la trame de son été. Enfin, nous avons tous le moyen de ne pas limiter ce temps de soleil à celui du bronzage, d'en faire celui du ressourcement.
Laissons donc ce rêve prendre toute son ampleur et, partant, toute sa puissance. Alors que la Sidra de la semaine va, elle aussi, prendre son rythme de vacances, faisons en sorte que ce ne soit pas un désert intellectuel et moral qui s'installe ici. Faisons en sorte que ce soit comme une terre inconnue qui s'ouvre devant nous, riche de tout ce que l'esprit peut y découvrir. Sachons donc vivre pleinement. Bonnes vacances à tous.

H.Nisenbaum

Etincelles de Machiah

 L'éternité de nos actes

Parmi les descriptions et les promesses qui sont faites au sujet de la venue de Machia'h, nous trouvons (Isaïe 66 :22) : "Car, comme les cieux nouveaux et la terre nouvelle que Je ferai, dit D.ieu, resteront devant Moi, ainsi ta descendance et ton nom resteront". S'il semble que l'assurance d'une certaine forme d'éternité soit ainsi donnée, il convient d'en comprendre profondément les termes.
En premier lieu, il faut préciser que "les cieux nouveaux et la terre nouvelle" ne font pas référence à une disparition et une apparition éventuelles d'un nouveau monde matériel. Les deux termes désignent ici deux degrés différents de la Lumière Divine qui se manifeste alors de façon dévoilée. Plus spécifiquement, "les cieux nouveaux" désignent une "Lumière infinie", transcendant la création tandis que "la terre nouvelle" symbolise une "Lumière" immanente, qui pénètre le monde et reste à sa mesure.
Ainsi, précise le texte, malgré l'ampleur de cette révélation, "ta descendance et ton nom resteront", c'est-à-dire que l'œuvre accomplie pendant le temps de l'exil, qui aura conduit à la venue de Machia'h, gardera toute sa valeur.
(D'après Likouteï Torah sur Chir Hachirim)

Vivre avec la Paracha

 Reéh
La viande

Quand l'Eternel ton D.ieu aura étendu tes frontières, comme Il te l'a promis et que tu diras : «Je mangerai de la viande», car ton âme désire consommer de la viande, tu pourras manger de la viande selon le désir de ton âme. (Devarim 12 :20-23)
«En dernier et en premier Tu m'as créé» (Psaumes 139 :5)... Si un homme est méritant, il lui est dit : «Tu es le premier parmi les œuvres de la création». S'il n'est pas méritant, il lui est dit : «La mouche t'a précédé, le ver de terre t'a précédé.» (Midrach Rabbah, Vayikra 14 :1)

