Semaine 49

  • Mikets
Editorial
Laissons entrer la lumière !

Lorsque le cultivateur, après tous les efforts investis, voit que la moisson lève enfin, il ne peut retenir une expression de bonheur. Il a tant fait, tant attendu aussi, que, au moment où les premières pousses surgissent, même s’il sait que tout n’est pas encore acquis, c’est une forme nouvelle d’allégresse qui s’empare de lui. D’une certaine manière, les Juifs sont des cultivateurs de lumière. Jour après jour, ils ensemencent le monde de l’accomplissement de leurs Mitsvot et, jour après jour, ils espèrent voir apparaître les fruits de leurs actions. Parfois, le ciel gris, les nuages lourds et bas ne paraissent laisser que peu d’espoir. Pourtant, ils s’obstinent et l’instant suivant les voit, de nouveau, au travail. Jusqu’en ce mois de Kislev, le mois de lumière. Alors, tout se passe comme si la récolte s’annonçait enfin. En haut de tous les chandeliers de la fête, les flammes dansent et éclairent le monde. La fête de ‘Hanoucca arrive sur le monde et, avec elle, la puissance qui en chasse l’obscurité comme les nouvelles pousses vertes qui rejettent au loin l’aridité du désert.
Prendre soin de la lumière est chose difficile. Ils sont parfois nombreux ceux qui voudraient la voir s’éteindre. Au fil de l’histoire, ils ont porté des noms différents – babyloniens, grecs, romains etc. – mais leur projet a toujours été le même. La lumière dérange celui qui préfère ne rien voir, ne rien connaître afin de mieux écraser tout ce qui ne lui ressemble pas et de ne laisser au monde qu’un visage unique, figé pour une apparente éternité. Inlassablement, le peuple juif a relevé ce défi-là. Dans les temps difficiles comme dans les temps aimables, il reste conscient que la lumière est précieuse et que, si elle est à la fois sa vie et son œuvre, c’est aussi parce que le monde entier en a besoin. Sans elle, il ne serait qu’une demeure terne, que les hommes rêveraient de délaisser. C’est pourquoi, pendant toute la semaine de ‘Hanoucca, la lumière grandit encore, dans toutes les maisons juives et sur toutes les places publiques.
Ceux qui cultivent la lumière la voit ainsi naître. Ils ne retiennent pas leur sourire. Et celui-ci n’est pas le signe d’un contentement rassasié, il est celui de l’homme qui, ayant beaucoup travaillé, sait que le chemin est encore au-devant de lui. Une différence pourtant : à présent, la lumière naît. Faisons entrer celle de ‘Hanoucca dans notre ville, notre maison et notre cœur – finalement dans notre vie – le chemin s’illumine à l’instant. Et cette lumière-là ne disparaîtra pas.
Etincelles de Machiah
«Père, cela suffit !»

Le précédent Rabbi de Loubavitch, Rabbi Yossef Its’hak, dit un jour : «Si tous les Juifs, grands et petits, proclamaient ensemble : ‘Père, cela suffit ! Aie pitié de nous et envoie-nous notre Machia’h !’ – Machia’h viendrait certainement!»
(d’après Séfer Hasi’hot 5696, p.312)H.N.
Vivre avec la Paracha
Mikets : Des rêves et des rêves

Les rêves de Pharaon
Le début de notre Sidra est marqué par un long récit des rêves du Pharaon, à propos de vaches et d’épis de blé, et de l’interprétation qu’en donne Yossef : ce sont les symboles d’années de plénitude et d’années de famine.
Pourquoi donc la Torah s’attarde-t-elle si longuement et de façon si détaillée sur ces rêves ? Le point central de l’épisode est simple : Yossef prévoit sept années de plénitude suivies de sept années de famine et, son interprétation éblouissant le Pharaon, il est nommé vice-roi d’Egypte. En quoi est-ce si important de savoir si cette nomination vient des rêves et de leur interprétation ou par une autre chaîne d’événements ?
Et quand bien même il serait important de savoir que Yossef obtient cette position grâce à son interprétation des rêves, pourquoi la Torah ne nous informe-t-elle pas simplement des faits et nous en fournit-elle de nombreux détails ?

