Semaine 10

  • Ki Tissa
Editorial
D’une libération à l’autre

Pourim éclaire ce début de semaine. Il lui donne un éclat sans pareil. La «lumière et la joie et l’allégresse et la gloire», pour reprendre les mots du Livre d’Esther, semblent ouvrir sur un autre temps, presque un autre monde. En ce jour différent, chacun multiplie ces actes extraordinaires qui caractérisent la fête : dons aux pauvres, échanges de cadeaux – tout est là pour que Pourim apporte une vie nouvelle à notre vie. Puis le soir vient et, alors que le banquet de la fête déploie ses fastes, ce bonheur du jour ne fait que grandir… jusqu’au lendemain. Alors, chacun reprend le rythme quotidien. On pourrait croire que, tous les déguisements rangés et les signes extérieurs de joie rentrés, il ne reste plus qu’à attendre l’année prochaine avec résignation. Ce serait pourtant une grave erreur car la lumière de Pourim ne cesse pas de nous accompagner.
De fait, Pourim est l’histoire d’une délivrance. Le peuple juif, alors exilé à Babylone depuis la destruction du premier Temple par Nabuchodonosor, vient d’échapper à un terrible sort. Pour lui ce jour sonne comme une libération : il est délivré miraculeusement de ses ennemis. Déjà toute proche, une autre fête nous donne son message. C’est celle de Pessa’h et son message, avec la sortie d’Egypte, est celui de la liberté. Nos Sages ont su l’exprimer en une puissante formule : «On rapproche une libération d’une autre». En effet, dans les deux cas, c’est bien la même idée qui apparaît. Dans les deux cas, notre peuple affronte ceux qui veulent sa disparition et, dans les deux cas, il refuse de perdre cette liberté spirituelle sans laquelle sa vie n’aurait plus de sens. Car ils ont été nombreux, au fil de l’histoire, ceux qui ont cru pouvoir nous faire disparaître. Ils ont été nombreux ceux qui ont tenté d’y parvenir en entreprenant d’asservir notre esprit et notre âme.
Toujours, notre peuple a su déjouer ces tentatives. Fidèle aux commandements de D.ieu, conscient de son rôle et de son héritage, il sait reconnaître la menace et connaît les forces qui lui permettent d’y résister. Plus encore, il sait que ce combat se mène et se remporte tous les jours. Il sait aussi que la joie de Pourim l’entraîne et lui donne une puissance infinie. Quant à l’aboutissement, il le perçoit de toujours : il a pour nom «Liberté». Elle nous fut donnée par D.ieu lors de la sortie d’Egypte. Elle prendra enfin son sens majeur avec la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Tous prophètes !

Le Talmud de Jérusalem (traité Méguila 1 : 5) enseigne à propos des temps de Machia’h : «Tous les livres des prophètes disparaîtront sauf le Livre d’Esther». Cela signifie que la Lumière Divine révélée par la prophétie sera si faible comparée à la Lumière intense de ce nouveau temps qu’elle paraîtra aussi insignifiante qu’un rayon de soleil devant l’astre qui en est la source.

Toutefois, cela ne signifie en aucune façon que la prophétie n’existera plus en Israël. Au contraire, D.ieu promet pour ces temps futurs : «Je déverserai Mon esprit sur toute chair et vos fils et vos filles prophétiseront».
(d’après Chaarei Orah, p. 57) H.N.
Vivre avec la Paracha
Ki Tissa : L’oubli de D.ieu

Moché était encore au sommet de la montagne mais, à cause d’une erreur de calcul, le peuple d’Israël pensait qu’il aurait dû revenir la veille. Quand le jour passa, le peuple s’imagina avec angoisse que D.ieu l’avait gardé. Ils craignirent qu’il ne revienne jamais et demandèrent à Aharon de créer un nouveau dieu matériel.
Aharon fut bouleversé. Un nouveau dieu ? Cela faisait à peine quarante jours que D.ieu, le Créateur du ciel et de la terre, leur avait donné au Sinaï le commandement de ne servir que Lui. Il leur avait expressément interdit d’adorer toute autre divinité. Avaient-ils si vite oublié ?
Mais soudain, Aharon fut frappé par un nouveau discernement. La responsabilité de ce comportement revenait à la richesse fabuleuse qui avait été attribuée au peuple avant l’Exode d’Egypte.
Les gens de richesse ont l’habitude de voir chacun de leur désir contenté et ils apprennent à se sentir en droit d’être exaucés. S’ils désiraient un dieu matériel, ils ressentaient qu’ils devaient l’obtenir. Cela posait-il un problème ? Aucun souci, nous y mettrons de l’argent et le problème disparaîtra de lui-même. Tous les autres obstacles semblent se dissoudre avec le versement de sommes appropriées.
C’est dans cette perspective qu’Aharon tenta de traiter la racine du problème. Il demanda au peuple : «Qui possède de l’or ?» Il avait l’intention d’expliquer que tout l’or vient de D.ieu et que lorsque nous méritons la richesse, nous devons nous sentir humbles devant la générosité de D.ieu. Il espérait les encourager à méditer sur ce concept, pensant qu’une telle réflexion permettrait de résoudre le fond du problème.
(Cette analyse se situe après le récit que fit Aharon de son échange verbal avec le peuple. Aharon avait rapporté à Moché que tout ce qu’il avait dit au peuple était : «Qui possède de l’or ?». Dans le récit de l’événement lui-même, la Torah nous dit qu’en fait Aharon dit : «Otez les bagues d’or de vos épouses, de vos fils et de vos filles et apportez-les moi». Aharon, bien sûr, faisait un résumé en rapportant les événements à Moché, mais même la longue version des paroles d’Aharon peut être interprétée dans le même sens. Aharon dit : «Départissez-vous de votre sens d’appartenance de l’or. Vous l’avez donné à votre famille comme si vous en étiez les détenteurs. Apportez-le moi et je vous montrerai comment il faut se comporter avec la bénédiction de la richesse».)

«Jeter l’argent» au problème
Mais le peuple ne lui donna jamais la chance d’aller au bout de son approche. Quand ils l’entendirent demander de l’argent, ils pensèrent reconnaître cette requête. Finalement, tout revenait à l’argent. «Tu veux de l’argent ? demandèrent-ils, aucun problème. Nous possédons des quantités d’or». Et ils se mirent à en apporter des montants énormes.
Comment Aharon réagit-il ? A cette étape, il était trop tard pour les mots. La situation extrème nécessitait une action radicale. Il jeta l’or au feu. Il entendait communiquer ainsi l’idée que tout l’or vient du ciel et la richesse doit nourrir les flammes de notre amour pour D.ieu plutôt que l’inverse.
Mais à son grand désarroi, il était trop tard. Leur attitude était si corrosive qu’elle ne pouvait être changée en une nuit. Comme Aharon devait l’attester plus tard : «J’ai jeté l’or dans le feu et il en est sorti ce veau». L’image même de l’or brillant dans le feu réveilla la passion du peuple pour l’argent. Cela souleva en eux le sens de leur propre puissance. Et c’est ainsi que naquit ce veau d’or qu’ils adorèrent.

Quand le «Je» est tout puissant
Moché perçut le problème ainsi que ses racines et son origine dès qu’il descendit de la montagne. Il dit à son disciple Yehochoua qui l’attendait au pied de la montagne : «Ce n’est pas le son d’une victoire, ce n’est pas le son d’une défaite, [plutôt] un son de blasphème, j’entends».
Pourquoi conclut-il ses paroles avec des mots qui paraissent superflus : «j’entends» ? Selon un commentateur, Moché disait ainsi à Yehochoua que la source du blasphème venait d’un sens excessif de l’ego, du «je». Il sentait l’arrogance de la personnalité. «Je vois que c’est leur «Je» qui stimule leur blasphème et leur idolâtrie».
Ce dilemme a suivi l’humanité au fil des générations. Il n’est pas toujours facile aux gens évoluant dans la richesse de se sentir comparables au commun des mortels. Ils préfèrent souvent appartenir à une élite. Néanmoins, la plus grande qualité qui puisse leur être attribuée est celle de précisément surmonter cette tentation. Les gens aisés qui évoluent parmi tout un chacun sont généralement prisés, considérablement et par tout le monde.

