Semaine 5

  • Bo
Editorial
A l’approche du 10 Chevat

A proximité immédiate de certains jours, il est nécessaire de s’arrêter pour prendre conscience des enjeux de la période. Voici qu’arrive le 10 Chevat. Ce jour-là, il y a 54 ans, Rabbi Yossef Its’hak Schneersohn, le Précédent Rabbi de Loubavitch, quittait ce monde; son gendre Rabbi Mena’hem Mendel Schneerson, lui succédait. C’est là une de ces dates qui ne laissent pas le monde ni les hommes inchangés mais, pour le percevoir, sans doute faut-il se donner le temps d’y réfléchir.
C’était en 5710 – 1950, une époque où le peuple juif se relevait à peine des pires drames qu’il ait jamais connus. C’était des jours où peu avaient gardé le sens de l’avenir et le goût de l’espoir. Rabbi Yossef Its’hak, depuis les Etats-Unis où il s’était installé dix ans plus tôt, avait entrepris l’œuvre de reconstruction nécessaire. Ses envoyés avaient commencés cette action qui allait devenir si familière au judaïsme d’aujourd’hui : la visite des communautés, la rencontre avec des Juifs que l’histoire, personnelle ou collective, avait détaché du judaïsme. Peu à peu, on en venait à comprendre que le renouveau était possible.
Le 10 Chevat, Rabbi Mena’hem Mendel, que le monde juif n’allait pas tarder à appeler “le Rabbi”, assuma cet héritage. C’est alors que tout prit une nouvelle ampleur. Partout, on vit renaître la soif de comprendre et de connaître le judaïsme. Partout, des émissaires se trouvèrent pour répondre aux interrogations de chacun et mettre en place les structures et les institutions qui allaient être, au fil des années, les centres de cette floraison nouvelle.
Alors que, 54 ans plus tard, on se retourne sur le chemin parcouru, on ne peut qu’être impressionné par la transformation opérée. On prend alors conscience que tout cela a eu, un jour, un point de départ et que ce que nous voyons n’en est que l’aboutissement provisoire. A l’approche du 10 Chevat, c’est là un enseignement essentiel: il revient à chacun de prendre part à l’effort d’acquisition et de partage de la connaissance, à cet élan vers soi et vers l’autre qui sont les voies irremplaçables de la Délivrance ultime.
Etincelles de Machiah
Le pouvoir de l’étude de la Torah

Maïmonide (Michné Torah, Hil’hot Mela’him, chap. 11, Hala’ha 4) décrit les caractéristiques que présentera Machia’h. C’est ainsi qu’il le présente comme “profondément immergé dans l’étude de la Torah”. Cette précision est importante car c’est cette qualité qui lui permettra de libérer le peuple juif. En effet, comme l’enseigne le Talmud (Traité Pessa’him 54a), la Torah a précédé le monde. Cela signifie qu’elle le dépasse et transcende les limites de l’exil. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, avant de descendre en Egypte, Yaacov y envoya Yéhoudah en éclaireur, “pour y installer une maison d’étude de la Torah afin que les tribus se consacrent à son étude”.
C’est que l’étude de la Torah a bien pour puissance d’écarter l’obscurité de l’exil.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch. Chabbat Parchat Vayigach 5750)
Vivre avec la Paracha
Bo: Notre autre tête


Et D.ieu parla à Moché et à Aaron en Terre d'Egypte, en ces termes: ce mois sera pour vous la tête des mois, le premier des mois de votre année. Chemot 12:1-2

Rabbi Eliézer dit: le monde a été créé en Tichri...Rabbi Yehochoua dit: le monde a été créé en Nissan.
Talmud Roch Hachanah 10b-11a



Le Talmud nous relate un échange entre les érudits d'Athènes et Rabbi Yehochoua au cours duquel les philosophes grecs lancèrent au Sage du Talmud le défi d'identifier le centre exact du monde. Rabbi Yehochoua désigna un champ, en haut d'une colline proche, et dit: "au milieu de ce champ il y a un puits. Ce puits est le centre du monde. Si vous le désirez vous pouvez prendre des cordes et le mesurer".

Comme chaque écolier le sait aujourd'hui, la terre est une sphère, ce qui signifie que tous ses points convergent vers son centre. Si un certain point est considéré comme le sommet ou la base du globe, ou si une certaine moitié est désignée comme son hémisphère nord ou sud, ce sont là des expressions d'une certaine vue conceptuelle ou historique de notre monde. Dans des termes purement géométriques, la surface d'une sphère n'a ni sommet ni base ou centre, tout comme un cercle est une ligne qui ne comporte ni début ni fin absolus.

Le temps où nous évoluons possède également une forme circulaire. Quand nous traversons le temps, nous entrons en contact avec les nombreuses qualités que lui a attribuées son Créateur: la liberté à Pessa'h, la crainte à Roch Hachanah, la joie à Soukkot, etc. Mais chaque année, nous revenons, comme un voyageur qui fait le tour du monde, au même point du cycle annuel où nous nous trouvions l'année précédente. En théorie, chaque point de ce cycle peut être considéré comme son commencement.

Cela explique un fait curieux du calendrier juif. Nous savons que l'année juive commence le premier Tichri, jour où nous observons Roch Hachanah, "la tête de l'année", et finit douze (ou treize) mois plus tard, le 29 Elloul. Mais si la tête de l'année est le premier Tichri, pourquoi la Torah ( dans Vayikra 23:24) se réfère-t-elle à Tichri comme au "septième mois" de l'année? Et pourquoi le mois de Nissan, arrivant au milieu de l'année qui commence par Tichri est-il désigné, dans la première mitsvah commandée au Peuple Juif, comme "la tête des mois, le premier des mois de ton année"?
Mais comme une sphère à deux pôles, l'année juive possède deux " têtes" ou points premiers de référence, chacun d'eux étant son commencement de façon égale. Notre voyage annuel à travers le temps est en fait un double voyage, un voyage Tichri-Elloul et un voyage Nissan-Adar. Chaque jour du calendrier juif, nous rencontrons ces deux niveaux car ils existent simultanément dans deux contextes différents.
(Pour citer un exemple, dans l'année Tichri-Elloul, Yom Kippour est l'apogée des Dix Jours de Repentance qui commencent à Roch Hachanah; dans le calendrier Nissan-Adar, Yom Kippour représente le "second Don de la Torah" couronnant un processus de 120 jours qui commence à Chavouoth. Dans l'année Tichri-Elloul, le septième jour de Pessa'h est la " naissance des âmes" cosmiques, suivant leur conception à Chemini Atséreth, le huitième jour de Soukkot; dans le cycle Nissan-Adar, Pessa'h est la première fête, entamant un cycle qui culmine à Pourim, " le dernier miracle" et la frontière dernière dans notre quête de connexion avec D.ieu.)

Un peuple miraculeux

Comme il a déjà été noté, la Torah fait référence à ces deux commencements de l'année juive comme aux "têtes": le premier Tichri étant "Roch Hachanah", la tête de l'année alors que le mois de Nissan est désigné comme "la tête des mois".

La tête est la partie la plus élevée du corps, à la fois aux sens littéral, spatial et par le fait qu'elle représente le siège des facultés les plus élevées et les plus élaborées. De manière plus significative, elle sert dans le centre nerveux et dirige tout, donnant la conscience et les commandes aux diverses composantes du corps, pour les guider vers un but commun.
L'année juive possède non une, mais deux têtes. Car la vie juive embrasse deux modes d'existence, différents voire opposés, chacun possédant son propre centre nerveux et ses particularités.

La "tête de l'année" à laquelle nous sommes tous familiers, celle au cours de laquelle nous faisons sonner le Choffar et où nous prions pour une année en bonne santé et prospère, a lieu le premier Tichri.Le premier Tichri est l'anniversaire de la création de l'univers et plus précisément de la Création de l'homme par D.ieu. En ce jour, nous réaffirmons notre engagement à D.ieu, notre Créateur et notre Roi et demandons qu'Il nous inscrive dans le livre de la vie.
Mais si le premier Tichri est le premier jour de l'histoire humaine, le mois de Nissan marque la naissance du temps juif. Le premier Nissan , 2448 ans après la création d' Adam, D.ieu ordonna Sa première mitsvah à la nation qui fuyait l'Egypte, pour établir un calendrier basé sur le cycle mensuel lunaire. Le quinze de ce mois, le Peuple Juif sortait de la terre d'Egypte et s'embarquait dans un voyage de sept semaines vers le Mont Sinaï.
Le Juif, est un citoyen du monde de D.ieu, un statut qu'il partage avec tous les autres peuples et toutes les autres créations. En tant que tel, sa tête de l'année est le premier Tichri, jour anniversaire de l'homme et Roch Hachanah du monde naturel. Mais le Juif habite également une autre réalité, une réalité née des événements supra naturels de l'Exode, le partage de la Mer Rouge et la Révélation divine de Sinaï. Cette dimension de sa vie possède sa propre " tête", le mois miraculeux de Nissan.

Pendant les vingt-cinq premiers siècles de l'histoire humaine, la relation essentielle entre le Créateur et Sa création était une relation "naturelle". La Torah relate des miracles et des événements surnaturels avant l'Exode mais ce sont là des exceptions, de l'abandon temporel du cours normal de la façon normale dont D.ieu gérait le monde en accord avec la formule prédéfinie que nous appelons les " lois de la nature". Par contre, l'Exode, produisit le Juif, un être dont l'existence est un miracle perpétuel. Le Juif fait de la rédemption une constante, menant une vie dans laquelle le miracle est la norme.

D.ieu de l'Exode

C'est la raison pour laquelle quand D.ieu Se révéla à Sinaï, Il proclama: "Je suis l'Eternel ton D.ieu qui t'ai fait sortir de la terre d'Egypte, de la maison de l'esclavage". N'aurait-il pas été plus approprié, demandent les commentateurs, que D.ieu Se présente comme Créateur des cieux et de la terre? Le fait que nous Lui devons notre existence-même n'est-il pas plus significatif que celui qu'Il nous sortit d'Egypte?

Mais D.ieu comme Créateur des cieux et de la terre, D.ieu comme Créateur de la natrure est le D.ieu qu'Israël partage avec le reste de la Création. Toutefois, à Sinai, D.ieu ne s'adressa pas à nous comme D.ieu de la Création mais comme D.ieu de l'Exode. A Sinaï, un nouveau chapitre s'ouvrit dans les relations entre le divin et l'humain puisque D.ieu et le peuple d'Israël s'engagèrent dans une relation miraculeuse, une relation qui ne reconnaît pas les dictats de la convention et de la normalité.

C'est pour cette raison que nos Sages vont jusqu'à questionner l'inclusion des premières 2448 années de l'histoire dans la Torah. Dans son commentaire du tout premier verset de la Torah, Rachi cite la question posée par Rabbi Yits'hak: Pourquoi la Torah commence-t-elle par " au commencement [D.ieu créa les ciel et la terre]'? Elle aurait dû commencer par " ce mois sera pour vous [la tête des mois]" qui est la première mitsvah enjointe à Israël.
Si la Torah est le document qui souligne notre mission comme peuple non astreint aux lois de la nature et de l'histoire, quel est l'intérêt des événements précédant l'Exode? Et quand bien même ils auraient une valeur historique et éducative, la Torah devrait-elle commencer par ces évènements?

Des références croisées

Et pourtant, la Torah ne commence pas par cette première mitsvah, ordonnée le premier Nissan, mais par la création du monde, le premier Tichri. Notre alliance avec D.ieu, bien qu'elle soit un produit de l'Exode et du caractère miraculeux de Nissan, prend ses racines dans le sol naturel de Tichri.

En fait, l'Exode lui-même commence également au mois de Tichri: le Talmud note que le processus de notre libération d'Egypte commença le premier Tichri, quand le travail forcé, imposé à nos ancêtres par les Egyptiens, s'interrompit six mois avant leur départ effectif d'Egypte.

Le contraire est également vrai: la création du monde naturel en Tichri tire ses origines du mois de Nissan. Nos Sages nous disent qu'alors que le monde physique fut créé en six jours qui culminèrent le premier Tichri, la " pensée" ou l'idée de la création fut créée six mois plus tôt (mois conceptuels, puisque le temps physique lui-même fit partie de la création), le premier Nissan.
En d'autres termes, les systèmes temporels naturel et miraculeux sont mutuellement liés, chacun servant de base à l'autre.
En tant que Juifs, nous suivons les deux cycles, progressant dans les deux mondes. D'une part, les événements les plus naturels de nos vies sont basés sur le miraculeux et sont imprégnés d'une vision transcendante. Par ailleurs, nos accomplissements les plus miraculeux sont accrochés à la réalité naturelle.
Car notre mission dans la vie ne peut aboutir que si nous habitons les deux mondes, que si nous appartenons au monde naturel et en même temps, nous élevons au-dessus pour transcender ses contraintes et ses limites.

Le paradoxe
Notre mission dans la vie est de transformer la nature même de la réalité; selon les mots du Midrach "construire un édifice pour D.ieu dans les mondes inférieurs". Cela, écrit Rabbi Chnéour Zalman dans son Tanya, est tout ce qui concerne l'homme; c'est le but de sa création, et de la création de tous les mondes: transformer la monde matériel, qui, de par sa nature, cache la face du Créateur, en un environnement réceptif à la vérité divine, en un lieu où la bonté et la perfection divines sont chez elles et constituent la réalité dominante.
Mais c'est ici que surgit le paradoxe, un cercle logique apparemment fermé: faisons-nous, nous-mêmes partie de ce "monde inférieur" que nous devons transformer, ou sommes-nous un peu au-dessus? Si nous en faisons partie, comment pouvons-nous le changer et l'élever? Comme le dit le Talmud: " un prisonnier ne peut se libérer lui-même de prison". D'un autre côté, si nous sommes, par essence, des êtres transcendants, existant au-delà des restrictions de la réalité naturelle, quelque effet que nous puissions alors exercer sur le monde ne peut être considéré comme " une demeure pour D.ieu dans les mondes inférieurs". Car le monde en soi n'a pas été transformé, il n'a qu'été dépassé par une force supérieure. Il aurait fallu qu'il change de l'intérieur.
Ainsi pour achever Son but dans la création: une résidence dans les mondes inférieurs, D.ieu créa le Juif, un hybride des réalités de Tichri et Nissan. Car c'est seulement en incorporant ces deux cycles temporels dans nos vies, en combinant une approche qui défie le naturel avec un mode d’action limité aux normes de la nature, que nous pouvons parvenir à la rédemption pour nous-mêmes et pour notre monde. Ce n'est qu'en tirant d'en haut pour changer de l'intérieur que nous pouvons faire de notre monde une résidence pour D.ieu.
Le Coin de la Halacha
Qu’appelle-t-on un “ malade en danger ” ?

Il est permis et même obligatoire de sauver un Juif malade en danger, même s’il faut pour cela transgresser le Chabbat. En effet, la Torah elle-même affirme : “ Vous accomplirez Mes commandements et vous vivrez par eux ”. La vie d’un malade en danger a donc préséance sur l’observance du Chabbat.
Est donc considéré “ malade en danger ” :
- celui à propos duquel le médecin affirme qu’il est en danger s’il ne mange pas
- celui qui affirme qu’il se sent en danger même si le médecin pense le contraire, en particulier s’il éprouve de fortes douleurs
- celui qui ne sait pas s’il est en danger ou non alors qu’aucun médecin n’est disponible, mais les gens autour de lui craignent qu’il ne soit en danger
- une femme enceinte qui ressent des contractions toutes les cinq minutes et qui habite près de la maternité
- une femme enceinte qui a des contractions plus espacées mais qui habite loin de la maternité
- un malade à qui le médecin a recommandé de se rendre à l’hôpital dès qu’il ressent tel ou tel symptôme
- un malade en phase terminale qui ressent une aggravation de son état.
Même si le malade refuse de transgresser Chabbat ou refuse qu’on transgresse Chabbat pour lui, on passera outre à sa volonté et on fera tout ce qui est nécessaire pour que son état s’améliore.
Pour un malade en phase terminale qui refuse d’être dépendant d’une aide respiratoire etc…, on demandera l’avis d’un Rav spécialisé dans ce domaine.
Si on peut attendre la fin du Chabbat ou la venue d’un non-Juif qui s’occuperait du malade, on attendra. Mais s’il y a même un risque que cette attente aggrave la situation, un Juif n’hésitera pas à transgresser Chabbat pour sauver un autre Juif.

F. L. (d’après Rav Dov Tvardovitz)
De Recit de la Semaine
MINORITAIRE MAIS TOUJOURS PRET (2)

Mikhail Ekshtut est sur le front. Et sa mère est inquiète.
Appelé en renfort pour la libération de l’Irak, Mikhail a eu un problème de conscience : toujours prêt à servir son pays, il hésitait cependant à dire à sa mère toute la vérité. Si elle savait où il se trouve actuellement, elle serait bien trop soucieuse. Alors il ne lui a pas dit toute la vérité. “ Elle pense que je suis en Turquie, ne lui dites pas que je suis en… ”
De fait, ce demi-mensonge n’est pas destiné qu’à sa mère. Pour des raisons évidentes de sécurité, il n’a pas le droit de révéler dans quel pays arabe il se trouve. Il explique néanmoins que son escadrille a fourni une couverture aérienne pour les troupes d’élite qui ont localisé et capturé Saddam Hussein hors de son trou en décembre dernier.
En tant qu’assistant des aumôniers, Mikhail (32 ans) a parfois l’occasion d’escorter ceux-là quand ils s’aventurent hors de leurs bases : à ce moment-là, il est toujours armé, on ne sait jamais.
Mikhail est un soldat sympathique, qui plastronne gentiment, le sourire aux lèvres. “ C’est vrai qu’il y a des incidents ici ou là, mais le danger n’est pas immédiat, la vie à la base est relativement sûre et parfois même, joyeuse. A ‘Hanouccah, par exemple, j’ai pu faire participer aux traditions de la fête toute mon unité. J’avais reçu un colis de l’Institut Aleph, une organisation Loubavitch de Miami qui s’occupe des prisonniers, des soldats etc… Il y avait des Ménorah, des bougies, des toupies et des guides pour la fête. Tant de bonnes choses mais je n’avais qu’un tout petit nombre de soldats juifs autour de moi. Alors j’en ai distribué un peu aux autres, et même au commandant. Après le briefing quotidien, il a sorti sa toupie et s’est mis à jouer avec les soldats ! Je me suis donc levé et j’ai expliqué l’histoire de ‘Hanouccah, le message de la lumière qui parvient toujours à vaincre l’obscurité, la nécessité d’augmenter chaque jour les bonnes actions : un message qui passe bien en ce moment ! ”
Même s’il n’a pas de Juifs autour de lui, Mikhail a de quoi faire. L’aumônier est un Episcopalien et, ensemble, ils sont au service de tous les soldats, quelle que soit leur religion. “ En enseignant aux non-Juifs le judaïsme, je veux être exemplaire, sanctifier par ma conduite le Nom de D.ieu dans le monde, enseigner les sept lois des Enfants de Noé, ce qui forme la base d’une morale universelle.
“ Pour aider mes camarades juifs, je me suis fait envoyer une paire de Téfilines supplémentaires. Moi-même j’avais voyagé avec une compagnie aérienne régulière, mais mes bagages avaient été perdus. Ils arrivèrent quelques jours plus tard, mais le capitaine qui m’accueillit à l’aéroport avait une mauvaise nouvelle pour moi : “ Les douaniers ont confisqué tous tes trucs religieux. Ils ont trouvé quatre bouteilles de vin, ce qu’il est strictement interdit d’importer en pays musulman, et ces boîtes noires avec les lanières ainsi que des petits livres noirs. Je ne savais pas à quoi servaient ces petites boîtes alors je leur ai dit que c’était des vases pour de l’encens ou quelque chose comme ça… ”
“ Le vin était cachère, nécessaire pour le Kiddouch de Chabbat mais, à la rigueur, je pouvais m’en passer et faire Kiddouch sur le pain. Les petits livres noirs étaient des éditions militaires des prières quotidiennes : je possédais mon propre livre de prières et ces livres étaient destinés à d’autres soldats juifs éventuels. Mais les Téfilines étaient l’objet essentiel. Finalement un douanier nous a tout rendu, sauf le vin. Les Téfilines avaient été remis dans un sac “ Duty Free ” de l’aéroport, avec des publicités en arabe. Ils étaient complètement déroulés, ressemblaient à des spaghettis noirs en désordre mais, sinon, ils étaient encore parfaitement cachères.
“ Quand on est loin de la maison, dit Mikhail , c’est là qu’on comprend la valeur des Mitsvots comme les Téfilines : en dehors de chez soi, ce n’est pas toujours facile à accomplir !
“ Garder Chabbat n’est pas évident car dans une situation de combat, les gens ont du mal à admettre que quelqu’un ne travaille pas durant 25 heures d’affilée. J’essaie de ne pas allumer de lumière, de ne pas toucher un stylo ou un fusil. Pour le moment, D.ieu merci, j’ai réussi à respecter Chabbat scrupuleusement.
“ Manger cachère est encore un autre problème. On me fournit des barquettes M.R.E., prêtes à être dégustées. Mais ceux qui en ont goûté savent que ce n’est vraiment pas appétissant. Alors je fais très attention : j’ai emporté des réserves de thon en boîte et j’ai trouvé des chips cachères dans les cuisines. Souvent je me contente d’œufs et de salades ”.
Malgré ces difficultés, Mikhail affirme qu’il est fier et heureux de remplir ses obligations militaires dans l’Armée américaine. Après tout, qui refuserait de défendre son pays quand le seul problème éthique qu’affronte un soldat pratiquant est : les gaufrettes, sont-elles cachères ?

David Klinghoffer (Forward)
traduit par Feiga Lubecki