L’influence de Yossef
La réponse à ces questions est que les rêves du Pharaon doivent être compris dans leur contexte. Il rêva à cause de Yossef. Dans la Sidra précédente, nous avons appris que Yossef reçut une communication divine par des rêves. Et Yossef était l’héritier spirituel de Yaakov, celui qui allait apporter au monde tout ce que Yaakov représentait. En résumé, il incarnait une «âme collective», le moyen par lequel les émanations divines doivent être transmises au monde. Il était «le juste qui est le fondement du monde». Si la révélation divine lui était parvenue par le biais des rêves, c’était donc qu’il en allait ainsi de l’ordre du monde. Ainsi, quand une communication fut nécessaire pour le monde, et pour le Pharaon, son maître, elle devait lui venir par le rêve.

Le Juif et le monde
Ces faits nous donnent une leçon fondamentale dans notre service de D.ieu. Quand un Juif doit surmonter des défis difficiles, que ce soient des attitudes ou des désirs antagonistes, il doit prendre conscience que leur origine ultime n’est pas à trouver dans le monde mais en lui-même. Il n’est pas vrai qu’il lui faut suivre le monde, pas plus que pour vivre une vie juive fidèle, il faut faire des concessions au monde. C’est tout le contraire. Le Juif créée lui-même l’état du monde qu’il habite. Si son Judaïsme est tempéré par une réticence intérieure, cela se reflète autour de lui. Mais c’est la nature de ce monde de cacher sa source spirituelle. Ce fait est lui-même caché et les attitudes hostiles au Judaïsme sont ressenties comme émanant de l’extérieur, de l’univers en général, l’éloignant de sa foi. Mais la vérité est autre : le Juif est lui-même l’auteur de ces attitudes. S’il change ses propres désirs, si sa réticence devient affirmation, il change également l’attitude de son environnement.
Cela n’est pas tout, Même si nous ne trouvons pas l’origine d’un tel conflit dans le Juif lui-même, parce qu’il est libéré de tout antagonisme en lui-même, il est malgré tout responsable. Car c’est en lui que réside le but de la création.

Les différences entre les rêves de Yossef
et les rêves du Pharaon.
Bien que les rêves du pharaon dépendent du fait que Yossef rêva, ils étaient radicalement différents par leur nature. Les rêves de Yossef appartenaient au domaine de la sainteté et non ceux du Pharaon. Plusieurs différences les opposent donc dans leur structure et dans leur nature.
Tout d’abord, les rêves de Yossef commencèrent par une image du service, du pain gagné par le labeur : «Nous amassions des gerbes». Cette idée est totalement absente des rêves du pharaon dans lesquels la nourriture n’est vue comme le produit d’aucun effort. Les bénédictions qui viennent de D.ieu au Juif sont parfaites car elles viennent en réponse à des efforts. Car ce qui est reçu sans qu’on ait œuvré manque de quelque chose, manque du fait que l’homme a été un partenaire de D.ieu dans sa création. Mais ce qui découle de l’extérieur du domaine de la sainteté, la nourriture dont rêva le Pharaon, n’est pas totalement bon et peut donc venir sans production d’efforts.
D’autre part, les rêves de Yossef représentent une progression dans la perfection. Ils commencent par «des épis de blé», des épis individuels, chacun séparé de l’autre. Ils deviennent des «gerbes» où des éléments disparates ont été réunis. Et puis, dans le second rêve, nous passons au soleil, à la lune, et aux étoiles, les éléments célestes.
Mais dans les rêves du Pharaon, l’ordre est inversé : des vaches nous descendons aux épis, du règne animal, nous passons au règne végétal. Dans chacun des rêves du maître de l’Egypte, nous retrouvons la même notion de descente ou de déclin. D’abord apparaissent les vaches grasses, le blé riche, puis les vaches décharnées, les épis étiolés au point que le bien est totalement consumé par le mal.

