Semaine 29

  • Devarim
Editorial
A la rencontre du Temple de Jérusalem

Voici que revient, cette semaine, la période des “neuf jours”, du 1er au 9 Av, et son cortège d’images de drames et d’infinie tristesse, d’exil et de fin d’un temps. Chacun le sait: le 9 Av, nous commémorerons la destruction du Temple de Jérusalem. Chacun ressent ce presque insoutenable poids de l’histoire transmis de génération en génération avec l’attente obstinée et active de la venue du Machia’h. La période s’étend ainsi comme un long et difficile chemin et, même si la lumière monte à son extrémité, l’obscurité ambiante paraît bien oppressante.
Pourtant, au cœur du voyage, il existe un moment de lumière. C’est ce Chabbat qui précède le jeûne du 9 Av. Il porte le nom de Chabbat ‘Hazon ou “Chabbat de la vision”. Au-delà de la raison rituelle d’une telle dénomination, quelque chose est là sous-jacent. C’est qu’une vision est toujours bouleversante et que celle-ci ne fait pas exception à la règle. Cette fois, l’objet de la vision n’est autre que le troisième Temple de Jérusalem, celui-là même que le Machia’h rétablira dans notre monde, sur sa colline au cœur de la Ville Sainte. Il se dresse, disent nos Sages, tout de lumière et n’attend que le moment de descendre ici-bas. C’est ce Temple de lumière qui éclaire chacun de nous en ce Chabbat, comme la vision merveilleuse d’une réalité prochaine.
Certes, on pourrait ici s’interroger: les visions ne sont que pour les visionnaires. A quoi sert que l’on nous montre le prestigieux édifice quand personne n’est capable de le voir? N’est-il pas plus désespérément simple de continuer à accepter le poids de l’exil sans ce type de consolation subliminale? Justement, l’espérance de ce Chabbat ne constitue pas qu’un espoir vain. Elle est une réalité spirituelle qui nous donne la force et l’énergie nécessaires pour continuer notre chemin, pour concrétiser notre espérance.
Lorsque, ce Chabbat, la vision est présente, même si nous n’en avons pas conscience, cette présence nous pénètre et nous anime. Elle illumine le monde et donne vie à notre espoir. Ce Chabbat, le Temple rayonne sur nous. Sachons jouir de l’éclat de sa lumière.
Etincelles de Machiah
L’attente confiante

Dans son Michné Torah, Maïmonide (Hil’hot Mela’him, chap. 12) expose les lois relatives à Machia’h. Il y indique notamment : «En cette époque, il n’y aura plus de famine ni de guerre». Cette phrase fait pendant à l’injonction (Psaumes 34 : 15) «Ecarte-toi du mal» qui nous enjoint d’éliminer tous les éléments négatifs.
Mais, pour que le processus soit complet, il faut également y joindre l’aspect positif. C’est pourquoi le texte de Maïmonide continue en soulignant qu’en ce nouveau temps, le souci de chacun «ne sera que de connaître D.ieu». Ceci correspond à l’injonction (Psaumes 34 : 15) «Fais le bien», c’est-à-dire accroître la lumière de la Torah par l’intensification de son étude.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. XXV, p. 462) H.N.
Vivre avec la Paracha
Devarim : le Chabbat de la Vision

Et moi, Daniel, seul j’ai eu la vision mais le peuple avec moi ne l’a pas vue ; et pourtant une grande terreur s’est emparée d’eux et ils ont fui pour se cacher (Daniel 10 : 7).

Mai, s’ils n’ont pas eu la vision, pourquoi étaient-ils terrifiés ? Parce que bien qu’eux-mêmes ne vissent pas, leur âme voyait (Talmud Meguila 3a).

Le neuvième jour du mois d’Av (Tichea beAv) nous jeûnons et pleurons pour la destruction du Temple de Jérusalem. A cette date furent détruits à la fois le premier Temple (833-423 avant l’ère commune) et le second Temple (69 après). Le Chabbat qui précède ce jour de jeûne est appelé le «Chabbat de la Vision» car nous y lisons un chapitre des Prophètes (Isaïe 1 :1-27) qui commence par ces mots : «la vision d’Isaïe…».

