Semaine 49

  • Mikets
Editorial
Le combat de la lumière

“Hanouccah est arrivé” chantent cette semaine les enfants dans toutes les écoles juives. Avec la joie pure qui caractérise leur âge, ils affirment ainsi la victoire de la lumière sur les forces de l’obscurité. Ils disent aussi que celles-ci étaient nombreuses et puissantes mais que D.ieu avait décidé de leur défaite, les remettant “entre les mains des faibles”.
Les Sages n’ont pas manqué de relever que la victoire célébrée pendant Hanouccah est celle de la lumière qui, pourtant, semble presque anecdotique si on la compare à celle, militaire, remportée contre l’envahisseur grec, l’occupant de la terre d’Israël, l’oppresseur dont l’armée était une des toutes premières du monde de l’époque. Dans ce choix, au-delà de ses nombreuses et importantes implications spirituelles, un enseignement pour notre temps se cache: l’esprit l’emporte toujours sur la force brutale, le livre sur l’épée avec la même assurance que la lumière sur l’obscurité. Car les ennemis du peuple juif, ceux qui veulent la disparition de tout ce qu’il représente, ceux qui veulent faire taire sa voix dérangeante, éteindre l’éclat de sa conscience, tous ceux-là n’ont pas désarmé. Alors que de nouveau se font entendre les bruits hideux de l’antisémitisme, en Israël comme en diaspora, la lumière de Hanouccah monte, fidèle et indomptable. Certes, aux défis de la violence, la force armée est souvent contrainte de répondre. Mais il nous faut savoir aussi que nous détenons le moyen d’une autre victoire, du type de celle que nous célébrons en ce moment et d’année en année.
Cette victoire-là est inestimable car elle ne fait pas que repousser un ennemi. C’est l’obscurité des esprits, des cœurs et des âmes qu’elle efface pour y faire apparaître le meilleur de l’homme. Cette victoire a un chemin: celui de la fidélité à soi-même, à ce que l’on est vraiment, à la tradition juive. Elle a aussi un nom: elle se dénomme espoir et sérénité, confiance en tout ce que nos ancêtres nous ont transmis, en D.ieu Qui nous accompagne au travers des vicissitudes de l’histoire. Alors que, jour après jour, la lumière s’élève, sachons qu’elle ne s’arrêtera pas à la fin de la fête. Eternelle, elle continuera son voyage car nous en sommes les porteurs.
Etincelles de Machiah
La harpe du Temple

Le Talmud (traité Ara’hin p.136) enseigne: “La harpe utilisée dans le Temple avait sept cordes... celle du temps de Machia’h en aura huit”. Au-delà de l’anecdote, quelle est la portée de cet enseignement?
Le mot “harpe” en hébreu, “Kinor”, se décompose en deux parties, la première a pour valeur numérique 26, la seconde est “Ner” qui signifie “lumière”. Cela représente le Nom de D.ieu, qui a également 26 pour valeur numérique, qui éclaire profondément l’âme. Cependant, à l’époque du Temple, cette révélation ne concernait que les sept degrés des “Midot”, des attributs émotionnels de D.ieu. En revanche, lorsque Machia’h viendra, cette révélation dépassera ce niveau pour atteindre l’infini. C’est ce que figure le passage du “7” au “8”.
(d’après Likouteï Torah, Parchat Tazrya 21d)
Vivre avec la Paracha
La fantaisie cosmique: effacer tous ces rêves ?