Un message d’humilité
C’était là le message de D.ieu à Moché quand Il consentit à lui donner les secondes Tables de la Loi. D.ieu dit à Moché de graver les Tables dans un saphir, particulièrement créé à cette intention, sous sa tente. Quand D.ieu lui dit de graver ces pierres, Il ajouta le mot Le’ha qui signifie «pour toi». «Grave pour toi.»
Les tables n’appartenaient pas à Moché. Elles constituaient l’héritage de la nation entière. Pourquoi alors, D.ieu dit-Il à Moché de les graver «pour lui» ? Le mot hébreu pour «graver» est Psal, un mot qui signifie également «inférieur». Nos Sages nous enseignent que Moché s’enrichit des poussières de pierres précieuses qui tombèrent pendant la gravure.
D.ieu ne disait pas à Moché que les Tables lui appartenaient mais que «Psal Le’ha», le secondaire (les poussières de pierres) est pour toi.
Le sens profond de ces mots nous enseigne qu’un Juif doit toujours garder un sens d’humilité, lorsqu’il contemple D.ieu. C’est l’attitude requise en présence du Tout Puissant.
Même lorsque nous sommes bénis d’une immense richesse, comme l’était Moché, nous devons nous souvenir, comme le fit Moché, que la richesse, et la personne qui en est bénie, sont inférieures à sa source. La source de la bénédiction est D.ieu et c’est à Lui que doit revenir notre allégeance.

Je veux le Roi
Le Baal Chem Tov expliqua ce concept à l’aide d’une parabole. Un jour le Roi offrit d’accéder au désir de tous ses sujets. Ils s’alignèrent et arrivés devant le Roi, ils lui demandèrent tout ce qu’ils désiraient. L’un des sujets fit une requête unique : «Je voudrais obtenir une audience quotidienne avec le Roi».
Quand nos désirs sont exaucés, les bénédictions sont limitées à ce que sont nos désirs, et la richesse peut nous conduire à l’arrogance. Mais quand nous nous en remettons à la miséricorde de Sa Majesté, les bénédictions sont infinies et, ce qui est plus important, nous restons toujours humbles et reconnaissants.
Le Coin de la Halacha
Qu'est-ce que le 'Hamets ?

Durant Pessa'h, on n'a le droit ni de posséder ni de consommer du 'Hamets. Il faudra donc avant le lundi 2 avril 2007 se débarrasser de tout aliment à base de céréale fermentée comme par exemple : le pain, les céréales, les pâtes, les gâteaux, certains alcools, médicaments et produits d'hygiène.
C'est pourquoi on a coutume de bien nettoyer la maison, le magasin, le bureau, la voiture etc. avant Pessa'h, afin d'éliminer toutes les miettes.
Pour éviter de posséder, même involontairement du 'Hamets à Pessa'h, on remplira une procuration de vente, qu'on remettra à un rabbin compétent. Celui-ci se chargera alors de vendre tout le 'Hamets à un non-Juif. Cette procuration de vente peut être apportée au rabbin ou lui être envoyée par courrier, fax ou Internet et devra lui parvenir au plus tard la veille de Pessa'h, cette année dimanche 1er avril 2007.
Il n’est pas nécessaire d’avoir terminé tout son ménage pour dresser la liste de ce qu’on envisage de vendre.
Durant tout Pessa'h, on mettra de côté dans des placards fermés à clé tout le 'Hamets et la vaisselle 'Hamets que l'on n'utilisera pas durant Pessa'h mais qu'on pourra «récupérer» une heure après la fête qui se termine mercredi soir 10 avril 2007 à 21 h 25 (Horaire valable pour Paris et sa région).

F. L.
De Recit de la Semaine
Promesses prophétiques

Un vendredi soir, le dernier Chabbat du mois d’Adar 1999, dans une maison du quartier juif de la vieille ville de Jérusalem. Les convives étaient nombreux et entouraient Eyal, un jeune homme issu d’un Kibboutz du nord d’Israël. Celui-ci s’intéressait maintenant sérieusement à l’étude de la Torah et étudiait à la Yechiva Or Saméa’h.
D’habitude Eyal passait Chabbat chez son frère aîné qui, lui, était déjà revenu à une pratique rigoureuse du judaïsme et qui habitait dans un village religieux au centre du pays. Mais ce Chabbat, il avait décidé de le passer à Jérusalem. Pourquoi ? On devait le comprendre plus tard.
La famille qui avait ouvert généreusement sa porte à Eyal avait l’habitude de recevoir des invités le Chabbat. En prévision de la venue d’Eyal, elle avait également invité des jeunes étudiants de la Yechiva Loubavitch «Torat Emet» afin d’assurer une ambiance joyeuse et ‘hassidique.
Effectivement, entre le poisson et la viande, entre les chants traditionnels et les mélodies, entre les paroles de Torah et les histoires de Rebbéim, l’enthousiasme était palpable. Après un ou deux verres de vodka, Eyal s’ouvrit et raconta son problème, ce qui expliquait aussi pourquoi il avait tenu à passer Chabbat dans la vieille ville. De fait, à près de quarante ans, il n’avait pas encore trouvé l’âme sœur. De nombreuses personnes bien intentionnées lui avaient donné divers conseils pour faire avancer les choses, en particulier on l’avait assuré que le fait de prier quarante jours de suite auprès du Kotel, le Mur Occidental, dernier vestige du Temple, l’aiderait certainement à résoudre son problème. L’idée avait plu à Eyal qui était donc obligé de rester plusieurs Chabattot dans la ville Sainte.
Puisqu’on parlait de mariage, le maître de maison prit un livre d’histoires du Baal Chem Tov et lut à haute voix un récit bien connu : une fois, le Baal Chem Tov avait procédé lui-même à la cérémonie de mariage de deux orphelins qui avaient donné à une famille nécessiteuse, menacée de prison, tout l’argent qu’ils avaient reçu en cadeau. Durant le repas qui avait suivi, le Baal Chem Tov et ses disciples avaient joyeusement distribué toutes sortes de «cadeaux» au jeune couple : l’un avait «donné» le château du seigneur local, l’autre le moulin du seigneur, le troisième ses vergers et ainsi de suite.
Tous les convives avaient ri aux éclats à l’énoncé de ces plaisanteries ; or, quelques jours plus tard, à la suite d’un extraordinaire concours de circonstances, toutes ces promesses s’étaient réalisées !
«Si c’est ainsi, dit alors le maître de maison, puisque nous sommes ici réunis en Minyane (dix hommes et plus), nous allons souhaiter à Eyal de trouver encore ce mois-ci une épouse digne de lui !»
Tous répondirent «Amen» puis l’un des jeunes gens suggéra de prendre exemple sur l’histoire du Baal Chem Tov et de proposer aussi des cadeaux : Avraham se leva et promit de chanter au mariage d’Eyal. Son ami Yehochoua promit de danser au mariage avec une bouteille de vodka sur la tête. Quant à Eytan qui était assez fort, il promit de porter Eyan sur ses épaules et ainsi de suite. Puis toute cette joyeuse compagnie entonna des chansons de mariage qui réjouirent la maisonnée. A la fin du repas – très tard ce soir-là – Eyal eut l’honneur de réciter le «Zimoun» avant le Birkat Hamazone, la prière après le repas. Chacun rentra chez lui, se promettant dans son for intérieur de se tenir au courant de la suite des événements.
Une semaine passa, une autre et une troisième, toujours pas de nouvelles d’Eyal. Le printemps arriva avec les préparatifs de la fête de Pessa’h et plus personne n’eut le temps d’y penser.
Durant ‘Hol Hamoëd (les jours intermédiaires de la fête), Eyal téléphona pour inviter le maître de maison à son mariage ! De fait, à Pourim, soit deux semaines après ce Chabbat mémorable, Eyal avait été invité dans une famille et c’est là qu’on lui avait présenté une jeune fille qui correspondait exactement à ce qu’il attendait.
Cette jeune fille avait également toute une histoire derrière elle : l’année précédente, la veille de Pourim 1998, elle avait entendu parler d’un certain Rav qui avait l’habitude, chaque Pourim, de bénir chacun des convives présents à sa table pour que son souhait le plus cher se réalise dans l’année. Afin d’augmenter l’impact de cette bénédiction, le Rav se faisait accompagner de deux autres invités, constituant ainsi une sorte de Beth-Din, de tribunal rabbinique dont les décisions ont force de loi.
La jeune fille s’était donc présentée au repas de Pourim de ce Rav qui, avec ses deux compagnons, l’avaient bénie pour qu’elle trouve dans l’année son futur mari.
Effectivement, exactement un an plus tard, elle avait rencontré Eyal… La bénédiction du Rav d’une part et celle des invités dans la famille ‘hassidique de la vieille ville de Jérusalem s’étaient réalisées !
Lors de leur mariage, le soir de Lag Baomer de la même année, Avraham chanta de tout son cœur, Yehochoua dansa avec une bouteille de vodka sur la tête et Eytan porta Eyal sur ses épaules… Celui qui n’a pas assisté à ce mariage n’a pas vu de véritable joie dans sa vie !

Yonathan Zigman
Sichat Hachavoua
traduite par Feiga Lubecki