Semaine 2

  • Bo
Editorial
Revenons à l’essentiel

Plus le temps passe, plus la nécessité de revenir à l’essentiel paraît comme s’imposer d’elle-même. Qui ne remarque pas que, derrière le vertige de la consommation effrénée à laquelle nous sommes conviés, en particulier dans la période courante, se cache surtout une vacuité profonde ? Qui ne voit que, faute de la combler, le modèle ainsi présenté s’emploie à la faire oublier à l’homme, être doté de pensée, couronne de la création ? Pour cela, nous avons sans doute besoin de réapprendre ce qu’est justement cet essentiel des choses, par nature éternel, et ce qui le distingue de l’accessoire ou du transitoire. Il est clair que c’est à ce stade que la question devient plus difficile. De fait, comment l’homme, si grand et si petit à la fois, pourrait-il espérer démêler l’essentiel de l’accessoire quand tout s’ingénie à en brouiller les caractères spécifiques ? Est-il donc à craindre que la vie ne soit plus qu’une longue errance intellectuelle, morale et spirituelle, à la recherche d’un trésor inatteignable ?
Les rythmes sociaux font que l’activité générale, un moment apaisée, reprend, à présent, de plus belle. Ce relatif silence du monde va donc de nouveau céder la place au tumulte quotidien. Peut-être est-ce précisément le moment de se poser ces questions-là… tandis qu’on en a le temps. Le peuple juif a une longue histoire, une longue mémoire et une sagesse ancienne qui lui donnent à comprendre le présent pour mieux penser l’avenir. Les civilisations antiques ont été certes brillantes. Pour certaines d’entre elles, elles continuent encore de projeter leur éclat. Pourtant, elles sont mortes ; le peuple juif reste vivant. Si l’on s’interroge sur cette survie peu explicable au regard des barbaries rencontrées sur le chemin et des séductions déployées pour le faire disparaître, un mot vient à l’esprit : l’essentiel. Le peuple juif a su – sait – préserver ce sens de l’essentiel, bien plus précieux et plus vivant que les plus hautes pyramides d’Egypte ou les plus élégants temples grecs.
Dire et vivre l’essentiel, c’est, pour chaque Juif, dire et vivre le judaïsme, y compris dans un monde oublieux. C’est dire son message et c’est le vivre quotidiennement. C’est montrer par son exemple que la pensée et le rite ne sont pas des domaines contradictoires mais indispensablement complémentaires. C’est démontrer que l’universalisme bien pensé a le pouvoir de se décliner, sans exclusion, en un particularisme chaleureusement vécu. C’est décidément chaque jour que la vie commence, la vie juive aussi.
Etincelles de Machiah
Les clés de la Délivrance

On a coutume de dire que chaque Juif peut, individuellement, hâter la venue de Machia’h. C’est ce qu’indique l’enseignement de Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Techouva 3: 4): “Il a accompli une Mitsva, il a fait pencher lui-même et le monde entier du côté du mérite et a causé pour lui et eux la délivrance et le salut”. Comment la simple action d’un Juif peut-elle avoir un tel effet?
C’est que l’étude de la Torah, la pratique des commandements réduisent l’impureté du monde. C’est cela qui hâte la venue du jour où la prophétie de Zacharie (13 :2) s’accomplira: “Je chasserai l’esprit d’impureté de la terre”. Ces actions révèlent aussi le bien et la sainteté dans le monde, précipitant ainsi la réalisation de la promesse (Isaïe 11 :9): “Et la terre sera pleine de la connaissance de Dieu”.
(D’après Likouteï Si’hot, vol. II, p. 594) H.N.
Vivre avec la Paracha
Bo : Les étincelles

Lors de «l’Alliance entre les parties», D.ieu dit à Avraham : «Sache que tes enfants seront des étrangers sur une terre qui ne sera pas la leur et ils les asserviront et les feront souffrir… et par la suite, ils sortiront avec de grandes richesses.»
Certes, pour la plus grande partie de notre histoire, nous avons été des étrangers sur une terre qui ne nous appartenait pas. Il y eut l’exil égyptien, l’exil babylonien, l’exil grec et notre présent exil qui commença avec la destruction du Temple par les Romains en 69. L’exil est bien plus qu’un départ du pays natal. Un individu en exil est arraché à l’environnement qui nourrit son mode de vie et son identité spirituelle. En exil, c’est sur lui seul que tout repose.
Pourquoi sommes-nous en exil ? L’exil est généralement considéré comme une punition pour des erreurs collectives ou individuelles. En fait, les prophètes le décrivent comme tel et dans nos prières, nous nous lamentons sur le fait qu’ «à cause de nos péchés nous avons été exilés de notre terre». Mais si l’exil n’avait pour but que de corriger nos fautes, son intensité devrait diminuer peu à peu. Et pourtant, nous observons qu’il va s’assombrissant. Plus complexe encore est le fait que notre situation d’exil avait été prédite à Avraham, dans son alliance avec D.ieu, comme partie intégrante de la mission historique du peuple Juif, bien longtemps avant que les péchés que l’exil expie ne soient accomplis.
On peut avoir une clé du sens profond de l’exil dans «les grandes richesses» qui allaient résulter du séjour du Peuple Juif en Egypte, promises par D.ieu à Avraham. Cette promesse constitue un thème récurant dans le récit que fait la Torah de l’exil égyptien et de l’Exode, au point que l’on a même l’impression que là était le but réel de notre esclavage en Egypte. Quand D.ieu entre en communication avec Moché, au Buisson Ardent et le charge de la mission de sortir les Juifs d’Egypte, durant la plaie de l’obscurité et juste avant l’Exode, D.ieu semble réellement supplier les Enfants d’Israël de sortir sa richesse de l’Egypte ! Le Talmud explique que le Peuple Juif n’était pas enclin à retarder son départ d’Egypte pour rassembler des richesses : A quoi est-ce comparable ? A un homme enfermé dans une prison à qui il est dit : demain tu seras libéré et on te donnera beaucoup d’argent. Il répond : Je vous en supplie, libérez-moi aujourd’hui et je ne demande rien de plus… [Ainsi D.ieu devait les enjoindre :] Je vous en prie ! Demandez aux Egyptiens des ustensiles d’or et d’argent pour que le Juste [Avraham] ne dise pas : Il a accompli : «Ils seront asservis et torturés» mais Il n’a pas accompli «et par la suite ils sortiront avec de grandes richesses». Mais il est sûr qu’Avraham lui-même aurait renoncé à cette promesse pour hâter la libération de ses enfants. Il apparaît donc clairement que l’or et l’argent que nous transportâmes hors d’Egypte constituaient un élément indispensable à notre rédemption.

L’éclat de l’or
Le Talmud offre du phénomène de l’exil l’explication suivante: «le peuple d’Israël fut exilé parmi les nations dans le seul but que les convertis puissent s’ajouter à lui». Au sens littéral, cela fait référence aux nombreux non-Juifs qui, au cours des siècles de notre diaspora, sont entrés en contact avec le Peuple Juif et ont désiré se convertir au Judaïsme. Mais la ‘Hassidout explique que le Talmud fait également référence à des âmes d’une nature différente qui se trouvent transformées et élevées durant nos exils : les étincelles de sainteté que contient la réalité matérielle.
Le grand cabaliste Rabbi Its’hak Louria enseignait que chaque objet, chaque force et chaque phénomène qui existent ont en eux une étincelle de spiritualité, un petit point de divinité qui constitue leur âme, leur essence spirituelle, leur raison d’être. Cette étincelle représente le désir divin que la chose existe et sa fonction dans la perspective générale du projet divin de la création. Quand un homme utilise quelque chose pour servir son Créateur, il pénètre son écorce de matérialité et révèle et réalise son essence divine.
C’est à cette fin que nous fûmes dispersés à la surface du globe : pour entrer en contact avec ces étincelles de divinité qui attendent la rédemption dans tous les coins du monde. Chaque âme possède ses propres étincelles éparpillées dans le monde et qui forment une partie intégrante d’elle-même : aucune âme n’est complète tant qu’elle n’a pas libéré ces étincelles constituant son être. Ainsi l’être humain avance dans la vie, mu de lieu en lieu, d’occupation en occupation par des forces qui semblent aléatoires. Mais tout est issu de la Providence Divine qui guide chacun vers des occasions et des circonstances en étroite relation avec son âme.

La leçon
Il est des circonstances où l’on est tenté d’échapper à l’exil en s’enfermant dans un cocon de spiritualité, dévouant nos jours et nos nuits à l’étude de la Torah ou à la prière. Mais au lieu de le fuir, on ne fait que s’y enfoncer davantage car l’on abandonne alors les membres de notre propre âme, les étincelles de spiritualité, dans le désert d’une matérialité que l’on se refuse à raffiner.
Ce n’est qu’en relevant les défis que la Providence Divine met sur notre chemin, en utilisant chaque parcelle d’or et d’argent matériels à une fin divine que nous pouvons soustraire ces étincelles à leur exil, que nous parvenons à une délivrance personnelle et que nous hâtons la Rédemption universelle.
Le Coin de la Halacha
Qui doit enseigner la Torah ?

Le père a l’obligation d’enseigner la Torah à ses enfants. Dès que l’enfant commence à parler, on lui apprend le verset «Torah Tsiva Lanou Moché Moracha Kehilat Yaakov» - «La Torah que Moché (Moïse) nous a enseignée est un héritage pour la communauté de Jacob» (Deutéronome 33, 4). Puis on lui fera aussi répéter (ou chanter) les onze autres versets et citations talmudiques sélectionnés par le Rabbi de Loubavitch.
L’école embauchera des professeurs conscients de la Présence de D.ieu («Yirat Chamayim») afin que les enfants soient imprégnés d’une atmosphère pure. On commencera l’étude du ‘Houmach (Pentateuque) avec la première Paracha de Vayikra (Lévitique), décrivant les sacrifices : «Que viennent les (enfants qui sont) purs et qu’ils s’occupent des (sacrifices qui sont) purs !».
Le professeur aura à cœur d’utiliser chaque moment pour enseigner aux enfants : «On ne laisse pas les enfants négliger l’étude de la Torah, même pas pour qu’ils participent à l’édification du Temple !». L’enseignant ne sortira pas de la classe pour un motif futile, ne téléphonera pas et ne mangera pas ( ! )… pendant le cours. Il ne punira pas excessivement les élèves mais aura à cœur de développer au maximum le potentiel de chacun.
Même celui qui n’a encore que peu de connaissances dans la Torah peut – et doit – déjà enseigner ce qu’il sait : «Dès qu’on sait lire le Aleph, on peut déjà l’enseigner à un autre Juif même si on ne connaît pas encore le «Beth» ! (Bien entendu, on se hâtera d’apprendre le reste de l’Aleph-Beth - et bien plus que cela !)
Les femmes ont également l’obligation d’étudier la Torah :
1) pour connaître les lois qu’elles doivent appliquer, y compris l’amour et la crainte de D.ieu.
2) pour enseigner la Torah à leurs enfants et les encourager dans leur étude.
Les enseignants devront suffisamment manger et dormir afin de pouvoir enseigner correctement.

F. L. (d’après le Kitsour Choul’han Arou’h)
De Recit de la Semaine
La fierté d’être Juif

Berel Hindrick avait vingt ans quand il fut enrôlé de force, avec son meilleur ami, dans l’Armée Rouge. Dès le début, les deux compagnons décidèrent par tous les moyens de préserver leur judaïsme, en particulier la cacherout.
Effectivement, durant toute cette période, ils ne se nourrirent que de pain, de fruits et de légumes. Ils agissaient ainsi de façon aussi discrète que possible afin de pas éveiller la curiosité des autres soldats. Dès qu’on tentait de leur faire goûter les plats de la gastronomie militaire, ils s’éloignaient en inventant toutes sortes de prétextes.
Ils avaient un autre problème à affronter : la prière. La vie dans la caserne était réglementée de façon très stricte et quiconque ne respectait pas les horaires et les ordres se mettait en danger.
Chaque matin, le commandant réveillait les recrues à la même heure, avec des cris : en moins d’une minute, les soldats devaient s’habiller et se mettre au garde à vous.
Pour s’acquitter de la prière du matin, Berel et son ami devaient se réveiller beaucoup plus tôt, bien avant le réveil officiel. Ils se cachaient dans un coin tranquille et priaient sans réveiller leurs camarades. Ils cachaient leurs Téfilines et livres de prière puis retournaient se coucher comme si de rien n’était.
Inutile de décrire leur angoisse chaque matin. De fait, ils risquaient d’être dénoncés, emprisonnés, jugés puis envoyés en Sibérie ou même, pire encore… Cependant, ils s’obstinèrent et réussirent à prier chaque matin : l’un encourageait l’autre et tous deux puisaient de cette expérience matinale le courage et la force pour tenir bon toute la journée.
Un jour, tout bascula : Berel avait oublié de cacher son Sidour, son livre de prières et le prit avec lui dans son lit. Quand le commandant arriva, Berel se leva d’un bond, s’habilla et se mit au garde à vous. L’officier passa devant les soldats debouts près de leurs lits en les toisant de la tête aux pieds. En arrivant devant Berel, il lui jeta un regard, s’apprêta à passer au soldat suivant, mais remarqua alors quelque chose qui dépassait sous la couverture. Quand il tendit la main pour vérifier la nature de l’objet, Berel sentit son cœur battre à tout rompre.
«Qu’est-ce donc ?» demanda le commandant, soupçonneux en découvrant le livre.
A cet instant, Berel décida que, puisque son secret avait été découvert, il l’assumerait pleinement et revendiquerait son judaïsme avec fierté.
«C’est un livre de prières !» répondit-il d’une voix ferme.
«Et à quoi cela sert-il ?» demanda le commandant sur un ton menaçant.
Malgré son angoisse, Berel fit des efforts surhumains pour garder son calme : «Je m’en sers pour prier D.ieu !» répondit-il.
Les yeux du commandant lançaient des flammes ! Il était si furieux que les mots ne parvenaient pas à sortir de sa bouche. Il regardait Berel, puis le Sidour ; il finit par jeter à terre le Sidour d’un air dégoûté : «Je vais t’expédier en Sibérie !». Il respira profondément et se reprit : «Non ! Pas en Sibérie ! Je vais te fusiller !»
Le commandant regarda Berel avec mépris. Ses regards foudroyants étaient autant d’épines plantés dans sa chair. Puis, de menaçants ils se firent dédaigneux : «A quoi bon le faire juger ? Je n’ai aucune envie de m’occuper de lui ! Un sale traître juif ! Je vais l’envoyer vers le commandant en chef, lui ne s’embarrassera pas outre mesure et l’enverra directement en Sibérie ou devant le poteau d’exécution !»
Deux heures plus tard, Berel, son Sidour à la main, se retrouva devant le Commandant en chef. Il avait beau tenter de se dominer, il n’arrivait pas à empêcher son cœur de battre de plus en plus vite.
«Qu’est-ce que cela ?» demanda le Commandant, le visage fermé.
«Un livre de prières, camarade Commandant !»
«Et que fais-tu avec cela ?» continua le Commandant en regardant Berel droit dans les yeux.
Etonné par cette question, Berel répondit : «Je prie !»
«Régulièrement ?»
«Oui !»
«Et en quelle langue ce livre est-il écrit ?»
«En hébreu, la langue sainte !»
«Tu sais lire l’hébreu ?»
«Oui !»
Le Commandant prit le Sidour des mains de Berel et se mit à le feuilleter. Soudain, il leva les yeux et fit signe à Berel de s’approcher. Il murmura à son oreille : «Je t’en prie ! Apprends-moi l’hébreu ! Moi je ne sais pas prier ! Donne-moi des cours et je saurai te récompenser !»
Berel était stupéfait. Son cerveau fonctionnait à toute vitesse ; il se pinça pour être sûr qu’il ne rêvait pas. Peut-être était-ce un piège ? Tandis qu’il réfléchissait quelle réponse donner, il se souvint tout-à-coup du nom du Commandant, un nom relativement répandu dans la communauté juive !
«Avec plaisir !» répondit-il, soulagé.
A partir de ce jour, Berel enseigna au Commandant comment lire l’hébreu et comment prier dans le livre qu’il chérissait tant. En échange, il bénéficia d’un traitement de faveur et, grâce à lui, son ami put aussi voir ses conditions de vie grandement facilitées. Le Commandant obtint pour eux des certificats médicaux leur interdisant de manger de la viande. Par ailleurs, tous les vendredis après-midi, ils étaient envoyés «en mission» dans des villages voisins : là, ils étaient invités à passer Chabbat chez des familles juives accueillantes.
Peu de temps après, le Commandant fut appelé en mission dans une autre région. Il proposa à Berel de l’accompagner et de devenir son chauffeur personnel. Celui-ci refusa, car il ne voulait pas abandonner son ami. Le Commandant partit, non sans avoir ordonné qu’on laisse ses protégés agir comme bon leur semblait.
Qu’est devenu ce Commandant ? Nul ne le sait.
Mais Berel fut libéré quelques temps plus tard, de manière miraculeuse et il épousa la sœur de son ami. Tous trois réussirent à monter en Terre Sainte.

Yaakov Hindrick, Bné Brak
Sicha Hachavoua
Traduit par Feiga Lubecki