Certains prétendent que consommer de la viande n'est pas moral. Qu'est-ce qui donne à l'homme le droit de manger la chair d'une autre créature ? Mais on peut dire la même chose sur le fait de consommer des végétaux, de l'eau, de l'oxygène. Qu'est-ce qui donne à l'homme le droit de consommer quelque création divine que ce soit, tout simplement pour maintenir sa propre existence ?
En fait, un tel droit naturel n'existe pas. Quand l'homme ne vit que pour soutenir et améliorer son propre bien-être, rien ne justifie qu'il utilise une autre forme de vie pour ce faire. Comme l'exprime un grand maître 'hassidique : «quand une personne avance, en pensant à D.ieu, le sol sous ses pieds lui-même s'écrie : 'Malotru ! En quoi es-tu meilleur que moi ? De quel droit marches-tu sur moi ?'».
Le fait qu'un homme représente une forme de vie supérieure ne justifie guère la destruction de créatures inertes ou inanimées. Plus encore, selon les enseignements de la Cabbale, les âmes des animaux, des plantes et des objets inanimés sont en réalité plus élevées que celles des êtres humains. Car, lors du grand effondrement du premier des mondes créés par D.ieu, tohou, les éléments les plus élevés tombèrent le plus bas (tout comme lors de l'éboulement d'un mur, les pierres les plus hautes tombent le plus loin), de sorte que les étincelles divines les plus étincelantes s'incorporèrent dans les parties du monde matériel prétendues «inférieures».
Si l'homme a le droit de consommer d'autres créatures, ce n'est que parce que et dès lors qu'il sert d'intermédiaire pour les élever.
L'essence spirituelle d'une pierre, d'une plante ou d'un animal peut être supérieure à celle d'un être humain mais c'est une étincelle statique, dépourvue de la capacité de combler la quête de toute création à s'unir avec le Créateur. La cruauté d'un chat ou l'ingéniosité d'une fourmi ne sont pas des failles morales ou des accomplissements, pas plus que la dureté d'un roc ou la douceur d'une pomme. Le minéral, le végétal et l'animal ne peuvent faire le bien ou le mal, ils ne peuvent que suivre les préceptes de leur nature innée. Seul l'homme a été doté de la liberté de choix, de la possibilité d'améliorer (ou d'empirer, à D.ieu ne plaise) son état naturel. Quand un individu boit un verre d'eau, mange une pomme ou abat un bœuf et consomme sa chair, ces éléments sont intégrés dans le mécanisme du corps humain et l'énergie qui le dirige. Quand cette personne accomplit un acte Divin, un acte qui transcende sa propre nature et la rapproche de D.ieu, elle élève ainsi les éléments qu'elle a absorbés, réunissant les étincelles de Divinité qu'ils incorporent à leur source. (Sont également élevées les créations qui ont permis l'acte divin : le sol qui a nourri la pomme, l'herbe qu'a mangé le bœuf, le cheval qui a apporté l'eau à la ville, etc.).
C'est ici que réside le sens profond du verset cité plus haut : « ... tu diras : 'Je mangerai de la viande', car ton âme désire consommer de la viande...». Il se peut que vous exprimiez un désir pour de la viande et que vous ne soyez conscient que de l'envie de votre corps pour la satisfaction qu'un tel aliment vous apporte. Mais en réalité, il s'agit ici de l'expression du désir de votre âme de consommer de la viande, de la quête de votre âme pour les étincelles de Divinité envoyées sur terre pour être libérées.

Le désir

Cependant, il existe une importante différence entre la consommation de la viande et celle des autres aliments.
L'être humain ne peut vivre sans les composants végétaux et minéraux de son alimentation. C'est la raison pour laquelle il est obligé de les consommer, mû par l'aspect le plus élémentaire de ses besoins physiques : la préservation de son existence. La viande, quant à elle, ne constitue pas une nécessité mais un luxe. Le désir de viande n'est pas motivé par un besoin mais c'est un désir, au sens absolu du terme, le désir de ressentir un plaisir.
En d'autres termes, les animaux sont élevés, leur chair intégrée au corps humain, leur âme devient partenaire d'un acte Divin, seulement parce que D.ieu a instillé dans la nature humaine le désir du plaisir.
Cela signifie que l'élévation de la viande requiert de la part de son consommateur une plus grande sensibilité spirituelle que pour tous les autres aliments. Quand un individu mange un morceau de pain et puis, étudie la Torah, prie ou donne la charité, le pain a directement contribué à ces actes. Pour pouvoir les accomplir, l'âme de l'homme doit s'unir à un corps physique et le morceau de pain a joué un rôle primordial dans cette fusion. L'homme mange du pain pour vivre et s'il vit pour accomplir la volonté de son Créateur, la fusion est alors complète. Mais il ne mange pas de la viande pour vivre mais pour en savourer le goût. Aussi n'est-il pas suffisant, pour élever la viande qu'il mange, que l'homme vive pour servir son Créateur. Il doit plutôt être une personne pour laquelle le fait même d'éprouver un plaisir physique est une entreprise divine, quelque chose qui n'est destiné qu'à une fin divine. Il doit être une personne pour laquelle la satisfaction physique générée par une viande goûteuse se traduit en une compréhension plus approfondie de la Torah, une plus grande dévotion dans la prière, un plus gentil sourire pour accompagner la pièce glissée dans la paume du pauvre.
C'est ainsi que la Torah déclare : «Quand l'Eternel ton D.ieu aura étendu tes frontières, comme Il te l'a promis..., tu pourras manger de la viande selon le désir de ton âme.»
Le Talmud déduit de ce verset qu' «à l'origine, ils n'avaient pas le droit de manger 'la viande du désir' (bassar taavah). Ce n'est qu'après qu'ils furent entrés en Terre (d'Israël) qu'ils eurent la permission de manger la viande du désir. Pour la première génération d'Israël en tant que peuple, depuis le moment où ils reçurent la Torah et érigèrent le Sanctuaire dans le désert du Sinaï jusqu'à ce qu'ils s'installèrent en Terre Sainte, la seule viande permise à la consommation était celle des korbanot, les sacrifices animaux offerts à D.ieu dans le Sanctuaire. La consommation de cette viande était une mitsva, un commandement divin qui avait donc pour effet direct son élévation. Cependant, il leur était impossible d'élever la viande dont le seul effet était de procurer du plaisir à son consommateur si bien qu'elle était donc interdite. Les Enfants d'Israël furent même réprimandés et punis pour avoir exprimé un désir de viande, ce qui est relaté dans le onzième chapitre de Bamidbar.
Ce n'est qu'après que D.ieu eut élargi les frontières, leur donnant donc la mission de faire de «sainte» la «terre», qu'ils purent sanctifier le recoin le plus matériel de la vie humaine.
Nos Sages ont dit, de la même façon, qu'«un rustre n'a pas le droit de consommer de la viande» (Pessa'him 49b). La permission accordée à l'homme de consommer les créatures et les créations du monde et de les soumettre à son service n'est pas inconditionnelle. Elle dépend de sa sensibilité à l'essence spirituelle des créations de D.ieu et de son engagement à les servir en les faisant participer à la sanctification de sa vie.

Le Coin de la Halacha

 Quelles sont les coutumes du mois d'Elloul ?

A partir du 1er jour de Roch 'Hodech Elloul (cette année mardi 6 août 2013), on ajoute après la prière du matin et de l'après-midi le Psaume 27, et ce jusqu'à Hochaana Rabba (cette année mercredi 25 septembre 2013) inclus.
Le Baal Chem Tov a instauré la coutume de dire chaque jour du mois d'Elloul – cette année, à partir du mercredi 7 août 2013 – 3 Tehilim (Psaumes), et ce jusqu'à la veille de Kippour. Puis le jour de Kippour, on en dit 9 avant la prière de Kol Nidré, 9 avant de dormir, 9 après la prière de Moussaf et 9 à la fin de Kippour, de façon à terminer les 150 Psaumes.
A partir du second jour de Roch 'Hodech Elloul (cette année mercredi 7 août 2013), on sonne chaque jour du Choffar, excepté Chabbat et la veille de Roch Hachana.
Durant tout le mois d'Elloul, «le Roi est dans les champs», c'est-à-dire que D.ieu est encore plus proche de chacun d'entre nous, et nous pouvons tout Lui demander. C'est pourquoi il est plus facile d'opérer un retour sincère à D.ieu en augmentant les dons à la Tsedaka (charité) et la ferveur dans la prière.
On a l'habitude de faire vérifier par un Sofer (scribe) expérimenté les Mezouzot et les Téfilines. On écrit à ses amis et connaissances pour leur souhaiter d'être inscrits et scellés pour une bonne et douce année.

Le Recit de la Semaine

 Une famille comme toutes les autres

Le grand-père de mon épouse, Rav Zalman Jaffe était très proche du Rabbi. Quand il s'apprêta à fêter son cinquantième anniversaire de mariage, en 1989, le Rabbi lui fit remarquer que les «noces d'or» seraient une «opportunité en or» de réunir toute la famille. Ce qu'il fit, bien entendu.
Quelques vingt-quatre ans plus tard, en ce week-end du 22 juin 2013, ce fut le tour de mes beaux-parents, Rav Shmuel et Hindy Lew de célébrer leur 50ème anniversaire de mariage. Eux aussi ont voulu se servir de cette occasion pour réunir toute la famille, ce qui n'était pas simple puisqu'ils ont eu quinze enfants et près de cent cinquante petits-enfants et arrières petits-enfants, répandus dans presque tous les États-Unis d'Amérique et les provinces d'Angleterre.
Pour mettre au point ce week-end, nous avons créé un groupe Google afin que chacun puisse contribuer, communiquer et participer à l'organisation jusqu'aux plus petits détails. (Nous avons aussi un groupe WhatsApp dans lequel nous échangeons – sans exagérer – des milliers de messages chaque semaine). Le planning avait commencé des mois auparavant et d'innombrables emails ont circulé entre les quinze branches de la famille afin de coordonner les arrivées et départs de chaque groupe. Il faut préciser que tous les quinze frères et sœurs sont devenus au fil des ans des responsables communautaires, des rabbins et femmes de rabbins, directeurs d'écoles et professeurs : quitter sa communauté même pour un simple Chabbat n'est simple pour aucun d'entre nous !
Mais finalement, toutes les pièces du puzzle se sont mises en place et nous nous sommes retrouvés dans un hôtel du New Jersey. Etre assis à la table de Chabbat avec plus de cent cinquante membres de la famille était très émouvant. Nous avons récité le Kiddouch tous ensemble et chanté les mélodies traditionnelles, tous ensemble. Nous avons raconté des histoires 'hassidiques, nous avons beaucoup ri et avons partagé des souvenirs communs. Nous étions liés dans une unité profonde absolument indescriptible.
Durant le repas de Chabbat, mon beau-père nous raconta comment le photographe s'était angoissé quand il avait fallu prendre une photo de toute la famille pour le mariage du 14ème enfant. Comment inclure tous les enfants, conjoints, petits-enfants et arrières petits-enfants sur une seule photo ? Cela prendrait un temps fou de réunir tout le monde. Le photographe avait suggéré de rassembler toute la famille avant la cérémonie : cela prendrait le temps qu'il faudrait puis, grâce à la technique Photoshop, il introduirait les jeunes mariés dans la photo. Mais mon beau-père avait insisté pour une photo réelle, avec les mariés, après la cérémonie de la 'Houppa. Vous ne le croirez pas mais en quinze minutes, tout le monde était réuni pour LA photo qui ornerait les cheminées de quinze familles répandues des deux côtés de l'Atlantique.
Durant la soirée, le photographe avait avoué à mon beau-père combien il avait été impressionné par cette belle famille et il lui demanda sa bénédiction : «Je veux une famille comme la vôtre !». Mon beau-père lui souhaita d'avoir le double de cette famille mais l'homme l'arrêta : «Je ne parle pas de quantité mais de qualité ! Ils semblent tous tellement heureux de se retrouver, ils partagent les mêmes centres d'intérêt, ils ont un tel sens de la famille ! C'est cela que je veux que mes enfants éprouvent !»
Nous avons dernièrement achevé une période de deuil pour la destruction du Temple et l'exil qui se prolonge depuis près de deux mille ans. Nos Sages expliquent que le Temple a été détruit à cause de la haine gratuite. Le Talmud précise que nous devons augmenter nos efforts dans le domaine de l'amour gratuit.
L'amour commence à la maison. Parfois, c'est facile et évident. Parfois c'est plus compliqué. Mais puisque nous souhaitons sincèrement que le Temple soit reconstruit, unissons nos efforts pour vivre en harmonie avec nos frères, sœurs, cousins, oncles et tantes etc. de la meilleure manière possible.
Téléphonons à un voisin, un ami ou un membre de la famille sans raison particulière. Offrons-leur nos services, que ce soit le shopping ou la garde des enfants, l'aide administrative ou simplement une présence affectueuse. Quand nous augmentons l'amour gratuit et la gentillesse, ceci a un effet beaucoup plus puissant que n'importe quoi dans le monde et cela ne peut produire que du bien et la délivrance ultime.

Rav Uriel Vigler – L'Chaim n° 1280
Traduit par Feiga Lubecki