Mais le nom de ce Chabbat évoque également un sens plus profond qu’exprima le Maître ‘hassidique, Rabbi Lévi Its’hak de Berditchev, par la métaphore suivante :
Un jour, un père prépara un magnifique costume pour son fils. Mais l’enfant ne prit pas soin du cadeau de son père et bientôt le costume fut en lambeaux. Le père donna à son fils un second costume, mais très vite celui-ci fut également abimé par l’enfant.
Le père fit alors faire un troisième habit. Mais cette fois-ci, il ne le donna pas à son enfant. De temps en temps, à des occasions particulières, il le lui montrait en lui expliquant que quand il apprendrait à l’apprécier et à en prendre soin, il le lui donnerait. Cela conduisait l’enfant à améliorer son comportement jusqu’à ce que, progressivement, cette bonne attitude devienne sa seconde nature et qu’il mérite le cadeau de son père.
Lors du «Chabbat de la Vision», explique Rabbi Lévi Its’hak, à chacun d’entre nous est permis d’avoir la vision du troisième Temple qui, lui, sera éternel, de sorte que, pour paraphraser le Talmud, «bien que nous ne le voyions pas, nos âmes le voient». Cette vision éveille en nous une réponse profonde, même si nous ne sommes pas conscients de la cause de cette inspiration soudaine.

La Résidence Divine
Le Temple de Jérusalem était le siège de la présence manifeste de D.ieu dans le monde physique.
Un principe fondamental de notre foi tient au fait que «la terre entière est remplie de Sa présence» (Isaïe 6 : 3) et «il n’existe pas un endroit vide de Lui» (Tikouneï Zohar 57). Mais la présence et l’implication de D.ieu dans Sa création sont masquées par ce qui paraît être les œuvres indépendantes et arbitraires de la nature et de l’histoire. Le Temple constituait une ouverture dans le voile, une fenêtre à travers laquelle D.ieu faisait irradier Sa lumière dans le monde. Là, l’implication de D.ieu dans notre monde était ouvertement déployée par un édifice dans lequel les miracles faisaient naturellement partie intégrante du fonctionnement quotidien et dont l’espace lui-même reflétait l’infinité et l’omniprésence du Créateur. Là, D.ieu se montrait à l’homme et l’homme se présentait devant D.ieu.
A deux reprises nous fut attribué le don d’une Présence Divine en notre sein. A deux reprises, nous ne sûmes pas apprécier ce don et nous bannîmes la Présence Divine de notre vie.
Ainsi D.ieu construisit pour nous un troisième Temple. Mais contrairement aux deux précédents, qui avaient été réalisés par une construction des hommes et étaient donc sujets à l’éradication à cause de leurs fautes, le troisième Temple est aussi éternel et indestructible que son architecte omnipotent. Mais D.ieu garde ce «troisième costume» loin de nous, le confinant dans une sphère supérieure et céleste, au-delà du regard et de l’expérience de l’homme de ce monde.
Chaque année, lors du «Chabbat de la Vision», D.ieu nous montre le troisième Temple. Notre âme saisit la vision du troisième Temple dans les cieux, dans un statut spirituel et abstrait, tout comme le troisième vêtement que le père a fait confectionner pour son enfant mais qu’il ne lui fait que contempler de loin. Mais c’est aussi une vision qui renferme une promesse, la vision du troisième Temple prêt à descendre sur terre, une vision qui nous encourage à corriger notre comportement et hâter le jour où cette vision spirituelle deviendra une réalité concrète.
Le sens essentiel de la métaphore est évident mais de nombreuses perspectives subtiles se cachent dans ses détails. Pourquoi, par exemple, les trois Temples sont-ils représentés par trois costumes ? L’exemple de l’édification d’une maison n’aurait-il pas été plus adéquat ?
Une maison tout comme un costume «abritent» et enveloppent la personne. Mais l’habit le fait d’une manière beaucoup plus personnelle et individuelle. Une maison reflète, par ses dimensions et son style, la nature de son occupant mais ils le font d’une manière plus générale et moins spécifique et intime qu’un vêtement. D’un autre côté, la nature individuelle d’un habit limite sa fonction à un usage personnel. Une maison peut abriter de nombreuses personnes, un vêtement n’est porté que par un seul homme.
D.ieu choisit de révéler Sa présence dans une «résidence», une structure commune qui va au-delà de l’individuel pour convenir à un peuple tout entier, à l’entière communauté des hommes. Et pourtant le Temple de Jérusalem possédait également certains aspects caractéristiques des vêtements.
En effet, le Temple était une structure fortement compartimentée. Il y avait une cour des femmes et une cour réservée aux hommes, un espace réservé exclusivement aux Cohanim (les prêtres), un «Sanctuaire» (Hé’hal) imprégné d’une plus grande sainteté que les «cours» et le Saint des Saints , chambre dans laquelle seul le Grand Prêtre pouvait pénétrer et exclusivement à Yom Kippour, le jour le plus saint de l’année etc.
En d’autres termes, bien que le Temple exprime une vérité unique, la Présence omniprésente de D.ieu dans notre monde, il le faisait pour chaque individu de façon personnalisée. Bien que ce fut une «maison» dans le sens où il servait à de nombreux individus, en fait au monde entier, comme lieu de rencontre avec l’infini, chaque homme y trouvait un «costume» sur mesure pour ses besoins spirituels spécifiques, selon sa relation personnelle et intime avec D.ieu.
Chaque année, le Chabbat qui précède Tichea beAv, nous est montrée une vision de notre monde comme d’une résidence divine, un lieu où toutes les créatures de D.ieu jouiront de Sa présence. Mais c’est aussi la vision du «costume» divin, de la relation personnelle avec D.ieu qui convient spécifiquement à notre caractère individuel et à nos aspirations particulières, une relation dont chacun d’entre nous bénéficiera quand le Troisième Temple descendra sur terre.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 9 Av ?

