Semaine 26

  • Balak
Editorial
L’éternelle victoire

Vive la liberté ! C’est cette exclamation qui peut retentir en cette nouvelle semaine qu’éclaire les 12 et 13 Tamouz, dates de la libération de Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le précédent Rabbi de Loubavitch, des prisons puis de l’exil soviétiques. Car c’est bien de cela qu’il s’agit, d’une liberté retrouvée qui ne concerna pas seulement son bénéficiaire, le Rabbi Précédent, mais qui fit souffler un vent nouveau dont les effets se firent encore sentir bien longtemps plus tard. A cette époque, le pouvoir stalinien avait imaginé que la violence pouvait venir à bout de l’éternel judaïsme. Il avait rêvé d’anéantir une vision par la force de l’arbitraire et le terrorisme des hommes sans morale. De fait, beaucoup crurent que la réussite de son entreprise était inévitable. Beaucoup se dirent qu’une poignée d’hommes ne peut résister durablement à un tel écrasement et que toute la grandeur du Rabbi Précédent ne pourrait rien y faire. Certes, il avait tenu tête à l’intimidation et, malgré la férocité de ses ennemis, avait réussi à maintenir un réseau clandestin d’écoles juives, de bains rituels etc. Mais pour combien de temps ? Son emprisonnement était la conséquence logique de cet entêtement irrationnel, pensa-t-on sans doute.
Le 12 Tamouz apporta sa réponse éclatante. Rien ne résiste à la justice, à la vérité, à la confiance en D.ieu et à l’assurance que tout cela donne. Pas plus que l’obscurité, aussi profonde soit-elle, ne peut espérer vaincre la lumière, la force et la violence ne peuvent espérer l’emporter sur de telles notions. Ce recul de l’immense puissance soviétique d’alors, la reconnaissance des implications de ce recul manifestèrent qu’une nouvelle époque était en train de naître. De fait, le Rabbi Précédent fut libéré de prison, relâché de son exil et autorisé à quitter le pays aux conditions que lui-même posa. Il continua son œuvre outre-atlantique et on sait aujourd’hui les résultats qu’elle produisit.
Cette histoire n’est pas seulement celle d’un héroïsme ancien ou d’une victoire du passé, qui nous intéresserait, au mieux, au titre d’une nostalgie de grandeur. Elle est d’abord, plus qu’un exemple, une leçon pour notre temps. Nous savons que bien souvent la violence, la barbarie aveugle, l’oppression sont les moyens choisis par ceux qui renient tout sentiment humain pour faire entendre leur voix, celle de la terreur. Et parfois on peut légitimement être inquiet : est-il possible de vivre ainsi, de continuer d’être des porteurs de lumière parmi les adorateurs de l’obscurité ? Ne l’oublions pas : la lumière vainc toujours et pour l’éternité.
Etincelles de Machiah
«Y croire… Attendre sa venue»

On relève que Maïmonide, dans le Michné Torah (Hil’hot Mela’him, chap. 11), souligne la nécessité d’une double démarche en ce qui concerne notre rapport avec la venue de Machia’h : «Y croire… Attendre sa venue». Cette juxtaposition de deux impératifs dont le contenu est pourtant si proche doit être analysée. En effet, il ne s’agit pas là d’une simple répétition qui aurait pour but, par exemple, d’insister sur l’importance de l’idée.
En fait, il y a bien ici la mise en lumière de deux nécessités parallèles. Cela signifie que, de même que l’obligation de croire dans le Machia’h est constante, ainsi celle d’attendre sa venue ne l’est pas moins.
(d’après Likoutei Si’hot vol XXVIII, p. 131) H.N.
Vivre avec la Paracha
Balak : L’evolution du plaisir

Israël s’installa à Chittin. Et le peuple commença à être attiré par les filles de Moav. Et elles incitèrent le peuple à apporter des sacrifices à leurs dieux… et Israël se joignit à Baal Peor (Nombres 25:1-3).

