Samedi, 1er septembre 2018

  • Ki Tavo
Editorial

 Vivants !

La grandeur et l’urgence du mois d’Elloul sont connues. On le sait : il n’est pas simplement le dernier mois du calendrier juif, comme le point final d’un voyage au fil du temps. Il est ce temps particulier qui nous introduit à l’année nouvelle qui approche. Il est ce moment où chacun de nos actes pèse d’une manière plus essentielle qu’à l’accoutumée. C’est dire que le service de D.ieu doit y être différent. Certes, pour la pensée juive, et surtout pour la vie juive, un tel effort spirituel est constant par nature. Certes, il ne peut être cantonné à une période donnée, même celle que nous vivons. Cependant, aujourd’hui il conditionne de façon si évidente toute l’année qui va suivre qu’il faut y attacher une attention et un investissement personnel renouvelés.

Dans un tel contexte, comment définir ce qui doit être accompli ? Cela tient sans doute en une idée : il faut être vivant. Et l’enjeu est fort. De fait, il est possible de croire avoir tout fait, tout accompli alors que ses actes ont un manque majeur. Il est possible de penser que l’attention portée à sa pratique des commandements répond à toutes les attentes alors même qu’elle n’est pas encore animée de la vitalité qui donne véritablement existence. Si le mot d’ordre du mois d’Elloul est le retour à D.ieu, celui-ci doit être accompagné d’un sentiment de vie profonde, qui transforme et anime tout ce qu’il touche. Reste à savoir où trouver une telle force ?

Cette semaine tombe le 18 Elloul, en hébreu ‘Haï Elloul ou « Elloul vivant ». Et cette dénomination n’est ni le fait du hasard ni un jeu de mots habile. Le 18 Elloul, anniversaire de la naissance du Baal Chem Tov puis de Rabbi Chnéor Zalman de Lyadi, l’auteur du Tanya, incarne cette vie nécessaire. Il l’introduit dans le service de D.ieu de la période. Enoncé ainsi, on comprend qu’il s’agit d’une sorte de donnée de fait. Pourtant, là encore, l’individu est au centre de tout. Même si cette vie est offerte par ce jour, il faut que chacun s’en saisisse. L’étude enthousiaste, la pratique chaleureuse des commandements, la réflexion qui conduit à l’action sont autant de chantiers qu’il appartient à chacun de mener. Un vent nouveau s’est mis à souffler sur le monde, celui d’Elloul. Ce vent-là nous entraîne bien plus loin et plus haut que nous l’imaginons. Le 18 Elloul apporte sa vie dans notre cœur. Entreprenons le voyage qui s’ouvre : par notre action, ce sera une année merveilleuse.

Etincelles de Machiah

 La Techouva par choix

Maïmonide enseigne : «La Torah a promis que finalement le peuple juif fera Techouva à la fin de son exil et il sera immédiatement libéré.» (Michné Torah, Hile’hot Techouva 7:5).

A la lecture de cet enseignement, il apparaît que le peuple juif fera Techouva de sa propre initiative, sans que D.ieu l’y ait contraint. Ainsi ce sera vraiment sa Techouva qui amènera la Délivrance. Pourquoi Maïmonide choisit-il cette approche ?

Dans les deux chapitres qui précèdent dans le Michné Torah, Maïmonide a abondamment souligné l’idée du libre arbitre. Puis il commence celui où se trouve la citation ci-dessus par les mots : «Puisque tout homme en a reçu la permission… il doit entreprendre de faire Techouva…» Il veut dire ainsi que l’homme doit s’efforcer à une Techouva sincère, qui procède de sa libre volonté et non d’une quelconque forme de coercition. Après avoir posé ce principe, Maïmonide poursuit : «finalement le peuple juif fera Techouva» : son retour à D.ieu sera décidément le résultat d’un libre choix.

(D’après Likoutei Si’hot, vol. XXVII, p. 215)

Vivre avec la Paracha

 Ki Tavo

Moché instruit les Enfants d’Israël d’apporter au Saint Temple, une fois qu’ils se seront installés en Israël, les Bikourim, prémices des fruits, pour déclarer ainsi leur gratitude à l’égard de D.ieu.

On lit également les lois de la dîme donnée aux Lévites et aux pauvres.

Moché rappelle au peuple qu’il est « le Peuple Élu » de D.ieu et que lui a choisi D.ieu.

Après avoir énoncé les bénédictions que D.ieu enverra au peuple quand ils suivront les lois de la Torah, la dernière partie de la Paracha consiste en une To’ha’ha (« Réprimande »), le récit de ce qui arriverait si les Juifs en venaient à abandonner les Commandements.

En conclusion, Moché déclare que maintenant seulement, après quarante ans depuis leur naissance en tant que peuple, les Juifs ont atteint « un cœur pour savoir, des yeux pour voir et des oreilles pour entendre ».

‘Haï Eloul, le 18 Elloul, tombe cette année la semaine de la Paracha Ki Tavo. En ce jour, naquirent « deux grands luminaires » : le Baal Chem Tov, en 5458 (1698) et Rabbi Chnéor Zalman, en 5505 (1734).

Au vu du dicton de la Michna des Pirké Avot qui affirme que « l’action pratique est le principal », nous devons tenter d’étudier quelque chose concernant ces deux luminaires qui nous affectera dans notre vie quotidienne.

Dans le domaine de l’action, se trouvent différents niveaux. Alors qu’un Juif simple est requis de directement interagir avec le monde matériel, les dirigeants et les érudits s’occupent principalement de l’étude de la Torah. Leurs actions consistent à « appliquer la théorie à la pratique de la loi ». Ils entrent dans la catégorie d’ « Issa’har », la tribu qui étudiait la Torah, alors que le reste des Juifs fait partie de « Zevouloune », la tribu dont l’occupation était le commerce et qui subvenait aux besoins matériels d’Issa’har. Pour eux, il s’agit d’élever le monde matériel et de le transformer en un sanctuaire dans lequel D.ieu peut résider.

Bien qu’en pratique, l’action d’Issa’har soit différente de celle de Zevouloune, ils partagent un point commun : l’action est l’essentiel. Il est donc clair que, quelle que soit la catégorie à laquelle nous appartenons, il nous faut trouver un moyen d’appliquer les leçons de ‘Haï Elloul dans l’action concrète. Ce n’est qu’alors que nous accomplissons notre mission, dans l’esprit de ce jour.

Mais alors une question se pose : comment faire dans un monde si matérialiste ? L’on nous dit que ‘Haï Elloul célèbre la naissance de deux grands luminaires. Cette expression est tirée du ‘Houmach dans sa description du soleil et de la lune (avant que ne soit affaiblie la lumière de la lune).

Cela nous rappelle le jour où naquit Moché Rabénou pour lequel la Torah dit que la « maison était remplie de lumière » (Rachi, Chemot 2 :2). L’anniversaire de Rabbi Chnéor Zalman est également le moment où, selon les paroles mêmes du Baal Chem Tov, une « âme nouvelle » descendit pour illuminer le monde.

En s’appuyant sur ce qui précède, il semble difficile de comprendre comment un événement si sublime que la naissance de ces deux grands luminaires puisse affecter les actes d’un Juif simple, ordinaire !

Cependant, la vérité est que la naissance de deux êtres qui furent vitaux dans leur génération respective, ainsi que dans les suivantes, doit produire un effet dans le domaine essentiel de nos entreprises, celui de l’action. Plus encore, pour obtenir cet effet, nul n’est besoin de s’approfondir sur les aspects ésotériques de ‘Haï Elloul. Cela contreviendrait aux enseignements du Baal Chem Tov et à ceux de ses successeurs. Ils désiraient tous que chaque aspect de la Torah serve de leçon pour « les coupeurs de bois et les puiseurs d’eau » tout autant que pour « les têtes des tribus ».

Puisque chacun est connu par son nom, une leçon essentielle peut être saisie par tous à partir de leur nom.

Commençons par le Baal Chem Tov dont le nom était Israël. Le sens de son nom est établi dans le ‘Houmach (Beréchit 32 : 29) : « Et il dit, ton nom ne sera plus appelé Yaakov mais Israël, car tu as combattu avec Elokim et avec les hommes et tu l’as emporté ».

Ce verset se prête à de nombreuses interprétations. Le sens simple en est : tu as combattu avec les anges (souvent appelés « Elokim ») et avec Essav et Lavan (« les hommes ») et tu l’as emporté. Le mot « combattu », « Sarita », indique que le combattant possède une certaine supériorité même avant que la bataille ne soit gagnée. Il faut souligner ici deux points : tout d’abord, il part au combat avec un sentiment de supériorité. Cela est un accomplissement remarquable puisqu’il n’est même pas sûr de sa victoire. De plus, il gagne effectivement contre l’ennemi. Quand l’on part en guerre, confiant dans une victoire possible, il est évident que l’on se bat avec un état d’esprit et un enthousiasme différents. Cette idée est exprimée dans le verset suivant : « Quand tu pars en guerre sur tes ennemis et que l’Eternel ton D.ieu les livreras entre tes mains » (Devarim 21 :10). La Torah utilise le mot « sur », « al », et non « avec » ou « contre » tes ennemis. Quand un juif part en bataille, et qu’il est confiant qu’il est sur son ennemi, il est alors assuré que « D.ieu les livrera entre tes mains ».

Tous ces enseignements découlent du nom Israël. Le nom est quelque chose qui n’est donné qu’à une âme, dans ce monde. Le nom du Baal Chem Tov doit donc avoir un effet sur chaque Juif dans le plus matériel des mondes. Le Baal Chem Tov était notre dirigeant et notre berger, donc lié à chaque Juif. Mais il n’est pas seulement un berger qui garde maintenant son troupeau d’En Haut. Tout comme Moché, explique Rabbi Chnéor Zalman dans le Tanya, il se trouve en chacun de nous. Il s’agit de cet élément d’« Israël », dans notre for intérieur, qui nous permet de mener le combats et d’en sortir victorieux.

Cette leçon s’applique à chacun, depuis « les têtes des tribus » jusqu’à ceux, insiste le Rabbi précédent, pour lesquels le nom Israël est de moindre importance. Nous tous devons, et particulièrement maintenant, à l’époque de ‘Haï Elloul, partir en bataille contre le mauvais penchant. Nous ne devons pas nous décourager mais nous sentir supérieurs à nos ennemis car nous serons « sur » eux. Nous serons victorieux et l’ennemi lui-même louera D.ieu, tout comme l’ange qui combattit Yaakov et lui attribua lui-même le nom d’Israël.

Attardons-nous maintenant sur Rabbi Chnéor Zalman. Il possédait donc deux noms : Chnéor et Zalman. Le premier est en langue sainte alors que le second est en yiddich. Les deux forment un nom si bien qu’une leçon peut être tirée des deux.

Parlons de « Chnéor ». Ce nom se compose de Chné qui signifie « deux » et Or, « lumière ». Chnéor veut dire « deux lumières ».

La lumière ne crée rien mais elle révèle ce qui existe. Dans une pièce obscure, remplie de meubles, l’on risque de trébucher. Mais avec de la lumière, tout s’illumine et il n’y a plus aucun risque. Rien n’a changé mais l’ameublement est aisément visible. Un tout jeune enfant comprend très tôt qu’il faut faire très attention dans une pièce obscure.

Cette analogie convient à Rabbi Chnéor Zalman. Il illumina ce qui était déjà là : les enseignements du Baal Chem Tov.

Il est possible de se comporter en accord avec tous les enseignements du Baal Chem Tov. Mais cette conduite peut ne pas être « pleine de lumière », sans enthousiasme. Cela s’appelle le Kabalat Ol, « la soumission au joug divin » mais cela manque du sentiment d’accomplissement.

Il est sûr que c’est un service très louable. Mais Chné Or, « deux lumières » nous enseigne que notre service de D.ieu doit être lumineux. Pour ce faire, il nous faut y investir toutes nos facultés et pas seulement le Kabalat Ol. Il nous faut vivre l’accomplissement des Mitsvot à la fois intellectuellement et émotionnellement, avec tout notre être.

La contribution de Rabbi Chnéor Zalman se manifeste dans nos relations avec les autres Juifs. Le Baal Chem Tov mit l’accent sur la Mitsva de ressentir un profond amour pour son prochain juif. Il enseigna que l’on doit même aimer celui qui vit à l’autre bout du monde. Il donna comme exemple de rendre service dès que l’occasion s’en présente.

Rabbi Chnéor Zalman ajouta l’idée suivante : lorsque l’on veut donner de la Tsédaka, l’on n’utilise que nos doigts. Pour y investir tout notre être, il faut le faire avec « une attitude joyeuse » et en réconfortant la personne que l’on aide. Ainsi, toutes nos facultés sont-elles illuminées par la Mitsva qui « brille de tous ses éclats ». Et l’on ressent alors que l’on a accompli cette Mitsva pour nous-mêmes et pour le monde en général. Cette démarche peut s’appliquer à toutes les Mitsvot.

Rabbi Chnéor Zalman offrait lui-même le meilleur exemple. Il avait l’habitude de se rendre dans les villes avoisinantes dans le seul but de faire surgir l’amour fraternel entre les Juifs.

La leçon que nous offrent ces deux grand luminaires est donc simple : un juif doit toujours s’imprégner de l’élément d’ « Israël », nullement impressionné par les obstacles et il doit s’illuminer lui-même ainsi que tous ceux qui l’entourent de la lumière et de la chaleur de la Torah.