Une partie significative de notre Paracha (Mikets 41:1 - 44:17) est occupée par deux rêves que fit le Pharaon d’Egypte. Ces rêves, en fait, ne sont pas relatés une fois, mais à trois reprises: tout d’abord nous lisons un récit des rêves eux-mêmes, puis vient une version plus détaillée, quand nous lisons la description qu’en fait le Pharaon à Yossef et finalement intervient la réponse de Yossef au Pharaon, dans laquelle il offre son interprétation des différentes composantes des rêves.
Tout ceci constitue la dernière séquence de rêves détaillés par la Torah dans les chapitres précédents. Yossef se trouve dans le palais du Pharaon offrant son interprétation à cause de deux autres rêves faits deux ans plus tôt, dans une prison égyptienne. Yossef avait alors été incarcéré avec deux ministres du Pharaon dont il avait interprété les songes avec succès.
Mais pourquoi en tout premier lieu Yossef s’était-il retrouvé en prison ? Parce qu’onze années plus tôt, deux de ses propres rêves avaient suscité l’envie de ses frères et les avaient poussés à le vendre en esclavage. En fait, Yossef porte avec lui chaque détail de ses propres rêves, où qu’il aille et ils lui serviront de fondement à la façon étrange dont il traitera ses frères et son père de nombreuses années plus tard, quand il sera devenu le dirigeant d’Egypte et que ses frères viendront, poussés par la famine qui règne en Canaan, acheter de la nourriture en Egypte.
Le résultat de tous ces rêves fut l’exil d’Egypte, le premier vécu par le Peuple Juif et la source de tous les exils qui allaient suivre. Les Enfants d’Israël s’installèrent en Egypte, où ils allaient, plus tard, être soumis à l’esclavage par les Egyptiens, et où ils se dégradèrent spirituellement au point que par bien des aspects ils devinrent semblables à leurs bourreaux. Quand D.ieu vint les sauver, Il dut “prendre une nation au sein d’une nation”, pénétrant dans les entrailles de l’Egypte pour en extraire Son peuple de la société la plus dépravée sur terre.
Dans les 3300 ans que nous avons vécu depuis, nous avons subi encore bien des siècles d’exil, sous l’hégémonie des Babyloniens et des Perses, des Grecs, des Romains et de beaucoup d’autres. Nous sommes toujours en exil, aujourd’hui. Il se peut que globalement nous soyons libres des persécutions et des épreuves qu’ont subies les générations antérieures, mais le Juif n’en reste pas moins un étranger dans le monde, toujours privé d’un environnement qui pourrait nourrir son âme et ses aspirations. Et l’exil, sous toutes ses formes, est, selon les paroles de nos Sages, la prolongation de notre premier exil en Egypte.
Rabbi Chnéour Zalman de Lyadi explique que l’exil est né d’une succession de rêves parce que l’exil est le rêve ultime. Un rêve est une perception libérée de la contrainte de la raison. On y rencontre tous les stimuli et les expériences que nous connaissons par ce que nous voyons et entendons, pensons et faisons, espérons et redoutons. En fait, tout dans le rêve est emprunté à notre état de veille. Mais tout est sens dessus dessous, défiant toutes les formes de logique et de crédibilité. Dans un rêve, une tragédie peut être l’occasion d’une célébration joyeuse, un parent peut être plus jeune que son enfant et une vache peut sauter sur la lune.
L’exil est un rêve fantaisiste terrible et irrationnel, embrassant le globe et s’étendant sur des millénaires. Un rêve dans lequel le crime paie, le bien meurt jeune, et le peuple choisi par D.ieu est impunément abattu. Un rêve dans lequel ce qui est juste et vrai est rarement “réaliste” et les non-sens comme l’ignorance, la mort et le mal sont des forces puissantes dans notre existence.
Le surréalisme de l’exil envahit également notre vie spirituelle. C’est seulement en exil qu’une personne peut se réveiller le matin, se purifier dans un mikvé, prier avec extase et dévotion, étudier un chapitre de Torah et puis se rendre au bureau pour un jour de travail de tromperie et de malhonnêteté. L’“hypocrisie” n’est pas le terme qui décrit de façon adéquate ce phénomène; dans de nombreux cas, la prière de cet individu est sincère et son amour et sa crainte de D.ieu sont bien réels. Mais il habite dans le monde imaginaire de l’exil où peuvent coexister les antithèses et où les incohérences sont la norme.
Dans le monde “authentique”, de telles absurdités étaient impossibles. Quand le Temple se tenait à Jérusalem, et emplissait le monde de lumière divine, aucun homme possédant encore un résidu d’impureté ne pouvait s’approcher de D.ieu avant de s’être soumis à un processus de purification. Que D.ieu soit la source de vie et qu’un péché (c’est-à-dire une rupture avec le divin) soit synonyme de mort n’étaient pas une vérité conceptuelle mais un fait de la vie. Dans le monde “authentique”, qui était, et dans lequel nous allons nous réveiller quand le rêve de l’exil s’évaporera, les lois spirituelles de la réalité sont aussi apparentes et aussi immuables, en fait même plus apparentes et plus immuables, que les lois physiques de la nature.
Néanmoins, un aspect positif existe aussi dans notre existence hallucinatoire. Dans le monde vrai, la véritable relation avec D.ieu ne peut survenir que dans le contexte d’une vie qui Lui est constamment fidèle. Dans le monde du rêve de l’exil, l’individu imparfait peut expérimenter le Divin. Dans le monde vrai, seule l’âme parfaite peut pénétrer dans le Sanctuaire de D.ieu; dans le monde du rêve de l’exil, D.ieu “réside parmi eux, et au sein de leur impureté”.
Nous attendons chaque jour l’aube divine qui fera disparaître la fantaisie cosmique qui tout au long de notre histoire nous a paralysés physiquement et spirituellement. Mais dans les moments qui restent dans le rêve de l’exil, donnons-nous l’occasion unique d’être “incohérents” et “hypocrites” dans le sens positif: en dépassant notre potentiel spirituel, en étant et en faisant plus que ce dont nous sommes capables selon les mesures rationnelles de notre mérite et de notre potentiel.
Le Coin de la Halacha
Qui allume les lumières de 'Hanouccah?