Le sacré et son contraire
Ces différences entre les rêves des deux protagonistes traduisent ce qui oppose la sainteté et son contraire. La sainteté est éternelle et immuable. Dans son royaume, s’il y a des changements, ce sont toujours des élévations, ce qui, en fait, ne représente pas du tout un changement mais plutôt une réalisation parfaite. Et même lorsque le peuple Juif souffre de vicissitudes, qu’il est parfois en progrès, parfois en déclin, ce ne sont pas de réels changements. Car le Juif porte avec lui une mission et une foi uniques : accomplir la Torah et les Mitsvot et s’élever dans la sainteté. Et puisque «là où est sa volonté, c’est là que se trouve l’homme», puisque la descente du peuple juif a toujours pour but ultime une ascension plus grande dans une «paix éternelle», les fluctuations de l’histoire juive ne sont pas, en dernier ressort des changements mais la «paix». Une seule intention, un seul désir les traversent tous.
A l’opposé, le royaume du «non sacré» est sujet au changement, en fait, au déclin perpétuel. Car ce qui n’est pas saint n’existe pas par lui-même. C’est tout au plus des moyens pour une fin, pour tester l’homme et faire surgir en lui ses élans de sainteté. Mieux l’homme relève le défi et mieux il se renforce et s’élève dans son service, et le moins a-t-il besoin de tests. L’existence de ce qui n’est pas saint s’en affaiblit alors d’autant.

L’effort et la récompense
Une leçon se dégage de tout ce qui précède. Quand un homme croit qu’il peut recevoir des bénédictions sans effort, simplement grâce à certaines causes naturelles, il peut être sûr que cet espoir naît de son «âme animale», le côté de sa nature qui n’est pas spirituel. Car à ce niveau, il peut, en effet obtenir des bénéfices sans effort. Mais il doit également être conscient que ce qui appartient à ce royaume est sans cesse en proie au déclin : en fin de compte, rien ne restera. Mais si, à l’opposé, il travaille dans le service de D.ieu, il peut être assuré de la promesse : «tu as cherché et tu as trouvé». Il «trouvera» venant du Ciel plus que ce pourquoi il a œuvré. Et sans cesse il «montera dans le domaine de la sainteté».
Le Coin de la Halacha
Qu’est-ce que la prière Tal Oumatar ?

Cette année, on joute les mots «Tal Oumatar Livra’ha» («Donne la rosée et la pluie pour la bénédiction») dans la 9ème des 18 (19) bénédictions de la Amida (prière silencieuse prononcée debout) à partir du mercredi soir 5 décembre (qui est aussi le 2ème soir de ‘Hanouccah). Ces mots sont insérés dans la prière quotidienne jusqu’à la veille de Pessa’h.
Si on a oublié de dire «Tal Oumatar Livra’ha» avant d’avoir commencé la bénédiction suivante, on reprend à partir du début de la bénédiction «Bare’h Alénou». Si on a déjà entamé la bénédiction suivante («Teka Bechoffar»), on peut insérer les mots «Tal Oumatar Livra’ha» dans la 16ème bénédiction «Chema Kolénou».
Si on a conclu cette bénédiction de «Chema Kolénou» mais qu’on n’a pas encore commencé «Retsé», on l’insère à ce moment.
Si on a déjà commencé «Retsé» mais qu’on n’a pas encore dit : «Yihyou Leratsone» (à la fin de la Amida), on reprend à partir de «Bare’h Alénou».
Cependant si on a déjà prononcé «Yihyou Leratsone» et qu’on a donc terminé la Amida, il faut recommencer toute la Amida.
Par cette prière, nous demandons à D.ieu de nous accorder la pluie qui fera pousser les récoltes, en particulier le blé pour les Matsot de Pessa’h et le cédrat pour l’Ethrog de Souccot. Nous demandons que cette pluie soit bénéfique – pour la bénédiction – et ne soit pas trop abondante, ce qui serait catastrophique.
Grâce à la rosée et la pluie, le labeur de l’agriculteur se trouve béni. De même les efforts produits par l’homme ici – bas appellent la bénédiction divine.