|En quoi consistait le culte de Peor? Le Talmud relate l’histoire suivante:
Il y avait un jour une femme non-juive qui était très gravement malade. Elle fit un voeu: si elle guérissait de sa maladie, elle irait servir toutes les idoles du monde. Elle guérit et se mit à servir toutes les idoles du monde. Quand elle en vint au culte de Peor, elle demanda à ses prêtres comment le servir. Il lui fut répondu qu’il fallait manger des légumes et boire de la bière puis faire ses besoins devant l’idole. Elle dit: “je préfère redevenir malade plutôt que servir une idole de cette manière” (Sanhedrin 64a).
L idolâtrie consiste en la déification d’un objet ou d’une force de la réalité créée. Autrefois, les hommes adoraient le soleil car il donnait de la chaleur, de la lumière et permettait aux récoltes de mûrir. La lune, le vent, la terre, l’eau et les arbres étaient également des dieux qu’il fallait remercier pour les bienfaits qu’ils donnaient aux hommes. C’était comme remercier un marteau pour avoir construit une maison ou une faux pour la récolte de l’année plutôt que celui qui a construit ou utilisé ces outils. Néanmoins, chaque idolâtrie possède une logique, même erronée, l’on sert la source (présumée) de la vie et de la nourriture.
Mais quelle était la particularité du culte de Peor avec un service si déroutant? Ici l’idolâtre vénérait des déchets, ce qui reste une fois que tous les potentiels nutritifs ont été extraits de leur substance. Que pouvait attirer le peuple dans une telle pratique?

La chaîne
Les Maîtres hassidiques expliquent que l’essence de Peor consistait à arracher le plaisir de sa racine superficielle.
Qu’est-ce que le plaisir? Nous utilisons ce mot en relation avec de nombreuses choses diverses et variées. Qu’ont de commun un steak, une composition musicale et une idée? Et pourtant “plaisir” est le terme que nous utilisons pour décrire notre expérience d’un repas, d’un concert ou d’une révélation intellectuelle. Car aussi différentes que puissent être les sensations que l’on tire de ces activités différentes, elles partagent une essence commune: la capacité de donner un sentiment d’accomplissement à l’âme humaine.
En fait, tous les plaisirs dérivent de la même source. Selon les enseignements de la Kabbale, tous les plaisirs ont la même essence et le plaisir essentiel est l’âme de la création. Les Kabbalistes décrivent la réalité créée comme une chaîne d’évolution. Le maillon premier de cette chaîne est le plaisir de D.ieu dans Sa création qui donna naissance au désir divin de créer. Ce plaisir passe par de nombreux stades et métamorphoses, évoluant dans des mondes et des réalités de plus en plus matériels. Chaque objet, chaque force ou chaque phénomène de la création est tout simplement une autre forme de ce désir divin originel: leurs différences résident simplement dans la manière et l’intensité de leur évolution. Plus la chose est en position élevée dans la chaîne, plus grande est sa conscience de sa source. Plus elle descend le long de la chaîne et plus elle devient physique, égocentrique et moins consciente de sa véritable origine.
Quand un homme ressent du désir et du plaisir pour quelque chose qui appartient à la création divine, il se lie avec son âme et sa source. C’est pourquoi plus la chose est spirituelle dans cette chaîne d’évolution, plus le plaisir procuré est profond car plus proche de la source de tous les plaisirs.

Le plaisir comme déplaisir
Dans ses maillons les plus bas, la chaîne d’évolution donne naissance à des éléments improductifs et même contraires au désir divin.
La capacité de ces éléments à donner du plaisir est un paradoxe essentiel. Tous les plaisirs sont, nous l’avons vu, la représentation du plaisir divin dans la création alors que ces éléments sont des déplaisirs, des choses contraires à la volonté de Dieu. Mais ils ont également un but précis. D.ieu désire que nous soyons confrontés au libre arbitre, au choix entre le bien et le mal de sorte que nos actes soient significatifs et pleins de sens. D.ieu désire donc l’existence de ces choses négatives dans le seul but que nous les rejetions comme contraires à Sa volonté. Leur fonction est donc de ne pas exister.
La Hassidout utilise la métaphore de la digestion pour expliquer ce phénomène.
La digestion est le processus par lequel l’alimentation passe par des organes variés qui la broient et font un tri. A chaque phase de ce processus, cette séparation se fait de plus en plus précise. Finalement, les éléments alimentaires les plus raffinés participent à la construction des cellules et de l’énergie vitale et les autres sont rejetés par le corps. Tous ces aliments, les bons et les autres, font partie de la digestion mais alors que les premiers sont utilisés, les autres sont repoussés et donc permettent au corps de n’absorber que les premiers.
La même configuration marque la chaîne de l’évolution au niveau cosmique. Certains éléments doivent aussi y être rejetés pour permettre aux produits désirés de se développer harmonieusement.

La quarantieme année
C est là le sens profond de l’idolâtrie de Peor et l’explication de la raison pour laquelle le peuple d’Israël y succomba la veille de son entrée en Israël.
Apparemment, le culte de Peor était une activité particulièrement répugnante. Mais en réalité, il s’agissait de l’activité physique de la personne chaque fois qu’elle préfère un plaisir contraire à celui de D.ieu : elle sert le déchet de la création, vénérant quelque chose dont la seule raison d’être est le fait qu’il faille le rejeter en faveur des énergies qui en ont été extraites.
C’est pourquoi la vulnérabilité d’Israël par rapport à Peor eut lieu à la fin de leur séjour de quarante ans dans le désert alors qu’ils campaient sur la rive orientale du Jourdain, sur le point d’entrer et de s’installer en Israël.
Pendant quarante ans, le peuple d’Israël avait joui d’une existence exclusivement spirituelle. Ils étaient nourris, vêtus et protégés par des miracles quotidiens, entièrement libérés pour rechercher la sagesse divine sans contraintes ou distractions matérielles. L’évènement le plus significatif était le fait que la Manne, “le pain du ciel” qui les faisait vivre, était entièrement absorbée par leurs corps, n’engendrant aucun déchet. Ils vivaient dans une idylle spirituelle où les déchets de la création leur étaient inconnus.
Mais maintenant ils se tenaient au seuil d’une nouvelle ère, ils allaient devoir s’installer dans le pays, travailler sa terre, s’engager dans le commerce et la politique, vivre une vie matérielle. Pour la première fois dans leur histoire, ils allaient devoir être en contact direct avec les maillons de la chaîne d’évolution, ceux où il faut opérer une sélection entre la matérialité vitale, celle qui nourrit une fin spirituelle, et la matière morte, qui est sa propre fin.
Tous n’étaient pas égaux face à ce défi. Il y eut un épisode d’idolâtrie dans le camp d’Israël car de nombreux hommes furent attirés par les pseudo plaisirs trouvés dans les produits indésirables de la création. Tout cela dura jusqu’à l’arrivée d’un homme: Pin’has, qui s’engagea de toute son âme et de tout son corps, avec une vision claire et une action décisive et mit fin à la plaie de Peor.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 17 Tamouz ?

Cette année, le jeûne du 17 Tamouz est le mardi 3 juillet 2007. On ne mange ni ne boit depuis le matin (à 3h 10, heure de Paris) jusqu’à la tombée de la nuit (22h 55 à Paris).
C'est ce jour que Moché Rabbénou (Moïse notre Maître) brisa les premières Tables de la Loi à la suite du péché du veau d'or. Bien plus tard, le sacrifice quotidien fut interrompu lors du siège de Jérusalem. Une première brèche apparut ce jour-là dans les murailles de la ville sainte. Enfin, Apostomos installa une idole dans le Temple et brûla un rouleau de la Torah, toujours un 17 Tamouz.
Durant les trois semaines suivantes, jusqu’au 9 Av (mardi 24 juillet 2007), on augmente les dons à la Tsedaka. On évite d’acheter de nouveaux vêtements et on ne prononce pas la bénédiction «Chéhé’héyanou» (par exemple pour un fruit nouveau). On ne se coupe pas les cheveux et on ne célèbre pas de mariage. On évite de passer en jugement.
Suite à l'appel du Rabbi, à partir du 17 Tamouz, nous intensifions l'étude des lois de la construction du Temple (dans le livre d'Ezékiel, le Traité Talmudique Midot et le Rambam - Maïmonide).
Durant les neuf jours qui précèdent le 9 Av (à partir du dimanche soir 15 juillet 2007), on ne mange pas de viande et on ne boit pas de vin. Par contre, on assistera à un Siyoum (ou on l’écoutera à la radio), ce qui est une joie permise durant cette période.

F. L.
De Recit de la Semaine
Le fascicule

A neuf ans, il était devenu orphelin de père. Sa mère estima qu’elle aurait du mal à se remarier avec un enfant à charge et décida donc de le confier à un orphelinat juif. Là, on lui assura que tout se passait selon les règles du judaïsme et qu’on respectait le Chabbat. Mais ce n’était pas vrai. Bien vite, le petit Israël fut contraint de travailler Chabbat.
Il sentait que ce n’était pas correct ; cependant comme il n’avait pas reçu une grande éducation juive et qu’il était plutôt timide, il souffrit en silence.
Mais un jour il entendit parler d’un grand Rabbi à Brooklyn, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn de Loubavitch : il donnait de très bons conseils et accordait des bénédictions qui se réalisaient. Il allait essayer…
Il lui fallut quelques jours pour trouver l’adresse du Rabbi puis pour écrire la lettre. Après, il fallut trouver l’argent pour acheter un timbre et trouver l’audace nécessaire pour glisser l’enveloppe dans une boîte postale sans être remarqué. Il y parvint mais il ne reçut pas de réponse.
Il avait presque oublié cet épisode – après tout qui était-il pour mériter une réponse ? – quand quelques semaines plus tard, il reçut une lettre de Brooklyn ! C’était un triple miracle ! D’abord c’était la première lettre qu’il recevait de sa vie ! D’autre part, un grand et saint Rabbi avait pris la peine de lui écrire. Enfin, personne n’avait intercepté, ni sa lettre à lui ni la réponse du Rabbi.
Rabbi Yossef Its’hak le remerciait pour sa lettre et lui conseillait de ne pas s’inquiéter car le peuple juif doit toujours être fort et fier d’être le peuple de D.ieu. Il lui souhaitait aussi Mazal Tov pour sa Bar Mitsva qu’il célébrerait bientôt et il affirmait que quand il commencerait à mettre tous les jours les Téfilines, tout irait mieux.
Quand il approcha de son treizième anniversaire, sa mère lui apporta une paire de Téfilines. C’est à cette époque que l’orphelinat l’affecta à un autre travail plus lucratif et pour lequel il n’était pas obligé de travailler Chabbat. La bénédiction du Rabbi commençait à se réaliser.
C’est ainsi que, petit à petit, il parvint à économiser un peu d’argent, à acquérir une certaine indépendance. A l’âge de quinze ans, il quitta définitivement l’orphelinat.
Le temps passait et il appréciait de plus en plus la compagnie des ‘Hassidim de Loubavitch.
En 1950, Rabbi Yossef Its’hak quitta ce monde ; son gendre, Rabbi Mena’hem Mendel lui succéda. Il expliquait souvent, en termes clairs, des concepts kabbalistiques complexes, comme la Création continue, le caractère unique du peuple juif, la centralité de la Torah. Aussi il expliquait des phénomènes quotidiens, comme l’importance de l’électricité : comment une énergie complètement invisible pouvait produire des effets aussi extraordinaires que le froid, la chaleur, la motricité, la lumière, la communication etc… Il suffisait d’appuyer sur le bon bouton.
De même, expliquait-il, il appartient à chacun d’entre nous de mettre en marche l’électricité, les capacités invisibles dans chaque Juif et ainsi de connecter le monde entier à son Créateur.
Il suffit d’actionner le bon bouton.
C’est alors qu’on remarquera qu’un peu de lumière repousse beaucoup d’obscurité.
«Nous pouvons stopper souffrance et douleur, guerre et ignorance dans le monde en éveillant dans chaque Juif son étincelle de judaïsme», répétait-il.
Les ‘Hassidim comprirent le message du Rabbi et se dispersèrent de par le monde pour répandre les idées de la ‘Hassidout.
Tous agissaient… sauf le jeune Israël. Il ne savait pas écrire ; même parler lui était difficile car il souffrait d’un léger bégaiement. Il n’avait pas d’argent et ne pouvait donc pas participer financièrement. Il était timide et n’avait pas d’amis. Il tentait d’étudier la Torah, mais ne parvenait pas à se concentrer très longtemps. Il pouvait prier.
Soudain, il eut une idée ! Le Rabbi précédent avait rédigé trois fascicules sur l’étude de la Torah : ils avaient été traduits en anglais. Israël acheta les fascicules, les colla ensemble avec du carton, écrivit sur la couverture : «‘Hassidout – ‘Habad – Loubavitch» et les glissa dans la poche de son manteau.
Il se rendit à la bibliothèque municipale de Brooklyn, chercha la section «Judaïsme» et – tout en vérifiant que personne ne le voyait – il glissa son triple livre entre deux livres et partit – une action qui lui rappelait comment il avait envoyé sa lettre au Rabbi des années plus tôt !
Il sortit de la bibliothèque, tentant de dissimuler son émotion mais il avait l’impression d’avoir accompli une mission d’espionnage très compliquée, comme s’il était parvenu à s’introduire dans le Q.G. ennemi.

* * *

Des années plus tard, Israël se retrouva un soir dans le métro presque vide. Il leva les yeux de son journal et aperçut un autre Juif en face de lui. Il engagea la conversation et l’autre raconta qu’il n’avait pas été toujours pratiquant. Ce qui l’avait ramené au judaïsme, c’était un livre formé de trois fascicules qui lui avait semblé étrange au milieu des livres bien couverts de la bibliothèque de Brooklyn. Il l’avait ouvert, l’avait trouvé intéressant, remarquable même et avait décidé de s’impliquer davantage dans l’étude de la ‘Hassidout. Petit à petit, il avait progressé et était devenu un Juif pratiquant qui élevait ses enfants dans le chemin du Judaïsme.
Tout cela grâce aux fascicules déposés par le jeune Israël !
Ses efforts avaient été récompensés !

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki