Semaine 2

  • Chémot
Editorial
A la recherche du bonheur

Le calendrier social dicte toujours ses rythmes à tous ceux qui veulent s’y soumettre et, aujourd’hui, l’heure est à la consommation. Avec tout le bruyant tam-tam des médias spécialisés, voici que chacun est invité à prendre une part active à cette frénésie moderne, devenue parfois le seul but d’une vie : l’achat de nouveaux biens dont le besoin n’existait pas il y a encore peu de temps et dont la rapide obsolescence garantit le remplacement prochain. C’est ainsi qu’on en vient a percevoir le bonheur : une satisfaction passagère qu’il faut s’employer à remplacer constamment du fait de son usure prématurée. Certes, nul n’imagine une seconde condamner l’abondance apparue en notre temps et dont nos ancêtres n’auraient même pas pu rêver. Cependant, cette prospérité même, aussi heureuse soit-elle, doit-elle prendre la place de la recherche du bonheur ?
L’homme, enseigne le judaïsme, est le couronnement de la création. Choisi par le Créateur Qui lui a confié le monde, il est doté de qualités particulières. Il est ainsi la seule créature à détenir ce don précieux qu’est la liberté. Il est capable de ne pas suivre le cours tumultueux de ses passions ou la piste étroite de ses envies pour entreprendre des explorations plus profondes, plus signifiantes, plus belles aussi. En d’autres termes, il peut laisser de côté le séduisant accessoire pour partir à la recherche de l’essentiel. Il peut refuser les chemins faciles de l’oubli pour n’aspirer qu’au bonheur. Cette recherche-là semble comme enracinée au cœur de la personnalité humaine ; qui ne veut être heureux ? Peut-être est-ce ce sentiment-là qui a, de tous temps, donné à l’homme le désir et le pouvoir de relever les plus puissants défis et de parvenir, au fil des siècles, à des connaissances nouvelles et des pouvoirs insoupçonnés.
Mais le bonheur, s’il est vrai, peut-il être passager ? Peut-il se résumer à une possession vaine d’objets sans importance ? Peut-il être cette course sans fin, sans rime ni raison, qui ne renvoie à l’homme que son reflet appauvri ? L’appel lancinant à la consommation qui retentit de fêtes artificielles en réjouissances convenues, d’opérations promotionnelles en soldes de toutes espèces est-il fondamentalement autre chose qu’une fuite ? Une fuite devant soi-même, la vérité de ce que l’on est et de ce que l’on peut faire du monde. Pourtant, le bonheur est toujours au cœur de notre espérance et, plus encore, il est toujours à notre portée. Sachons donc en retrouver le chemin ; il passe par la fidélité à notre héritage, les retrouvailles avec soi-même. Il est ce lien renouvelé avec la Torah qui introduit au bonheur indépassable : la venue de Machia’h.
Etincelles de Machiah
Machia’h en chacun

La capacité de Machia’h à délivrer tout le peuple juif vient du fait qu’il possède un lien avec le peuple tout entier c’est-à-dire qu’il existe une partie de lui en chaque Juif.
C’est ainsi qu’il faut comprendre la déclaration de Moïse (Bamidmar 11 : 21) : «Le peuple au sein duquel je suis est constitué de six cent mille hommes». Il signifie, par ces mots, qu’une parcelle de lui-même se trouve littéralement dans chacun des individus concernés.
C’est grâce à cela qu’il put tous les libérer d’Egypte.
(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Pessa’h 5743)
Vivre avec la Paracha
L’enfant berger

Nous connaissons, pour la plupart d’entre nous, la façon dont agit la mère de Moché pour sauver son fils du décret du Pharaon qui ordonnait de jeter tous les nouveaux-nés mâles dans le Nil. Elle plaça l’enfant âgé de trois mois dans une corbeille et le cacha dans les roseaux qui poussaient le long de la rive du fleuve. La fille du Pharaon découvrit l’enfant qui pleurait quand elle alla se baigner, elle le prit et l’éleva au palais royal.