Le 9 Av commémore de tristes dates de l'histoire juive, comme l'épisode des explorateurs, de nombreux pogromes, et en particulier la destruction du saint Temple de Jérusalem par les Romains.
Les garçons à partir de 13 ans et les filles à partir de 12 ans doivent jeûner depuis la veille (cette année lundi 23 juillet 2007 à partir de 21h 20, horaires de Paris) jusqu'au soir (cette année mardi 24 juillet 2007 à 22h 35). En cas de maladie ou de faiblesse, on consultera un Rabbin compétent à propos du jeûne. On ne se lave pas, sauf les mains le matin, ou pour des raisons d'hygiène. On ne met pas de chaussures en cuir. On n'étudie pas la Torah, (sauf certains passages de Jérémie par exemple), et on assiste à un «Siyoum», à la conclusion d'un traité talmudique, (qu’on peut aussi écouter à la radio).
Jusqu'au milieu de la journée de mardi (environ 13h 30, 14h) on ne s’asseoit pas sur une chaise mais seulement sur un petit tabouret, en signe de deuil. On évite de dire bonjour, sauf aux personnes qui ont oublié qu'on ne se salue pas le 9 Av.
Lundi soir, on lit les Lamentations de Jérémie (Meguilat E'ha). Mardi matin, on fait la prière sans Talit ni Téfilines, et on lit les «Kinot». Mardi après-midi, on met Talit et Téfilines pour la prière de Min'ha et on rajoute le passage «Na'hem» («Console les endeuillés de Sion»). On ne mange pas de viande, et on ne boit pas de vin jusqu'au milieu de la journée du mercredi 25 juillet. On fera lessive, couture et repassage et on pourra se couper les cheveux à partir du mercredi 25 juillet, 14 h.

F. L
De Recit de la Semaine
Du Kibboutz à Bangkok

Comme des milliers d’Israéliens après leur service militaire, Erez et Ora s’étaient envolés pour l’extrême Orient. Tous deux étaient originaires de Kibboutzim dans lesquels la religion – surtout le judaïsme – était considérée comme «l’opium des peuples». D’ailleurs, ils n’en connaissaient pratiquement rien.
Ils avaient voyagé d’un pays à l’autre, avaient rencontré des étrangers, avaient mangé les plats locaux, campé dans la jungle, escaladé des montagnes, mais avaient veillé à toujours rester en contact avec leurs familles respectives.
Un jour, les parents d’Erez lui avaient proposé de revenir passer deux semaines en Israël : sa sœur devait justement venir du Canada. C’était donc une superbe occasion pour une réunion de famille. Enchanté, Erez accepta la suggestion et, avec l’accord de son amie Ora, il retourna en Israël. Là, il passa deux semaines merveilleuses, ressentant une unité et un amour comme il ne l’avait jamais expérimenté. Les repas, les promenades, les échanges de souvenirs, les histoires autour des anciennes photos… Tout ceci lui laissa une impression extraordinaire. Puis sa sœur repartit au Canada et Erez rejoignit son amie en Thaïlande.
Dès son arrivée, il téléphona à sa mère comme d’habitude pour la rassurer qu’il avait fait un bon voyage mais celle-ci n’arrivait pas à retenir ses larmes : le père d’Erez avait subi une attaque cardiaque juste après le départ de ses enfants et… était décédé. L’enterrement se déroulerait dans quelques instants.
Erez était pétrifié. Toute la famille venait justement de passer deux semaines magnifiques qui, de fait, avaient été les dernières semaines de son père. Ce ne pouvait être une coïncidence !
Non, il n’envisageait pas de prendre le deuil puisqu’il n’était pas pratiquant mais une question le hantait : D.ieu existait-Il pour expliquer un tel «hasard» ?
Son amie Ora refusait de réfléchir à D.ieu. Tout ce qu’elle voulait, c’était apprécier le voyage et croquer la vie sans s’encombrer de religion. Erez soupirait parfois mais la suivit dans cette recherche effrénée de jouissance immédiate.
Un jour, Ora revint avec une nouvelle fantastique : en Inde, un maître du yoga, mondialement connu disait-on, présiderait un séminaire de silence et méditation pendant dix jours. Cette fois-ci Erez refusa : pourquoi ne voulait-elle pas s’intéresser au judaïsme et s’enthousiasmait-elle pour un ashram ? Ils se séparèrent donc pour dix jours : il se rendit au Beth ‘Habad de Bangkok (elle avait refusé d’y mettre les pieds et l’avait attendu à l’extérieur). Il demanda à Rav Nechemia Wilhelm des cours de Torah. Celui-ci mit immédiatement à sa disposition plusieurs étudiants de Yechiva pour lui enseigner les bases du judaïsme mais, auparavant, il lui proposa de consacrer deux minutes pour mettre les Téfilines. Erez refusa catégoriquement : il voulait étudier mais surtout pas accomplir des rites religieux.
Il écoutait les cours avec avidité, posait de bonnes questions, appréciait les réponses mais refusait fermement de changer quoi que ce soit à son mode de vie.
Puis, deux jours plus tard, il s’approcha soudain de Rav Wilhelm et demanda à mettre les Téfilines. Rav Wilhelm ne posa pas de questions et se hâta d’accéder à sa demande avant qu’il ne change d’avis. C’est ainsi qu’Erez mit les Téfilines pour la première fois de sa vie.
- Vous vous demandez sûrement pourquoi j’ai changé d’avis, dit Erez, ému, après avoir enlevé les Téfilines.
- Effectivement…
- Voilà. Hier soir, j’ai téléphoné à ma mère et je lui ai raconté que j’étudiais au Beth ‘Habad. Elle s’est mise à pleurer et m’a avoué qu’elle avait un grand secret : jamais elle n’avait pensé en parler à quiconque mais le moment était venu.
«Il y a plus de cinquante ans, des ‘Hassidim de Loubavitch avaient aidé ton père à sortir de Russie. Non, ton père n’aimait pas la religion mais il avait apprécié le dévouement des ‘Hassidim et… depuis avait mis les Téfilines chaque jour ! Par peur du qu’en dira-t-on au Kibboutz, il les mettait chaque jour dans… sa salle de bain afin que nul ne le surprenne à accomplir un acte religieux. Il était heureux d’être juif et puisque toi aussi, tu fréquentes les Loubavitch, j’ai décidé de t’en parler !»
Après son séminaire de méditation, Ora était revenue chercher Erez au Beth ‘Habad. A sa grande surprise, il avait décidé de continuer à étudier. Et il aurait tant aimé qu’elle en fasse de même !
Non, ce n’était pas un ultimatum et elle refusait toujours d’entrer dans le Beth ‘Habad. Mais il était intelligent, elle appréciait sa compagnie et elle ne voulait pas être intolérante. Elle décida donc de participer de l’extérieur. Chaque matin, Erez entrait dans le Beth ‘Habad avec une liste de questions qu’elle avait préparées et auxquelles Rav Wilhelm répondait patiemment.
Puis Erez et Ora repartirent en Israël.

* * *

Un an plus tard, Rav Wilhelm – qui est un excellent orateur – fut invité à donner une série de conférences, notamment à Safed.
Là, dans une Yechiva, il fut abordé par un des étudiants, portant bien sûr chapeau, costume sombre et une barbe fournie : «Rav Wilhelm ! Vous me reconnaissez ?»
C’était Erez !
- Bien sûr que je me souviens de vous. Et votre amie Ora, où est-elle ?
- Ecoutez Rav Wilhelm, dit Erez à voix basse tout en murmurant : faites attention ! Il y a des gens qui vous en veulent à mort !
- Moi ? Qui ? Pourquoi ? Et votre amie, qu’a-t-elle à voir là-dedans ?
- Qui ? répondit Erez, énigmatique : tous les membres de mon Kibboutz et de celui d’Ora ! Figurez-vous qu’Ora étudie au séminaire Loubavitch de jeunes filles à Safed ! Nos compagnons de Kibboutz en sont verts de rage ! »
Quelques mois plus tard, Rav Wilhelm reçut l’invitation – dans le plus pur style Loubavitch – pour assister à leur mariage.
Et récemment, il a entendu que ce jeune couple s’était installé… en Inde, comme émissaires du Rabbi pour ramener d’autres Juifs à une vie juive épanouie…

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki