Semaine 52

  • Vaye’hi
Editorial
Solidaires ou fraternels ?

Par les temps qui courent, la solidarité est non seulement une belle et noble idée mais aussi, et sans doute, une idée nécessaire. Alors que le jeûne du 10 Tévèt vient juste de nous rappeler cette forme dramatique d’union d’une population que constitue le début d’un siège, il paraît opportun de s’interroger sur le sens réel du concept. De fait, la solidarité peut être assez facilement prise comme une indésirable obligation à laquelle soumettrait la pression sociale. Pour celui qui ne voit et ne comprend sa vie que comme une aventure strictement individuelle et les avancées qu’il peut obtenir comme des victoires exclusivement personnelles, le principe des solidarité se limite bien vite, dans le meilleur des cas, à une forme de charité condescendante et, autrement, à une sorte de rançon prélevée par le moins chanceux sur le plus heureux. Pourtant, il peut y avoir ici bien autre chose.
C’est que, derrière la notion de solidarité, c’est l’idée de fraternité qui frissonne. C’est la conscience que l’homme n’est réellement un être complet que s’il sait ne pas oublier l’autre. C’est la résolution de voir en l’autre un aspect singulier de soi-même, au-delà de toutes les différences. Imaginons donc un monde où la souffrance de l’autre est ressentie par tous, où sa joie est sincèrement partagée… En quelque sorte, un monde humain. Certes, l’égoïsme est chose bien naturelle et si compréhensible. La recherche de son bien propre n’est-elle pas une attitude qui semble aller de soi ? Mais une autre voie est toujours possible tant est grande la liberté de l’homme. Il nous est ainsi rapporté que les ‘hassidim avaient autrefois l’habitude de déclarer le plus simplement du monde : «Le morceau de pain que j’ai est à toi avant d’être à moi.» La formule a de quoi surprendre : le «morceau de pain» était peut-être, en ces temps déshérités, la seule nourriture à disposition et on faisait passer l’autre avant soi ? On n’y connaissait justement pas le mot «solidarité», serait-ce la raison de ce souci altruiste ?
Il y a ici comme une ombre d’explication. La solidarité ne doit cacher ni la fraternité ni l’amour de l’autre. C’est dire qu’elle ne peut avoir le triste visage de l’obligation subie. Et cela doit s’exprimer chaque jour. Venir en aide à celui qui possède moins – matériellement, intellectuellement ou spirituellement – sans regarder à son confort, son temps ou ses possessions personnels. En sommes-nous capables ? Il suffit, pour cela, de nous souvenir de ce que nous sommes : des créatures de D.ieu. Et si, finalement, comme pour bien des choses, cela dépendait d’abord d’une référence qui nous dépasse ?
Etincelles de Machiah
Moïse ou Machia’h ?

Un jour, on interrogea Rabbi Chnéour Zalman de Liady, le fondateur du hassidisme ‘Habad : « Qui est plus grand ? Moïse ou Machia’h ? »
Le Rabbi répondit alors : « Machia’h est le plus grand de deux. Moïse est comparable à un médecin sans expérience tandis que Machia’h est comme un médecin ayant largement fait ses preuves. »
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch -
Chabbat Parchat Bamidbar 5739) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vaye’hi : la beauté des filles d’Acher

Avant de quitter ce monde, Moché bénit chacune des douze tribus. Il dota la tribu d’Acher de cette magnifique bénédiction : «Qu’Acher soit béni parmi les fils ; il sera bienvenu auprès de ses frères et trempera son pied dans l’huile…» (Devarim 33 : 24).
Cependant, il est intéressant de relever que dans le recensement entrepris par Moché, la tribu d’Acher ne s’avère pas être plus nombreuse que les autres tribus. Et dans les générations qui suivent, la population d’Acher n’augmente pas de façon disproportionnée, par rapport au reste de la nation.
Rachi, le grand commentateur biblique, propose, sur ce verset, un commentaire intéressant : «J’ai vu dans le Sifré (un Midrach) la chose suivante : ‘Parmi les tribus, vous n’en trouverez pas une seule bénie parmi les fils comme Acher’ mais je ne sais pas dans quel domaine.»
Puisque cette tribu n’était pas particulièrement peuplée, le Midrach estime que cette bénédiction concerne la qualité des enfants d’Acher plutôt que leur nombre. Rachi s’interroge alors sur cette qualité qui les rend si exceptionnels et s’exclame : «je ne sais pas dans quel domaine.»
Quant à la seconde partie de la bénédiction d’Acher : «il sera bienvenu auprès de ses frères et trempera son pied dans l’huile», Rachi propose de nombreuses d’explications et souligne également le lien entre cette juxtaposition : être bienvenu auprès de ses frères et tremper son pied dans l’huile : «parce que les femmes qui descendaient d’Acher étaient belles (et on les recherchait pour les épouser)… Ses filles épousèrent les Grands Prêtres, oints avec de l’huile d’olive.»
Cela fait écho à une association entre la tribu d’Acher et la Grande Prêtrise, qu’avait faite Yaakov, plus de deux cents ans auparavant et qu’on peut lire dans notre Paracha. Avant de quitter ce monde, Yaakov bénit également chacun de ses douze fils, individuellement, leur donnant des messages prophétiques sur le futur de leur tribu. A Acher, il dit : «D’Acher viendront des aliments riches et il fournira des mets royaux délicats.» Le Midrach découvre un autre sens derrière ce verset. Le mot hébreu utilisé ici pour «riches» est chménah. Les mêmes quatre lettres hébraïques sont aussi celles qui épellent le mot chmonéh, «huit». Acher élèvera des enfants qui porteront les huit habits, dit le Midrach, c’est-à-dire les huit habits portés par le Cohen Gadol (Grand Prêtre).
Bien que les Cohanim (Prêtres) soient issus de la tribu de Lévi, puisque les filles d’Acher épousèrent des Cohanim, les petits-enfants d’Acher étaient aptes à la fonction de Grand Prêtre et l’occupèrent.
Les filles d’Acher étaient apparemment si belles que les jeunes gens, originaires de toutes les tribus, voulaient les épouser. Et des hommes de la plus haute stature, les Grands Prêtres, recherchaient leur épouse parmi elles.
Cela semble étrange. Pourquoi un homme si saint aurait-il recherché une épouse dans une tribu avoisinante pour la seule raison qu’elle était belle ? S’il était saint, saint au point d’être Cohen Gadol, pourquoi aurait-il recherché la beauté ?
Il existe une beauté superficielle et une beauté qui reflète la maturité spirituelle et la dignité personnelle. Quand la Torah loue la beauté d’une femme juive, elle évoque presque toujours sa noblesse et sa pudeur. «Toute la gloire de la fille du roi est son intériorité», déclare le roi David à propos de la modestie des jeunes filles d’Israël. Sa conduite discrète la glorifie, lui donnant une sorte d’aura.
Il semble donc que les filles d’Acher étaient connues pour leur charme et leur raffinement, qualités que recherchait la famille des Prêtres. Ces femmes comprendraient mieux et encourageraient le travail de leur mari puisqu’elles reflétaient la nature profonde de ses responsabilités.
La mission du Cohen Gadol atteignait son apogée à Yom Kippour lorsqu’il pénétrait dans le lieu le plus spirituel du Temple, le Kodech HaKodachim, le Saint des Saints. C’est là qu’étaient déposées les Tables de la Loi originelles, que D.ieu avait données à Moché au Mont Sinaï. Les Dix Commandements (leur âme) étaient gravés dans la pierre (leur corps), ce qui assurait que jamais Ses mots ne seraient effacés des Tables. Le Cohen Gadol, lorsqu’il émergeait du Kodech HaKodachim, transmettait au Peuple le message des Tables : l’engagement à D.ieu peut être si authentique et si inconditionnel qu’il se grave dans votre être même ; le corps et l’esprit s’unissent sans heurt, le corps servant de véhicule parfait pour l’âme qui le vivifie.
Il recherchait une épouse qui comprendrait la nature de sa mission et il la trouvait parmi les filles d’Acher. Leur discrétion exquise prouvait un engagement intérieur à l’esprit sur la matière, et un immense respect pour un corps abritant l’âme. Elles témoignaient inconsciemment de leur engagement sincère, par leur apparence physique, car la beauté de l’âme resplendit naturellement dans un corps qui la reflète parfaitement. Elles étaient une représentation vivante des Tables de la Loi et c’est pourquoi les Cohanim voyaient en elles de parfaites partenaires.
Les filles d’Acher étaient également des mères remarquables. Grâce à leur discrétion et leur intégrité, elles transmettaient à leurs enfants un sens fort d’engagement : le message silencieux de celui qui valorise davantage les valeurs de D.ieu que celles de la société et la beauté de maintenir les limites appropriées. Ces enfants étaient sains, émotionnellement et spirituellement, chacun d’entre eux prêt à assumer la fonction de Cohen Gadol.
Ces qualités sont celles dont nous devons nous inspirer pour transmettre à nos enfants une éducation cohérente, saine et sainte et qui préparera nos enfants à accueillir le Machia’h.
Le Coin de la Halacha

Une Mezouza est un parchemin travaillé d’une certaine manière, sur lequel un Sofer, un scribe qualifié, a écrit à la plume trempée dans de l’encre spéciale deux passages de la Torah, les deux premiers paragraphes du Chema.
Ce parchemin est placé à chaque porte de chaque maison juive mais aussi de chaque magasin, bureau etc. appartenant à des Juifs. Ce parchemin est d’abord roulé et introduit dans un étui plus ou moins décoratif puis l’étui est cloué à la hauteur du tiers supérieur de la porte. Avant de fixer la Mezouza, on prononce la bénédiction : «Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidechanou Bémitsvotav Vetsivanou Likboa Mezouza».
Si on fixe le même jour plusieurs Mezouzot dans le même logement, on ne prononce qu’une seule fois la bénédiction normalement pour celle de la porte principale du logement.
La Mezouza protège le Juif quand il se trouve dans sa maison mais aussi quand il sort de son domicile.
Il convient d’examiner les Mezouzot au moins deux fois en sept ans mais il est préférable d’y procéder tous les ans car les lettres peuvent s’abimer avec l’humidité, le froid, la chaleur etc…

F. L. (d’après Rav David Zaklikowski – www.chabad.org)
De Recit de la Semaine
Les Mezouzot de l’hôtel

Il y a quelques années, le gala du Beth Loubavitch de Lyon rassemblait de nombreux donateurs. L’un des plus importants d’entre eux se leva et raconta comment le Rabbi de Loubavitch avait fait de lui un homme riche : «J’ai toujours été fier d’être juif et c’est ce qui m’a poussé à aider Rav Gurewitz quand il a établi son Beth ‘Habad. Mais je n’ai pas toujours été très pratiquant.
Quand j’ai entrepris de construire un hôtel qui intégrerait une école hôtelière, Rav Gurewitz m’a conseillé de demander auparavant la bénédiction du Rabbi de Loubavitch. Je pris donc l’avion pour New York et, le dimanche suivant, je faisais la queue avec des milliers d’autres personnes pour recevoir de la main du Rabbi un dollar à remettre à la Tsedaka (charité) et en profiter pour lui exposer mon projet. Mais quand j’arrivai enfin devant le Rabbi, je n’arrivai plus à parler ! Le Rabbi me tendit deux billets d’un dollar et me dit : «Un pour vous et un pour la réussite de votre nouvelle école !» Alors que je cherchais à comprendre ce qui m’arrivait, le Rabbi ajouta : «Veillez soigneusement à poser une Mezouza à chacune des portes du bâtiment !» Là, j’étais vraiment stupéfait : Comment le Rabbi était-il au courant de mes projets et pourquoi insistait-il à propos des Mezouzot ? Mais j’avais reçu sa bénédiction, je rentrais en France assuré de réussir…
Tout commença comme dans un rêve. En un an, le bâtiment fut terminé, l’inauguration fut grandiose, tous les média et de nombreuses célébrités y assistèrent mais au bout de cinq ans, je me retrouvais avec plus d’un million de francs de dettes avec comme seule option de me déclarer en faillite ! Où était la bénédiction ?
Les problèmes s’accumulèrent : le gouvernement me soupçonna de faillite frauduleuse et m’envoya un inspecteur pour examiner les comptes de la société. L’homme qui se présenta n’avait pas l’air facile : il entra dans mon bureau sans un mot, regarda d’un air sceptique le portrait du Rabbi suspendu au mur, exigea sèchement les livres de comptes puis demanda à rester seul dans la pièce. Quand il sortit, il ne dit mot et, quelques jours plus tard, je reçus une convocation au tribunal : j’étais accusé de fraude et tous les avocats que je sollicitais se récusèrent l’un après l’autre ! J’écrivis plusieurs lettres au Rabbi mais il ne répondit pas.
Le jour de l’audience, le prétoire était plein à craquer, les média avaient trouvé quelque chose de croustillant à se mettre sous la dent et je comparus seul sur le banc des accusés, murmurant des psaumes en priant pour que la sentence soit la plus légère possible.
Le premier à témoigner fut l’inspecteur lui-même. Il pointa un doigt accusateur vers moi et je me sentis défaillir. «Votre Honneur ! Après avoir soigneusement examiné les comptes de l’accusé, je n’ai eu aucun doute qu’il était un voyou en col blanc qu’il fallait punir avec la plus extrême sévérité !» Dans la salle régnait un silence annonciateur d’une future curée contre moi. Cependant, l’inspecteur se racla la gorge et continua : «Mais quand j’examinai à nouveau les comptes, je dus reconnaître - et je n’en ai pas honte - que je m’étais sérieusement trompé ! Il est maintenant absolument évident que la faillite de cette entreprise n’est pas due à une fraude ou une incompétence mais plutôt à une fâcheuse série de circonstances indépendantes de la volonté de l’accusé. D’ailleurs, au nom de la justice, du bien de l’économie nationale et de l’honneur de la France, le tribunal devrait tout mettre en œuvre pour assurer la réussite de cette école hôtelière ! Il vaut mieux ouvrir une école que construire une prison !»
Tout le monde se mit à parler en même temps. Le juge demanda une suspension de séance puis la cour revint en grande pompe et annonça que j’étais innocenté de toute accusation ! A partir de ce jour, mon projet devint enfin bénéficiaire.
Mais j’avais du mal à comprendre deux faits : pourquoi cet hôtel avait-il connu une telle faillite au début ? Et pourquoi cet inspecteur qui m’avait semblé antisémite avait-il changé d’avis ?
Environ un mois plus tard, je reçus un coup de téléphone de cet inspecteur. Il demanda à me rencontrer dans un endroit désert, où nous pourrions parler librement, loin de toute publicité : «Vous vous demandez sans doute pourquoi j’ai subitement changé d’opinion à votre sujet ? Quand je suis entré dans votre hôtel, j’ai remarqué quelque chose d’étrange : il y avait une Mezouza à chaque porte ! Voyez-vous, moi aussi je suis juif. Je suis né et j’ai grandi dans une famille juive en Allemagne et, avec la montée du nazisme, nous avons fui en France et avons décidé d’effacer tout souvenir du judaïsme dans notre vie. Je sais donc ce que représente une Mezouza. Mais je croyais toujours qu’il suffisait d’en mettre une à la porte d’entrée. Quand j’ai constaté avec étonnement que vous en aviez posé à chaque porte - et je l’ai vérifié pour en être sûr, j’ai même ouvert plusieurs boîtiers quand vous êtes sorti de la pièce - je me suis dit : si cet homme était un voleur, pourquoi aurait-il dépensé une petite fortune avec ce commandement divin ? Je suis retourné dans votre bureau, j’ai observé le portrait de votre Rabbi et j’ai réalisé que si cet homme au regard si pénétrant était votre maître, vous n’étiez sans doute pas un voleur. J’ai décidé d’éplucher plus attentivement les comptes et j’en suis venu à la conclusion que je m’étais trompé à votre sujet mais aussi à mon sujet. J’ai décidé de revenir au judaïsme !»
Il ouvrit un sac et me montra une paire de Téfilines qu’il venait d’acheter !
Puis il soupira profondément et murmura : «Peut-être votre affaire marchait tellement mal et avez-vous dû passer par cette épreuve uniquement pour cette raison, pour que je retrouve mes racines…»
J’ai enfin compris pourquoi le Rabbi m’avait demandé avec tant d’insistance de veiller à mettre une Mezouza à chaque porte…»

Rav Tuvia Bolton
Traduit par Feiga Lubecki