Un détail de cette histoire prête cependant à confusion. Où exactement fut placée la corbeille de Moché ? Dans le récit qu’en fait la Torah, nous lisons «et elle le plaça dans les roseaux, sur la rive du fleuve». S’il en fut ainsi, Moché ne fut pas placé dans le Nil lui-même, mais sur sa rive. Or quelques versets plus loin, la Torah nous dit que la fille de Pharaon nomma l’enfant qu’elle avait trouvé «Moché» («celui qui a été sauvé de l’eau») «parce que je l’ai tiré de l’eau».
La Torah constituant le plan divin pour la Création, chacun de ses détails prend une signification éternelle pour notre vie. Si la Torah nous dit que la mère de Moché le plaça sur la rive du fleuve, cela signifie qu’elle n’a pu le mettre dans le Nil lui-même. Et si, par la suite, la Torah nous dit que la fille du Pharaon le prit dans les eaux de la rivière, cela signifie qu’il était capital qu’il soit dans la rivière à ce moment précis. Enfin si la Torah prend la peine de nous relater tout cela, cela signifie que c’est important pour notre compréhension des faits et leur application dans notre vie, aujourd’hui.

Purger le Nil
Le Gaon de Ragatchov (Rabbi Yossef Rosen, 1858-1936) offre une explication hala’hique (selon la loi de la Torah) pour le changement de localisation de la corbeille. La mère de Moché ne pouvait l’avoir initialement mis dans le Nil parce que les Egyptiens adoraient le fleuve comme dieu, et il est interdit de se servir d’un objet d’idolâtrie quand bien même il s’agit de sauver sa propre vie. Néanmoins, la loi de la Torah stipule également que si un idolâtre renonce à son idole, elle s’annihile et peut être utilisée. Nos Sages nous disent que la fille du Pharaon «descendit à la rivière pour s’y baigner» non seulement dans un geste physique mais aussi pour «se nettoyer des idoles de son père». Son renoncement au paganisme de l’Egypte annula le statut d’idole que possédait le fleuve et ses eaux purent donc désormais recevoir et abriter Moché. C’est à ce moment que la corbeille de Moché pénétra dans la rivière.
Mais pourquoi était-il important que Moché soit dans le Nil ? Le Midrach relate que les astrologues du Pharaon lui avaient prédit que «le sauveteur d’Israël trouvera sa fin par l’eau», ce qui fut la raison pour laquelle il décréta que tous les nouveaux-nés mâles soient jetés dans le Nil. Et c’est ainsi qu’au moment où Moché entra dans le fleuve, ce décret fut aboli.

Le culte de la rivière
Il pleut très peu sur l’Egypte. L’agriculture dépend entièrement du Nil dont les crues remplissent un réseau de canaux d’irrigation. Cela explique que les anciens Egyptiens déifiaient le Nil, le tenant pour la source ultime de subsistance et le dispensateur de la vie.
C’est là le sens profond du décret d’y jeter les enfants juifs. Le Pharaon savait que si, à la prochaine génération, les Juifs étaient submergés dans le culte égyptien du Nil, s’ils étaient élevés de telle façon qu’ils considèrent les pourvoyeurs naturels de subsistance comme des dieux, la foi juive s’éteindrait. Le message d’un D.ieu unique, Créateur et Source de tout, qui menaçait si dangereusement sa monarchie païenne, serait tû, à tout jamais.
L’on peut affirmer que le culte du Nil prévaut aujourd’hui comme il le faisait dans l’Egypte antique des pharaons. Aujourd’hui le Nil peut être un diplôme universitaire, une carrière, un statut social, tout ce qui est vénéré comme source de subsistance et de vie. Ce sont des moyens de subsistance, comme le Nil était un instrument qui servait à D.ieu pour subvenir aux besoins de ceux qui résidaient le long de ses rives. Mais quand l’on confond le moyen avec la source, quand on s’immerge totalement dans le «Nil», investissant ses plus grands potentiels dans le perfectionnement de l’instrument plutôt que dans la culture de sa relation avec le Pourvoyeur Divin, cela constitue de l’idolâtrie.