F. L. (d’après le Kitsour Choul’han Arou’h)
De Recit de la Semaine
Des miracles de ‘Hanouccah aujourd’hui

Rav Shlomo Wilhelm est un émissaire du Rabbi de Loubavitch et Grand-Rabbin de Zhitomir en Ukraine. Il y a neuf ans, durant la fête de ‘Hanouccah, par un glacial soir d’hiver, Rav Wilhelm quitta son domicile douillet pour se rendre dans les villes et villages avoisinants. Il recherchait des Juifs auxquels il pourrait adresser un sourire chaleureux et auxquels il pourrait proposer un chandelier de ‘Hanouccah ou un manteau d’hiver ou même des repas cachères tout prêts fournis gratuitement par son centre communautaire.
Partout où il se rendait, que ce soit une grande ville ou un hameau, il demandait aux rares passants ou aux aubergistes s’ils connaissaient des Juifs. Dans un village en particulier, il interrogea une, deux, trois personnes. Non, on ne connaissait pas de Juif. Loin de se décourager, Rav Wilhelm continua son enquête : «Oui, affirma finalement un paysan, il y a une vieille dame juive au bout du village!»
Il lui montra la petite maison et Rav Wilhelm frappa à la porte : «La jeune femme qui ouvrit pâlit en me voyant et me fit entrer sans même me demander le but de ma visite. Elle me présenta sa grand-mère qui était alitée et visiblement très malade. J’avoue que j’étais assez étonné de l’attitude de la jeune femme qui semblait toute heureuse de ma visite.
Elle s’appelait Alya et me présenta aussi son frère et sa fille qui l’avaient accompagnée depuis la lointaine Sibérie pour être au chevet de la vieille dame qui vivait visiblement ses derniers jours. Je leur parlai de la fête de ‘Hanouccah et de son importance : ils buvaient mes paroles mais n’en avaient jamais entendu parler. Je m’approchai alors de la grand-mère qui – bien qu’incapable de parler – manifesta une émotion particulière quand je lui parlai en yiddish, sans doute sa langue maternelle : j’expliquai au frère comment allumer les bougies de ‘Hanouccah et les petites flammes attirèrent comme un aimant le regard fatigué de la veille dame.
Je leur demandai s’ils avaient suffisamment de couvertures, de bois pour se chauffer et de nourriture. Je leur demandai leur numéro de téléphone afin que je puisse m’informer de l’état de santé de la malade.
Effectivement, quand j’appelai le lendemain matin, Alya m’informa que, quelques minutes après que j’ai quitté sa maison, la grand-mère avait paisiblement rendu son âme à son Créateur. Je retournai au village et aidai la famille à procéder à l’inhumation selon la ‘Hala’ha, la loi juive. Avant de quitter Alya et sa famille, je leur laissai les coordonnées de mes collègues Loubavitch en poste en Sibérie.»
L’histoire ne s’arrête pas là.
L’an dernier, à l’occasion d’un rassemblement féminin à Zhitomir, à l’occasion de ‘Hanouccah, Madame Esther Wilhelm demanda aux dames présentes de raconter quelque chose de spécial qui leur serait arrivé en rapport avec la fête des lumières. Une femme se leva et raconta : «Il y a quelques années, mon frère, ma fille et moi-même avons rendu visite à ma grand-mère, âgée, qui vivait dans un village perdu près de Zhitomir. Ma grand-mère sentait que ses derniers moments arrivaient et elle nous appela. D’une voix faible mais déterminée, elle déclara : «Je vais vous révéler un secret que je garde depuis soixante-dix ans. Je suis juive ! Toutes ces années, je n’ai pas vécu comme telle mais je désire être enterrée comme une Juive!»
Mon frère et moi-même étions sous le choc de cette révélation. Bien entendu, nous avons pris l’engagement d’accomplir sa dernière volonté bien que nous n’ayons aucune idée de ce que cela impliquait. Si elle était juive, étions-nous juifs nous aussi ? Et comment organiser une cérémonie juive alors que nous ignorions tout de ce que cela signifiait ? Avant même que nous n’ayons réfléchi à ces questions, on frappa à la porte : c’était Rav Shlomo Wilhelm ! Il pensait apporter la joie de la fête de ‘Hanouccah à une vieille dame juive, isolée dans un hameau perdu, il allait lui proposer des services concrets, une assistance financière éventuellement. Mais, de fait, c’est certainement la Providence Divine (concept dont j’ai pris conscience en suivant des cours de judaïsme) qui l’a amené au bon moment, afin que ma grand-mère puisse passer ses derniers instants sur terre dans une atmosphère juive, en assistant à l’allumage des lumières de ‘Hanouccah. Pour nous, cela a marqué le début de notre périple vers le judaïsme, vers la foi de nos ancêtres.
A partir de ce jour, nous avons trouvé des réponses à nombre de nos questions. J’ai énormément appris de ma fille Irina : depuis que nous avons déménagé à Zhitomir, elle est grâce à D.ieu inscrite à l’école Ohr Avner Chabad…» conclut Alya sous les applaudissements.

Rav Avraham Berkowitz – directeur du F.J.C.
L’Chaim
Traduit par Feiga Lubecki