Durant les huit soirs de 'Hanouccah, on allume des lumières à la maison, à la synagogue et même dans la rue, pour diffuser les miracles que D.ieu fit à nos pères à l'époque des Hasmonéens.
Dans chaque famille, il convient que le père allume les lumières de 'Hanouccah avec les bénédictions. Pour rendre la Mitsva plus belle, il est de coutume que chaque homme adulte allume son chandelier, et même chaque petit garçon.
Les femmes, les jeunes filles et les petites filles doivent assister à l'allumage ou procéder elles-mêmes à l'allumage s'il n'y a pas d'homme pour les acquitter de leur obligation.
Même si on a assisté à l'allumage à la synagogue ou sur la place publique, il convient d'allumer les lumières de 'Hanouccah chez soi avec les bénédictions appropriées.
On distribue aux enfants et même à ses enfants mariés et à ses petits-enfants de l'argent pour qu'ils apprennent à en déduire le dixième pour la Tsédaka (charité). On leur raconte l'histoire de 'Hanouccah et on mange des beignets et autres aliments frits à l'huile.

F. L.
De Recit de la Semaine
Une Ménorah… familiale

Appelons-le William. Il était simple soldat dans l’armée américaine qui libérait l’Europe à la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Son régiment fut affecté à la garde d’un village dont il devait assurer la sécurité et où il fallait retrouver éventuellement d’anciens Nazis. Les soldats devaient également aider les habitants et les réfugiés dans leur vie quotidienne.
Un soir, William aperçut un adolescent qui courait dans un champ à la limite du village. “ Arrête ou je tire ! ” cria-t-il. Le garçon se cacha derrière un arbre. Le soldat attendit patiemment.
Finalement, pensant que le soldat avait disparu, le garçon sortit de sa cachette et se rendit près d’un grand arbre au pied duquel il se mit à creuser. Le soldat l’observait de loin et, quand l’enfant eut fini et se fut remis en marche, le soldat cria à nouveau : “ Arrête ou je tire ! ” L’adolescent courut ; William décida de ne pas tirer mais plutôt de le poursuivre. Il le rattrapa et le plaqua au sol.
Dans le combat qui suivit, l’enfant lâcha une Ménorah magnifiquement décorée qu’il tenait jusque-là précieusement contre son cœur. William ramassa la Ménorah, l’enfant tenta de la récupérer : “ Rendez-la moi, elle est à moi ! ”
Le soldat plongea son regard dans les yeux terrifiés du garçon et tenta de le rassurer : “ Moi aussi je suis Juif ! ” dit-il.
L’enfant qui avait survécu aux camps d’extermination n’avait aucune confiance dans les hommes en uniforme. On l’avait déjà forcé à assister au meurtre de son père. Il n’avait aucune idée de ce qu’était devenue sa mère.
Dans les semaines qui suivirent, le soldat William s’occupa particulièrement du jeune garçon et celui-ci, David, apprit à lui faire confiance. Tous deux avaient de longues conversations ensemble et, quand William fut libéré de ses obligations militaires, il proposa à David de l’accompagner à New York où il l’adopterait. David accepta et William s’occupa de tous les papiers.
William reprit ses activités au sein de la communauté juive de New York. Un de ses collègues, responsable du Musée Juif de la ville, vit la Ménorah. Il annonça à David que cet objet avait une très grande valeur puisque c’était une relique de l’art juif européen et que toute la communauté pourrait l’admirer : il offrit à David 50.000 dollars, mais l’adolescent refusa. La Ménorah avait été acquise plus de deux cents ans auparavant et était, depuis, restée dans la famille : aucune somme d’argent ne parviendrait à lui faire abandonner ce trésor.
Quand ‘Hanouccah arriva, William et David allumèrent la Ménorah devant la fenêtre du salon. Puis David monta étudier dans sa chambre.
William savourait le silence paisible du salon quand on frappa à sa porte. C’était une femme qui parlait avec un fort accent allemand. Elle semblait désemparée, cherchait ses mots et commença par s’excuser de le déranger. Elle se promenait dans la rue quand elle avait aperçu la Ménorah à la fenêtre.
“ Nous avions dans le temps une Ménorah semblable dans notre famille ” dit-elle dans un anglais hésitant. Elle n’en avait jamais vu un autre exemplaire. Pouvait-elle entrer et la voir de plus près ?
William la fit entrer et lui dit que la Ménorah appartenait à son fils adoptif qui pourrait peut-être lui en apprendre davantage à ce sujet. Il appela William pour qu’il explique à cette femme d’où venait la Ménorah.

* * *

Devant l’antique Ménorah où brillaient les lumières de ‘Hanouccah, David retrouva sa mère…

Traduit par Feiga Lubecki