Celui qui nourrit de foi
Moché était le Raaya Méheimna, le «berger fidèle» d’Israël. Les mots Raaya Méheimna signifient aussi «berger de la foi», c'est-à-dire qu’il était celui qui nourrit son troupeau de foi. Le tout premier rôle de Moché était de nourrir la foi de son peuple, de l’épanouir, de l’approfondir et de la développer de sorte qu’ils deviennent complètement imprégnés de la compréhension qu’ «il n’y a rien en dehors de Lui», que tous les «Nil» du monde ne sont ni des forces ou des réalités, de leur propre chef, mais simplement des véhicules pour la subsistance divine.
Moché était âgé de quatre-vingts ans quand il sortit le peuple d’Israël d’Egypte, les conduisit au mont Sinaï et les infusa de la connaissance divine ultime: la Torah. Mais il était déjà un «berger de la foi» à l’âge de trois mois, quand il permit de détrôner l’idole archétype de l’Egypte et mettre fin au destin des enfants juifs jetés dans ses eaux.

Une main tendue
La Torah relate que «la fille du pharaon… vit la corbeille parmi les roseaux ; et elle envoya sa servante (amatah) et le prit».
Une autre interprétation du verset rend le mot amatah par «son bras» plutôt que par «sa servante». Ainsi le verset se lit : «…elle envoya son bras et le prit». Que signifie donc que la fille du Pharaon «envoya son bras» ? Nos Sages expliquent que la corbeille dans laquelle reposait l’enfant était hors de sa portée. Néanmoins, elle tendit son bras vers elle. Un miracle se produisit alors et «son bras s’allongea de plusieurs longueurs» lui permettant de prendre l’enfant et de le sauver du décret de son père.
Une profonde leçon peut ici toucher chacun d’entre nous. Souvent, nous nous trouvons confrontés à une situation qu’il nous semble impossible de rectifier. Quelqu’un ou quelque chose appelle à notre aide, mais il n’y a rien que nous puissions faire : selon tous les critères naturels, la situation est tout simplement hors d’atteinte pour nous. Alors, nous nous résignons à l’inaction, tenant le raisonnement qu’en tout état de cause, notre latitude d’action est si étroite que les choses ne peuvent pas changer.
Mais la fille du Pharaon entendit le cri d’un enfant et tendit son bras. Une distance infranchissable la séparait de la corbeille contenant l’enfant qui pleurait et son geste paraissait dépourvu de sens. Mais parce qu’elle fit tout ce qu’elle pouvait, parce que sa main ne resta pas inactive alors qu’un être humain avait besoin de son aide, elle accomplit l’impossible. Parce qu’elle tendit son bras, D.ieu prolongea sa portée, lui permettant de sauver une vie et d’élever le plus grand des êtres humains qui ait jamais existé sur la surface de la terre.
Le Coin de la Halacha
Pourquoi et comment étudie-t-on le Rambam ?

