Semaine 52

  • Vaye’hi
Editorial
Voir autrement

Il est connu que le calendrier rythme largement la vie juive, qu'il lui donne ces pulsations régulières qui en soulignent les points forts et les temps de souvenir et de conscience. Cette semaine nous plonge dans un univers particulier. En effet, c'est la semaine du 10 Tévet et quelque chose a changé dans notre perception des choses.
Ce jour-là, énonce la liturgie, "le roi de Babylone se rapprocha...". Il faut entendre par là qu'il mit le siège devant Jérusalem. C'est certes un évènement dramatique, à telle enseigne que, plus tard, le prophète Ezéchiel se vit enseigner par un ange que ce jour devait être considéré comme celui du début de l'exil d'Israël et, à ce titre, institué comme un jour de jeûne.
Pourtant, le mot employé en hébreu est bien "se rapprocha" et non "mit le siège". Le terme choisi est d'autant plus étonnant qu'il peut se traduire aussi bien en français par "soutint". Quelle distance sépare cependant ces deux notions: "mettre le siège" et "soutenir" sont des idées à l'opposé l'une de l'autre! Tandis que la première évoque la destruction et la chute, la seconde implique, au contraire, la vie qui continue et se renforce. C'est là un des secrets de la tradition juive: elle sait lire les évènements de différentes manières.
De fait, est-il précisé, l'avancée des armées babyloniennes pouvait avoir un sens très différent de celui qui, malheureusement, finit par se concrétiser. Elle aurait pu signifier un véritable soutien à cette source de lumière que constituent Jérusalem et le Temple pour l'ensemble des hommes. Elle ne fut synonyme de destruction que parce que le lien de chacun avec le judaïsme, avec D.ieu ne se révéla pas digne, en ce temps, du projet divin. Les actes ont toujours cette puissance ; ils entraînent immanquablement leurs conséquences. C'est ainsi que commença le siège de la Ville Sainte.
Bien des siècles sont passés depuis lors mais le jeûne du 10 Tévet nous rappelle d'année en année l'actualité de cette histoire. Chacun possède en soi les forces de faire de ce monde le lieu de paix et de sérénité dont tous les hommes rêvent. Chacun par son attachement à D.ieu, à Sa Torah, à Ses commandements, a le pouvoir de faire apparaître la lumière du cœur de l'obscurité, la liberté du cœur de l'oppression, le bonheur du plus fort de la tragédie. Sachons simplement nous en saisir.
Etincelles de Machiah
Le regret de D.ieu

Nos Sages enseignent dans le Talmud (traité Souccah 52b) que D.ieu regrette d’avoir
créé quatre choses. L’une d’entre elles est l’exil du peuple juif.
Cela renvoie à une notion essentielle: il faut se souvenir constamment de l’existence de
ce “regret” de D.ieu. Cela signifie que l’exil n’est pas la situation authentique que D.ieu
désire pour le peuple juif.C’est cette idée que les Sages veulent nous faire connaître car:
1) il importe que l’on n’en vienne pas à être heureux de la situation présente mais que
l’on se souvienne, au contraire, qu’il s’agit là d’une conséquence des fautes commises,
2) il convient que nous ne nous laissions pas impressionner par l’obscurité de l’exil et
que nous n’en ressentions aucun désespoir car il est, par nature, appelé à disparaître.
(d’après Likouteï Si’hot, vol. XXIV, p. 175) H.N.
Vivre avec la Paracha
Vaye'hi : Reouven et Yehoudah

Dans les bénédictions qu'il adressa à ses enfants avant de quitter ce monde, Yaakov assigna à chacun d'entre eux son rôle dans la formation de la nation juive. Les douze fils de Yaakov devinrent les douze tribus d'Israël dont les douze fonctions individuelles constituent ensemble la mission d'Israël.

A Yehoudah, le quatrième fils de Yaakov, fut impartie la mission de souverain et dirigeant. Selon les mots de Yaakov : " Le sceptre ne quittera pas Yehoudah, pas plus que la plume de législateur ses descendants ; devant lui les nations se soumettront jusqu'à la venue de Chiloh ". Depuis le Roi David, tous les futurs guides légitimes d'Israël, les rois, les nessiim (les princes), les exilarques et jusqu'à Machia'h appartiendraient à la tribu de Yehoudah.

Selon la légitimité, la royauté appartenait à Reouven, le premier né de Yaakov. Mais Reouven avait péché contre son père, perdant ainsi son droit qui fut alors transmis à Yehoudah. Mais pourquoi Yehoudah ? Nos Sages reconnaissent deux qualités pour lesquelles Yehoudah put mériter le leadership d'Israël.

En premier lieu, lorsque les autres fils de Yaakov avaient comploté pour tuer Yossef, Yehoudah avait sauvé sa vie. " Que gagnerons-nous à tuer notre frère et couvrir son sang, avait argué Yehoudah . Vendons-le plutôt aux Ichmaëlites et ne lui faisons pas de mal avec nos propres mains, car il est notre frère, notre propre chair. " Les autres avaient accepté le raisonnement de Yehoudah et Yossef fut tiré du puits infesté de serpents, dans lequel il avait été jeté, et fut vendu comme esclave.
Par ailleurs, Yehoudah reconnut publiquement sa culpabilité dans l'incident de Tamar, la sauvant ainsi, avec ses deux fils, de la mort.

Néanmoins, il pourrait sembler que Reouven n'était pas moins vertueux que Yehoudah. En effet dans précisément deux domaines semblables, les actes de Reouven furent plus admirables et ses intentions plus pures.

En ce qui concerne le complot pour tuer Yehoudah, ce fut Reouven qui le premier sauva la vie de Yossef en suggérant à ses frères, qu'au lieu de le tuer, ils feraient mieux de le jeter dans le puits. Comme en témoigne la Torah, il agit ainsi " pour pouvoir le sauver de leurs mains et le rendre à son père ". ( Reouven ignorait qu'il y avait des serpents et des scorpions dans le puits). La Torah atteste également que Reouven n'était pas présent lors de la vente de Yossef et rappelle son bouleversement lorsqu'il ne trouva pas Yossef et la réprimande qu'il adressa à ses frères pour ce qu'ils avaient fait. Yehoudah quant à lui, n'avait fait que de proposer une manière plus profitable de se débarrasser de Yossef ( la Torah ne dit rien d'intentions cachées) et c'est lui qui fut à l'origine de sa vente en esclavage. En fait, plus loin nous trouvons les autres frères accusant Yehoudah : " C'est toi qui nous as dit de le vendre. Si tu nous avais enjoint de le ramener (à la maison), nous t'aurions écouté " ( Rachi, Beréchit 38 :1).

Quant au fait de s'amender publiquement, là encore Reouven surpassa Yehoudah. Reouven admit également qu'il avait péché et s'en repentit. Mais alors que Yehoudah avait à choisir entre le fait d'admettre sa responsabilité ou de causer la disparition de trois vies innocentes, Reouven ne se trouvait pas devant un choix si déterminant. Plus encore, la repentance de Reouven ne s'acheva pas une fois qu'il eut admis sa faute mais continua à embraser tout son être pendant de nombreuses années. En réalité, la raison pour laquelle Reouven n'était pas présent lors de la vente de Yossef, neuf ans après son mauvais comportement vis à vis de son père, était qu' " il était occupé à jeûner, vêtu d'un sac " ( habit de deuil).

En ce qui concerne ses qualités et vertus personnelles, Reouven dépassait réellement Yehoudah, à la fois dans la pureté de ses intentions et l'intensité de sa repentance sur ses faiblesses. Mais Yehoudah fut celui qui sauva réellement Yossef, alors que Reouven, sans le vouloir, l'avait placé dans un danger mortel. Dans la même veine, la repentance de Yehoudah sauva trois vies alors que le remords de Reouven n'aida personne. En fait, s'il n'avait pas été absorbé dans son jeûne avec son sac, il se peut qu'il ait pu empêcher la vente de Yossef.

En fait, Reouven garda ses droits de premier né de Yaakov dans tout ce qui lui était relatif en tant qu'individu. Mais il perdit son rôle de leader en négligeant ce qui est une priorité fondamentale pour un dirigeant. Pensant que pour le moment Yossef était à l'abri, il se précipita pour retourner à ses prières et à sa pénitence, oubliant que la préoccupation pour l'autre doit toujours prendre la préséance sur ses propres besoins, ses propres aspirations, quelques pieuses et élevées puissent-elles être.
Alors que Reouven priait et jeûnait, Yehoudah agissait. Yehoudah gagna la direction d'Israël parce qu'il avait reconnu que lorsqu'un autre être humain a besoin de nous, nous devons mettre de côté toutes autres considérations et nous impliquer. Et même si nos raisons sont indiscutables, il est des moments où l'on ne peut pas se permettre d'attendre.
Le Coin de la Halacha
C’est un grand honneur que d’être appelé à la Torah; Il convient de mettre un chapeau et une veste quand on est appelé à la Torah.
Celui qui est appelé ne doit pas refuser; il prendra le chemin le plus court pour ne pas faire attendre la Torah.
Avant qu’il ne prononce la bénédiction, on lui montre où commence et où finit le passage qu’on lira pour lui. L’appelé touche avec les Tsitsit de son châle de prière (ou avec la ceinture du Séfer Torah) ces deux passages, en faisant attention à ne pas frotter l’étoffe contre le parchemin, pour éviter d’effacer ou d’abîmer les lettres. Celui dont les vêtements ou le chapeau sont mouillés (par la pluie par exemple), veillera à ce qu’aucune humidité ne soit en contact avec le parchemin. On ne touche pas le parchemin avec les mains mais avec le Talit (châle de prière) ou le stylet réservé à cet usage.
On dit la bénédiction à voix haute afin que les fidèles présents puissent répondre Amen.
On ne peut quitter la synagogue tant que la lecture de la Torah n’est pas terminée, même si dix hommes sont présents, même si on a déjà entendu la lecture lors d’un office précédent.
Il est d’usage d’offrir une contribution pour les œuvres charitables de la communauté.
F. L. (d’après Rav E. Wenger)
De Recit de la Semaine
L'autre soir à Jérusalem, alors que je commandais une pizza, j'ai entendu quelqu'un derrière moi proposer à des clients de faire un "Farbrenguen", une réunion 'hassidique. Je me retournai pour voir qui pouvait être ce Hassid mais je fus surpris de voir que c'était un jeune garçon portant une chemise noire serrée et arborant des cheveux gominés hérissés, bref, une tenue peu habituelle dans le milieu 'hassidique...
Je lui souris: il avait sans doute utilisé le mot "Farbrenguen" pour attirer mon attention. Il m'a alors posé toutes sortes de questions.
"Oui, répondis-je, je suis un 'Habadnick... Oui j'ai vu le Rabbi de près... Oui, j'ai reçu un billet d'un dollar de sa main..."
Il voulait savoir si j'avais sur moi un dollar du Rabbi. "Oui, bien sûr" ai-je répondu.
"Pouvez-vous me le donner?" demanda-t-il à brûle-pourpoint.
Si seulement vous aviez pu voir son regard à ce moment-là! Il voulait tellement avoir un dollar du Rabbi!
Comme vous le savez, durant de nombreuses années, chaque dimanche, et à chaque occasion, le Rabbi distribuait des billets d'un dollar à tous ceux qui passaient devant lui. Alors qu'il avait déjà quatre-vingt, quatre-vingt dix ans même, le Rabbi restait debout de longues heures d'affilée pour recevoir des gens qui venaient du monde entier lui demander sa bénédiction.
Le Rabbi désirait rencontrer chacun, le saluer, le bénir. Le dollar devait être remis à la charité. Cependant, celui qui le recevait préférait souvent le garder et en donner un autre, ou plusieurs autres, à la place à la Tsédaka (charité).
Je montrai à mon nouvel ami un dollar que je gardais toujours sur moi: en-haut sur la marge, j'avais écrit mon nom et la date du jour où je l'avais reçu. Maintenant je le lui donnai: il ajouta son nom à côté du mien et la date d'aujourd'hui.
Me séparer de mon dollar avait été une décision douloureuse mais raisonnée. Des années auparavant, le Rabbi m'avait regardé droit dans les yeux en me le tendant: comment pouvais-je même penser le donner? Cependant, alors que je le donnai à ce jeune Israélien, j'eus l'impression qu'il regardait à travers moi, comme s'il voyait le Rabbi lui-même. C'était à travers moi que le Rabbi lui donnait ce dollar...
Quelques jours plus tard, je retournai m'acheter une pizza. Mon "ami" s'y trouvait aussi: apparemment, c'était un habitué. Dès qu'il m'aperçut, il se précipita vers moi en agitant quelque chose: c'était mon dollar. Alors que moi, je l'avais toujours gardé plié dans mon porte-monnaie, lui, il l'avait fait plastifier. J'admirai l'œuvre.
A ce moment-là entra dans la pizzeria un homme revêtu de l'habit 'hassidique de Mea Chéarim. Mon nouvel ami se précipita vers lui aussi: "J'ai reçu un dollar du Rabbi!" disait-il joyeusement en l'agitant.
Le 'Hassid, impressionné par sa candeur, décida de mettre le jeune Israélien à l'épreuve.
"Quelle valeur a ce dollar pour toi?" lui demanda-t-il.
"Tout l'or du monde! répliqua-t-il. C'est une "Segoula", un bon signe!"
"Me vendrais-tu ta "Segoula"?" demanda le Hassid.
"Jamais!" Le cri venait du fond du cœur!
"Et si je te donnais un million de dollars?"
Mais le jeune homme était ferme. "Pas question!"
"Je ne comprends pas, dit le 'Hassid, quelle meilleure "Segoula" peut-il y avoir à part un million de dollars à la banque?"
- "Si je refuse ton offre d'un million de dollars, insista le jeune homme, le Rabbi trouvera le moyen de me faire gagner une plus grande récompense encore!"
Puis s'avisant qu'il avait peut-être vexé le Hassid, le jeune homme s'excusa de son enthousiasme peut-être mal placé.
"Non, répondit le Hassid, pensif, tu ne m'as pas vexé, bien au contraire. D'ailleurs, dit-il honnêtement, je crois bien que je suis jaloux de toi!"

Dovi Scheiner
Traduit par Feiga Lubecki