Le temps du changement
Cette semaine possède un caractère particulier auquel personne ne peut rester indifférent. Elle est ce moment qui passe, tendu vers les grands rendez-vous spirituels, et aux fortes implications matérielles, qui nous attendent. Aussi, ces jours sont loin d’être anodins. Elle nous conduit donc au vendredi 11 Nissan, 122ème anniversaire de la naissance du Rabbi de Loubavitch puis au Chabbat qui porte ce nom merveilleux de simple noblesse : Chabbat Hagadol, le « grand Chabbat ». Chacun le sait, et plus encore le ressent : tout cela nous prépare à la célébration de Pessa’h, le « temps de notre libération ». En d’autres termes, la liberté est une idée si belle et si précieuse qu’on ne peut y entrer ainsi de plain-pied, sans en avoir acquis le niveau au préalable.
Bien sûr, la date du 11 Nissan et le Chabbat Hagadol ne renvoient pas à des événements similaires. On l’a dit, le premier appelle à notre esprit la personnalité et l’œuvre du Rabbi tandis que le second est une étape fameuse de notre indomptable marche en Egypte vers la liberté. Pourtant quelque chose les lie l’un à l’autre, plus que la simple proximité de date. Et de fait, dans le 11 Nissan, il est impossible de ne pas voir la transformation du monde réalisée. Après les drames de la Shoah et leurs conséquences sur chacun, dans un monde en perte de repères, qui rejette, peu à peu, autant les traditions léguées par les générations précédentes que la recherche de réponses aux questions spirituelles/existentielles, le Rabbi entreprend de rétablir les bases de ce qui a fait le peuple juif et, plus largement, la civilisation des hommes. Nous voyons aujourd’hui les effets de son œuvre.
Et, dans le Chabbat Hagadol, de quoi s’agit-il sinon de la reconnaissance par le monde égyptien de l’antiquité d’accepter l’ordre de D.ieu de « laisser partir Mon peuple » ? De quoi s’agit-il sinon de la révolte de ce monde contre la volonté d’un pharaon qui reste sourd et aveugle malgré les mises en garde ? Et nous sommes devenus un peuple libre.
Dans les deux cas, la conclusion est celle de la victoire éternelle du Bien sur le Mal, de la conscience sur l’oubli et/ou le mensonge. Alors que nous voyons Pessa’h à l’horizon, il y a ici un véritable enseignement, comme un guide pour l’action. Nous sommes sur le chemin de la plus grande libération que le Machia’h nous apportera. C’est sur cette route que nos actes prennent un caractère encore plus déterminant. Comme le montrent les deux dates, tout peut être transformé. D’une certaine façon, cela ouvre à chacun la voie d’un héroïsme au quotidien. A nous de nous saisir de l’occasion : c’est aujourd’hui que demain commence.
Tichri ou Nissan ?
Dans le traité Roch Hachana (10b-11b), on trouve une discussion sur le mois de la Délivrance. Pour Rabbi Eliézer, ce sera celui de Tichri tandis que, pour Rabbi Yéhochoua, ce sera celui de Nissan. En effet, Rabbi Eliézer pense que la Délivrance est liée au repentir des Juifs, à la Techouva – un mode de service divin qui implique l’effort de l’homme pour s’élever vers D.ieu. Aussi, elle doit, selon lui, intervenir en Tichri qui, avec Roch Hachana et Yom Kippour, incarne justement cette démarche. En revanche, Rabbi Yehochoua estime que la Délivrance viendra comme un fait apparaissant d’En-Haut à l’initiative de D.ieu. Dans cette optique, le mois de Nissan est le plus approprié qui vit, précisément, D.ieu Se révéler en Egypte pour libérer Son peuple.
(d’après Likoutei Si’hot, vol. I, p. 235)
Pessa'h : L’éducation des enfants juifs, hier et aujourd’hui
« Et quand ton enfant te demandera… »
La Torah associe la commémoration de l’Exode d’Égypte aux enfants juifs. Cela apparaît dans la terminologie utilisée dans le commandement de répéter et de revivre l’histoire de l’Exode : « Et tu diras à ton fils en ce jour… »
De même, le Talmud note que nos Sages ont incorporé de nombreuses coutumes dans le Séder pour soulever et maintenir l’intérêt des enfants.
Il existe une connexion métaphorique entre les enfants et Pessa’h car Pessa’h représente la naissance de notre peuple, les jours de la jeunesse de notre nation. Plus encore, un élément fondamental de l’oppression égyptienne tenait dans le décret du pharaon selon lequel « chaque garçon qui naîtrait devrait être jeté dans la rivière. »
Déterminer nos priorités
Dans son sens métaphorique, ce décret est d’actualité, dans les circonstances d’aujourd’hui. Il appelle à l’annihilation des enfants juifs mais peut aussi être compris comme une annihilation spirituelle. Le Nil, source de la richesse et de la prospérité égyptiennes, était adoré comme un dieu.
Jeter un enfant dans le Nil signifie l’immerger dans les façons de faire de l’Égypte, le laisser couler spirituellement, totalement submergé depuis l’enfance dans cette culture.
Nous voyons fréquemment se rejouer cette tragédie de nos jours. Combien de parents voient « le Nil » comme source de prospérité, le seul moyen par lequel leur enfant arrivera à une « belle vie » ? Les projets de carrière sont envisagés depuis le berceau. Dès sa naissance, les parents se préoccupent du bien-être matériel de leur enfant. Et pourquoi n’ont-ils pas le même souci pour son futur spirituel ?
Cette approche dans l’établissement des priorités est doublement erronée. La première erreur réside dans le fait de ne pas donner au potentiel spirituel de l’enfant sa véritable importance. Le second problème tient au fait que l’approche des parents ne peut même pas garantir le succès matériel. Un Juif ne peut prospérer que si D.ieu le veut. La destinée de notre peuple est déterminée par un processus différent que celui qui contrôle le destin des autres nations que D.ieu contrôle selon l’ordre naturel. Le succès du Peuple juif, quant à lui, n’est pas un phénomène naturel mais dépend directement de notre relation avec D.ieu.
Regarder vers le haut pour notre subsistance
Notre dépendance directe de D.ieu peut s’illustrer par une comparaison entre l’Égypte et Erets Israël. Dans l’ancien temps, l’agriculture égyptienne dépendait du Nil qui, pendant ses crues annuelles, irriguait la terre. D’un point de vue superficiel, aucune influence divine n’était apparente et l’ordre naturel semblait contrôler l’approvisionnement en eau. Par contre, Erets Israël ne possède aucun fleuve important et dépend de la pluie.
Le Midrach explique que cette dépendance suit un ordre divin pour que « les yeux de tous regardent vers le haut » pour la pluie, « vers Celui qui détient la clé de la pluie. » On a beau faire tous les efforts possibles, le succès de nos récoltes dépend de la bénédiction divine.
Quand un Juif acquiert l’humilité de reconnaître la Source de son approvisionnement en eau, il parvient également à une prise de conscience plus vaste : il ne peut pourvoir pour lui-même à un moyen de subsistance fiable. La Torah est notre source de vie et pas seulement au sens spirituel mais également au sens matériel. Il nous faut travailler pour gagner notre subsistance mais nos efforts ne sont rien de plus qu’un moyen par lequel D.ieu attribue Ses bénédictions.
Ils le reconnurent d’abord
Tout comme l’oppression égyptienne du Peuple juif se répercuta d’abord sur le sort des enfants, ce sont également les enfants qui furent intimement impliqués dans la libération d’Égypte. Nos Sages enseignent que « par le mérite des femmes justes de cette génération, nos ancêtres furent libérés d’Égypte. » Défiant le décret du pharaon contre leurs enfants, les femmes répondirent par le sacrifice de soi, portant des enfants qu’elles cachèrent aux Égyptiens, les éduquèrent comme des Juifs, en dépit des dangers que cela leur faisait risquer.
Cette éducation dota les enfants de cette génération d’une sensibilité très particulière. Ayant expérimenté la providence miraculeuse de D.ieu et Sa protection en exil, ils « Le reconnurent les premiers » au passage de la Mer Rouge. Moché, Aharon, Yehochoua, tous les Anciens et le Peuple juif dans son ensemble étaient présents, mais ce sont ces enfants qui reconnurent D.ieu avant tous.
Dans un futur très proche, nous mériterons l’accomplissement de la prophétie : « Comme aux jours de votre sortie d’Égypte, Je vous montrerai des merveilles », avec la venue du Machia’h. En anticipation de cet événement, nous devons élever nos enfants pour qu’ils servent d’« avant-garde de la Rédemption », leur donnant accès à une connaissance de la Rédemption et en les empreignant d’un désir ardent pour la Rédemption.
Et dans le futur très proche, ces mêmes enfants « Le reconnaîtront d’abord » quand nous avancerons « avec nos jeunes et nos vieux… avec nos fils et nos filles », pour accueillir le Machia’h.
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On a la tradition d’introduire le Séder en en chantant les quinze étapes : « Kadèch… » Quand le père rentre de la synagogue, le soir de Pessa’h, il doit réciter immédiatement le Kidouch pour que les jeunes enfants ne s’endorment pas et soient en mesure de poser les Quatre Questions qui commencent par « Ma Nichtana (« En quoi cette nuit est-elle différente des autres nuits ? »)
Lors d’un Séder dans le foyer d’un grand Sage nommé : « le Chpoler Zeidé » (le Grand-Père de Chpoler), son jeune fils annonça : « Kadèch » puis en donna l’explication traditionnelle : « quand le père rentre de la synagogue le soir de Pessa’h, il a l’habitude de réciter immédiatement le Kidouch ». Mais l’enfant interrompit là son explication.
Son père lui demanda de continuer mais le garçon expliqua que son maître s’était arrêté à ce point. Le père continua donc l’explication. Le lendemain, le maître du garçon se joignit à la famille pour le repas du midi et le Chpoler Zeidé lui demanda pourquoi il n’avait pas donné à l’enfant l’explication complète de « Kadèch », comme cela en était la coutume.
Le maître répondit qu’il ne voyait pas de raison de donner une si longue explication. Le Chpoler Zeidé protesta avec force, dit au maître qu’il n’avait pas compris la raison derrière la tradition et lui reprocha d’avoir divergé des coutumes de nos vénérables ancêtres pour suivre les diktats de sa propre raison !
« Entends maintenant le sens profond de ces mots : ils servent d’explication à tout le Séder.
‘Quand le père rentre de la synagogue le soir de Pessa’h’ : cela veut dire : « quand notre Père dans les Cieux rentre de la synagogue, après avoir entendu les prières du soir, et Se rend dans Sa demeure En Haut, ayant observé que malgré leur fatigue pour le dur labeur de la préparation de la fête, tous les Juifs sont venus à la synagogue pour prier et ont déversé leur âme dans les récitations des Psaumes de remerciement du Hallel.
‘Il doit réciter le Kidouch immédiatement’ : ce qui signifie qu’Il renouvelle immédiatement Son engagement avec Israël, Ses « Kidouchim » avec Son épouse attristée et Il doit nous libérer immédiatement de notre exil.
‘Pour que les jeunes enfants ne s’endorment pas’ : le Peuple d’Israël est souvent appelé par les Prophètes « petits enfants ». Ainsi le Tout-Puissant doit agir rapidement de peur que Ses enfants s’enfoncent profondément dans le sommeil de l’exil et désespèrent (à D.ieu ne plaise) d’être délivrés. Il doit agir rapidement, ‘pour qu’ils posent la question « Ma Nichtana ? » Pourquoi cette nuit est-elle différente de toutes les autres nuits ? Pourquoi la longue nuit de cet exil redoutable se prolonge-t-elle plus que celle de tous les autres exils obscurs que nous avons déjà subis ? »
Alors, le Chpoler Zeidé éclata en sanglots, leva ses bras vers le ciel et s’écria : « Père En Haut ! Délivre-nous de l’exil. Ne nous laisse pas tomber dans un profond sommeil ! »
Qu’est-ce que le compte du Omer ?
C’est une Mitsva de la Torah de compter les quarante-neuf jours de l’Omer à partir du second soir de Pessa’h (mardi soir 23 avril 2024) jusqu’à la veille de Chavouot (lundi soir 10 juin 2024 inclus). Si on n’a pas compté de suite après la prière du soir (Arvit), on peut encore compter durant la nuit jusqu’à l’aube. Si on ne s’en souvient que pendant la journée, on peut compter, mais sans réciter la bénédiction. Et le soir suivant, on continue de compter avec la bénédiction. Si on a oublié toute une journée, on devra dorénavant compter chaque soir sans la bénédiction.
Quelles sont les lois de cette période du Omer ?
Hommes et femmes ont l’habitude de ne pas entreprendre de « travaux » (tels que ceux interdits à ‘Hol Hamoed) depuis le coucher du soleil jusqu’à ce qu’ils aient compté le Omer.
On ne célèbre pas de mariage, on n’achète pas de vêtements neufs (sauf sous-vêtements et habits en soldes) et on ne se coupe pas les cheveux, en souvenir de l’épidémie qui décima les 24.000 élèves de Rabbi Akiba à cette époque du Omer. Les Séfaradimes respectent ces lois de deuil jusqu’au 19 Iyar (lundi 27 mai 2024) ; les Achkenazim depuis le 1er Iyar (jeudi 9 mai 2024) jusqu’au 3 Sivan au matin (dimanche 9 juin 2024) à part la journée de Lag Baomer (dimanche 26 mai 2024).
La coutume du Ari Zal, suivie par la communauté ‘Habad, veut qu’on ne prononce pas la bénédiction de Chéhé’héyanou (sur un fruit nouveau par exemple) durant toute la période du Omer et qu’on ne se coupe pas les cheveux jusqu’à la veille de Chavouot (cette année mardi matin 11 juin 2024).
Un garçon qui aura trois ans après Pessa’h, fêtera sa première coupe de cheveux à Lag Baomer (dimanche 26 mai 2024) et celui qui aura trois ans après Lag Baomer la fêtera la veille de Chavouot (mardi 11 juin 2024).
Il n’y aucune restriction sur les promenades ou les séances de piscine et baignade.
Pourquoi lit-on un chapitre de Pirké Avot, les « Maximes de nos Pères », chaque samedi après-midi, entre Pessa’h et Chavouot ?
Entre Pessa’h et Chavouot, nous nous préparons à revivre le don de la Torah au mont Sinaï. Pirké Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales. En lisant un chapitre par Chabbat, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.
Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces six chapitres tout au long de l’été jusqu’au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l’été, certains ont tendance à se montrer moins stricts dans leur observance des Mitsvot : il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.
Des Matsot pour Londres
Freddy était étudiant en économie à l’université de Londres. Il y fit connaissance d’un ‘Hassid de Loubavitch qui l’initia à la richesse de la pensée ‘hassidique. Enthousiasmé, le jeune homme n’avait qu’un rêve : mériter de rencontrer personnellement le Rabbi de Loubavitch. Durant l’été 1969, il travailla un mois, ce qui lui permit de payer le voyage jusqu’à New York le mois suivant. Il attendit toute une nuit de pouvoir entrer dans le bureau et ne pouvait s’empêcher de bailler en luttant contre le sommeil. Mais il fut surpris de constater que le Rabbi, lui, était bien éveillé. Il fut immédiatement émerveillé par ces yeux bleus et eut l’impression que c’était le Rabbi qui attendait avec impatience de le rencontrer et non le contraire.
Au début, le Rabbi s’intéressa aux origines ‘hassidiques du jeune homme : son nom de famille indiquait une parenté avec les Rabbis de Vijnitz. Freddy montra la photo de son grand-père, Rabbi Chalom Hager de Stroznitz. Le Rabbi lui demanda :
- Savez-vous ce que signifie le titre Admour (une autre façon de désigner un Rabbi) ? Le Baal Chem Tov était le premier Admour et il avait la coutume de ne pas aller dormir s’il restait dans la maison de l’argent qu’il n’avait pas distribué à des nécessiteux !
Le Rabbi réfléchit un instant et ajouta :
- Peut-être marcherez-vous sur les traces de votre grand-père…
Le jeune étudiant avait été très impressionné par cette entrevue. Il avait pensé qu’il rencontrerait un grand homme. Mais le Rabbi lui avait appris à se connaître lui-même.
Environ six mois plus tard, Freddy retourna à New York. De nombreuses personnes de tous horizons attendaient d’être reçues et le secrétaire, Rav Leib Groner avertit Freddy qu’il ne devait pas rester trop longtemps. Mais le Rabbi avait d’autres plans :
- Vous n’avez pas mentionné dans votre note ce dont nous avions discuté la dernière fois, remarqua-t-il.
- Rav Groner m’a prévenu que je ne devais pas abuser du temps du Rabbi, balbutia Freddy.
Le Rabbi sourit et proposa :
- Que préférez-vous : que je pose des questions et que vous répondiez ? Peut-être cela ne dérangera pas Rav Groner…
Puis le Rabbi posa une question qui déstabilisa Freddy :
- Les étudiants de l’université de Londres disposent-ils de nourriture cachère ?
Freddy répondit que, justement, on construisait un nouveau bâtiment pour un centre communautaire Beth Hillel : quand il serait terminé, en octobre, donc dans dix mois, il y aurait des repas cachères. Le Rabbi lui jeta un coup d’œil étonné :
- Et jusqu’au mois d’octobre, ils devraient manger non-cachère ?
Freddy ne sut pas quoi répondre.
- L’université de Londres, continua le Rabbi, est constituée de plusieurs bâtiments…
L’étudiant était stupéfait : d’où le Rabbi connaissait-il la disposition d’une université dans une ville qu’il n’avait jamais visitée ?
- Je suppose, ajouta le Rabbi, que seul l’étudiant intéressé à manger cachère se rendra dans le bâtiment où sera construit Beth Hillel. Comment envisagez-vous de procurer des repas cachères aux étudiants ?
Freddy s’enthousiasma :
- Oh oui, très bonne idée ! Il devrait être possible d’apporter des repas cachères et d’influencer les jeunes gens à se rapprocher de la Torah…
- Très bien, sourit le Rabbi. Mais ce n’était pas à cela que je pensais. Les étudiants juifs devraient avoir un endroit où manger cachère et, quand ils se rencontreront, cela diminuera les risques d’assimilation et de mariages mixtes.
En rentrant à Londres, Freddy ouvrit avec un ami un grand lieu d’échange ; un restaurant cachère de la ville leur fournit des repas pour les trois bâtiments de l’université. Des centaines d’étudiants purent ainsi disposer de façon fixe de nourriture cachère : « J’ai dû récolter de grosses sommes d’argent pour financer cette structure, raconte Freddy, et ceci eut des effets négatifs sur mes notes aux examens. Mais ce qui est étonnant, c’est qu’une telle entreprise était le résultat d’une courte rencontre avec le Rabbi ».
Freddy (Efraim) Hager termina ses études et entra dans les affaires, plus précisément dans le commerce des diamants. Par la suite, il devint l’adjoint au trésorier puis le président de la bourse des diamants de Londres.
Une vingtaine d’années plus tard, au mois de Nissan, Freddy se rendit à New York pour ses affaires. Un après-midi, après un rendez-vous à Manhattan, il prit le métro pour revenir à l’endroit où il résidait, dans le quartier de Flatbush à Brooklyn, avant de reprendre l’avion pour l’Angleterre.
Arrivé à la station Atlantic, il constata que l’arrêt se prolongeait indûment. Il jeta un coup d’œil sur sa montre, il était presque 15 heures. Il réalisa soudain : « Je suis presque arrivé à la station de métro Kingston, juste en face du 770 Eastern Parkway : dans un quart d’heure, le Rabbi descendra à la synagogue pour la prière de Min’ha et je pourrai peut-être arriver à l’heure… ». Il parvint à quitter le wagon juste avant la fermeture des portes et changea de quai pour attraper la ligne menant à la station Kingston Avenue. Une fois de plus, ce deuxième métro s’attarda et Freddy se mit à douter sérieusement de la suite de son emploi du temps. Enfin il sortit du métro : il était 15h20. La prière de Min’ha avait déjà bien commencé. Essoufflé, Freddy se consola : peut-être parviendrait-il à apercevoir le Rabbi quand il sortirait de la synagogue. Freddy se positionna dans le petit corridor juste devant le bureau du Rabbi.
La prière s’acheva, la porte s’ouvrit, le Rabbi sortit et se dirigea rapidement vers son bureau, sans même jeter un regard sur Freddy mais en signalant à son secrétaire : « Hager se trouve là pour les Matsot ! ». (Le Rabbi avait la coutume d’envoyer des Matsot Chmourot à de nombreuses communautés juives de par le monde par l’intermédiaire de voyageurs).
Le Rabbi entra dans son bureau et le secrétaire qui l’avait suivi s’adressa à Freddy : « Où étais-tu ? Le Rabbi veut faire parvenir grâce à toi des Matsot à Londres ! Nous t’avons cherché partout, toute la journée, en vain mais le Rabbi nous a assuré que tu viendrais ! ».
Freddy était stupéfait. Lui-même n’avait eu aucunement l’intention de se rendre chez le Rabbi, l’idée ne lui était venue qu’à cause du retard inexpliqué du métro à la station Atlantic !
Le Rabbi sortit de son bureau, il tendit un grand paquet de Matsot à Freddy en le nommant son émissaire pour distribuer les Matsot en Angleterre. Ensuite, il le gratifia d’une très belle bénédiction.
C’est ainsi que Freddy se souvint toute sa vie d’un merveilleux au-revoir auquel il n’aurait jamais osé rêver !
Efraim Hager – JEM – Si’hat Hachavoua N° 1746
Traduit par Feiga Lubecki