Grâce à l’étude du Michné Torah, l’œuvre magistrale du Rambam, on peut étudier vraiment toute la Torah. En effet, ce livre explique exactement comment accomplir toutes les Mitsvot de la Torah, même celles qui s’appliquent au culte sacrificiel à l’époque du Temple, même celles qui nous permettront de reconnaître le Machia’h, le Messie.
Rabbi Moché Ben Maïmon (le Rambam – Maïmonide en français) fut un éminent savant, médecin, philosophe, écrivain, rabbin, commentateur… qui vécut au 12ème siècle. Né en Espagne, il fut contraint à l’exil au Maroc, en Terre Sainte puis en Egypte où il devint le médecin personnel du sultan et où il mourut à l’âge de soixante-dix ans. Il fut enterré à Tibériade. Sur sa pierre tombale, il est écrit : «De Moché (Moïse) jusqu’à Moché (ben Maïmon), il n’y eut personne comme Moché !» Bien que de grands Sages aient succédé à Moché, aucun ne fut comparable à Rabbi Moché Ben Maïmon dont l’envergure spirituelle fut telle qu’on le surnomma «Le grand aigle».
En 1984, le Rabbi de Loubavitch – qui citait dans tous ses discours des lois tirées du Michné Torah – demanda à ce que chaque Juif, quels que soient son âge, son niveau d’étude, ses occupations etc…, étudie chaque jour : soit trois chapitres (en presque un an), soit un chapitre (en presque trois ans), soit les lois correspondant aux trois chapitres, tirées du Séfer Hamitsvot.
Ainsi, le peuple juif est uni dans l’étude de la Torah, hommes, femmes et enfants participent à cette étude. En un an (ou en trois), chacun a étudié toutes les lois de la Torah, l’héritage de chaque Juif. Quand on étudie une loi du Rambam, l’esprit et les enseignements de celui-ci restent vivants.
Depuis la proposition du Rabbi, des centaines de milliers de Juifs de par le monde se sont joints avec enthousiasme à cette étude et des dizaines de nouvelles éditions de son œuvre ont vu le jour, dans tous les formats avec traductions et commentaires.
On peut étudier le Rambam dans le texte mais aussi sur la Sidra de la Semaine, par Internet, sur l’hebdomadaire Actualité Juive, dans la nouvelle édition en français du Séfer Hamitsvot et également sur le serveur vocal LEHAIM en composant le 01 44 52 02 52.
F. L. (d’après Rav Shmuel Butman)
De Recit de la Semaine
Un nom pour la vie
Tu es née en Hongrie à une période très difficile, sombre et amère pour notre famille et notre peuple. Les armées nazies conquéraient l’Europe.
Nous avions entendu des récits terribles, mais nous ne voulions pas y croire. Et j’étais encore toute jeune, je venais de donner naissance à mon premier enfant. J’attendais avec impatience que la sage-femme m’amène mon bébé. Finalement, une infirmière imposante se dirigea vers mon lit, sans un sourire, en me tendant un paquet emmailloté dans une vieille couverture. Comme tu étais belle, ma fille, avec tes grands yeux bleus et ton visage rose aux cheveux châtains !
«Prenez-la ! me dit-elle en te déposant sans ménagement sur mon lit. Je ne sais pas pourquoi nous devons nous occuper de ces cafards juifs, siffla-t-elle entre ses dents. Je ne lui répondis pas. Mais je te serrais très fort dans mes bras en pleurant.
«Ne laissez pas cette sorcière vous démoraliser!» me dit alors ma voisine. C’était une paysanne solide, aux joues roses et aux cheveux gris : «Montrez-moi votre bébé ! Oh ! Comme elle est mignonne ! Quel dommage… !»
Puis elle s’assit bien droite sur son lit et s’exclama: «Ecoutez-moi, Madame…
- Madame Rosenberg, répondis-je.
- Ecoutez Madame Rosenberg ! Donnez-la moi! Pourquoi devrait-elle périr, cette innocente ? Je vous promets que je veillerai sur elle comme si elle était à moi ! Je n’ai jamais eu le bonheur d’avoir des enfants. Pourquoi devrait-elle mourir, Madame Rosenberg ?»
Je la regardais avec stupéfaction. Comment pouvais-je me séparer de ma fille ? C’était une enfant juive, nous allions l’élever comme une digne fille de notre peuple, avec l’aide de D.ieu.
«Pauvre fillette ! Elle n’a aucune chance. Il n’y aura plus d’enfants juifs une fois que les Nazis entreront ici !»
- N’en soyez pas si sûre ! répondis-je à travers mes larmes. Ce n’est pas la première fois qu’on tente de nous détruire !
Et soudain, je réalisai quel jour on était. Pour moi c’était un signe du ciel : mon bébé était né le jour où le sinistre Haman avait connu la chute et où ses plans avaient été définitivement annulés, le jour où l’obscurité avait été transformée en lumière : «D.ieu nous sauvera cette fois aussi !» déclarai-je.
Ma voisine tenta encore de me convaincre, mais je ne l’écoutais plus : je pensais au prénom à donner à mon bébé.
Ton père me rendit visite l’après-midi. Comme c’était rassurant de le voir avec de la nourriture cachère et sa Meguila, le rouleau d’Esther. Dès qu’il entra, je lui annonçais : «Avraham ! Je sais comment s’appellera notre bébé : “Esther Malka”, notre petite reine ! Quel nom magnifique ! D.ieu nous aidera certainement !»
Quand tu as atteint l’âge de deux ans, nous avons été forcés de quitter notre maison et de nous entasser dans un ghetto constamment surveillé par les Nazis. Nous survivions malgré le froid, la faim et la peur, la maladie et les rafles.
Puis ce fut Pourim, ton troisième anniversaire. Ce matin-là, quand ton père s’apprêta à se rendre au travail, je cousus une paire de boucles d’oreilles en or à l’intérieur de sa veste. Il l’échangea contre de la farine, du sucre et des œufs. Cela nous permettait d’avoir des «Hamantashen», des gâteaux de Pourim. Puis je déchirai soigneusement un rideau en dentelle qui devint ta robe. Avec du carton et du papier d’emballage, je confectionnai ta couronne. Quand les gens se réunirent chez nous pour écouter la lecture de la Meguila, tu étais vraiment la reine avec tes cheveux longs que j’avais peignés jusqu’à ce qu’ils brillent. Tu étais fière et sérieuse, les adultes te regardaient avec affection et, ce soir-là, quand tu t’es couchée, tu as murmuré: «je suis si heureuse, je suis Esther Hamalka!»
Mais la situation empirait et nous réalisions que nous devions nous séparer de toi, t’envoyer très loin à la campagne dans un village si pauvre et si petit qu’il serait oublié même par les Allemands. Avec le peu d’argent qui nous restait, nous allions soudoyer une famille chrétienne qui te garderait jusqu’à la fin de la guerre.
Un matin, quand tu t’es levée, un jeune homme t’attendait. Je t’ai dit que c’était un ami, qu’il t’emmènerait dans un endroit sans soldats et sans fusils, où tu pourrais manger du pain et des pommes de terre à volonté. Je t’expliquai avec gravité que tu ne t’appelais plus Esther Malka mais Eva, que nul ne devait savoir que tu étais juive. Mais tu étais si petite ! Tout ce que tu comprenais, c’était que nous ne t’accompagnerions pas. Le jeune homme te dit alors gentiment : «Je vais te raconter un secret ! (Il parlait en yiddish) Tu ne quittes pas tes parents ou ton nom. Tu les garderas toujours dans ton cœur ! Et le soir, quand tu réciteras le Chema, tu penseras très fort à eux. Mais tu ne le diras à personne. Ce sera ton secret ! Un jour, tes parents reviendront et te ramèneront à la maison!»
Durant de longs mois, nous n’avions aucune nouvelle de toi. A la fin de la guerre, nous avions survécu, mais des millions de Juifs avaient été exterminés. Nous nous sommes dirigés vers le village où tu avais été cachée ; à pied, nous sommes venus te chercher. Nous savions que certains villageois avaient chassé les enfants desquels ils s’étaient occupés, d’autres les avaient livrés aux Nazis ; certains, par contre, s’étaient attachés à ces enfants et refusaient de les rendre à leurs parents survivants.
Soudain, nous avons aperçu une fillette aux cheveux châtains; elle avait les pieds nus et jouait dans la boue devant une maison. Elle nous dévisagea, le pouce en bouche, mais tu ne nous as pas reconnus. Tu nous avais complètement oubliés. En courant, tu as prévenu la paysanne qui te gardait : «Maman ! Il y a des gens bizarres dehors !»
J’ai eu peur en voyant comment elle te serrait très fort la main. Je me souvenais de la femme à l’hôpital qui voulait t’adopter à la naissance.
«Esther ! criai-je alors. Esther Malka ! C’est Papa et Maman ! Tu te souviens de nous ?»
Tu t’es brusquement raidie. Tu m’as regardée attentivement puis tu t’es arrachée à la paysanne et t’es réfugiée dans mes bras.
Comment avais-tu pu tout oublier – ton père, ta mère et le fait que tu étais juive – mais tu ne te souvenais que d’une chose : ton prénom ?
Je crois que c’est parce qu’un nom, un prénom juif, a beaucoup plus de signification que ce que l’on croit !»

Rachel Yaffe www.chabad.org
traduite par Feiga Lubecki