Le Coin de la Halacha

 Qu’est-ce que les Seli’hot ?

Les Seli’hot sont des prières de supplications qui rappellent les besoins de l’homme mais aussi sa petitesse et ses faiblesses. En récitant les Seli’hot, le Juif procède à une introspection approfondie qui lui permet d’aborder la nouvelle année avec la crainte, l’humilité mais aussi l’assurance et la joie requises.

Dans les communautés ashkénazes et ‘hassidiques, on commence à réciter les Seli’hot à partir du samedi soir précédant (d’au moins quatre jours) la fête de Roch Hachana : cette année samedi soir 1er septembre 2018 vers 1h 30. Puis on dit les Seli’hot, à partir du lundi 3 septembre jusqu’au dimanche 9 septembre, avant la prière du matin. On aura au préalable récité les « bénédictions du matin » ainsi que les bénédictions de la Torah.

Si possible, on reste debout pendant les Seli’hot, au moins lorsqu’on prononce les « Treize Attributs de Miséricorde » et le « Vidouy » (confession des fautes). Celui qui ne prie pas avec un Minyane (dix hommes) ne prononce ni les « Treize Attributs » ni les prières en araméen.

L’officiant s’enveloppe d’un « Talit » (châle de prière). S’il fait encore nuit, il ne prononcera pas la bénédiction : il serait alors préférable qu’il emprunte un Talit à un ami ou à la synagogue.

L’endeuillé (durant les sept premiers jours) ne sort pas de chez lui et ne peut donc aller à la synagogue pour les Seli’hot, excepté la veille de Roch Hachana (dimanche 9 septembre) où les Seli’hot sont particulièrement longues.

Le Recit de la Semaine

 Poulets congelés, âme ardente…

Il nous arrive parfois des contretemps, grands ou petits, et nous oublions alors qu’il existe dans le monde un Surveillant qui enchaîne les circonstances. Il n’y a pas d’accident, il n’y a pas d’erreur, tout est prévu avec précision depuis les Six Jours de la Création. Et ce que D.ieu a prévu sera accompli par Ses émissaires fidèles, que ce soit des êtres humains, des animaux, des plantes, des minéraux ou même des animaux devenus objets.

Parfois on mérite de voir la Main de D.ieu tout de suite – comme cela nous est arrivé.

Nous sommes les émissaires du Rabbi dans l’ouest de la Sibérie, à Tioumen exactement. La cacherout y est encore un peu compliquée et nous recevons la viande cachère et des poulets de nos « voisins » les plus proches : de Rav Zelig Ashkenazi de Iekaterinbourg (cinq heures de route) ou de Rav Meir Kirsh de Tcheliabinsk (six heures de route). Nous avions donc commandé des poulets cachères depuis Tcheliabinsk, pour nous et encore une autre famille qui commençait à manger cachère. Pas grand-chose : juste quelques dizaines de poulets qu’un des employés de la communauté chargea dans la soute d’un autocar qui roule durant douze heures, de Tcheliabinsk à Tobolsk en passant par notre ville Tioumen. Il nous informa de l’heure exacte du passage du car. Pas besoin de congeler les poulets, pas besoin de contrôler la chaîne du froid, pas besoin de glacière vu le froid polaire (jusqu’à moins quarante…) qui règne dans cette région…

Quand nous sommes arrivés à la gare routière, il s’avéra qu’il y avait un petit problème : le car était déjà reparti, depuis une heure et demie – avec nos poulets ! Bien entendu, nous avons fulminé : pourquoi n’avons-nous pas vérifié nous-mêmes l’heure exacte… Mais surtout, comment ramener nos poulets à la maison ?

La ville de Tobolsk vers laquelle se dirigeaient maintenant nos poulets n’est pas très grande, 100.000 habitants tout au plus. Dans le temps, elle était considérée comme la capitale de la Sibérie, avec une communauté juive importante : la plupart des fidèles étaient des « exilés », envoyés au loin par le Tsar d’abord puis par les autorités communistes ensuite pour leur activisme religieux. Ils n’avaient même pas le droit de communiquer avec leurs familles restées à Moscou et aucune inscription ne figure sur leurs pierres tombales. Au fil des ans, les synagogues avaient été détruites et il ne restait plus que quelques Juifs isolés.

Nous avons essayé de localiser quelqu’un qui pourrait récupérer nos pauvres poulets, par l’intermédiaire de l’Agence Juive, mais nul ne répondait – comme pour nous narguer ! Il ne restait plus qu’une demi-heure avant que les poulets n’arrivent et, enfin, quelqu’un décrocha le téléphone : c’était Volodia. Je me suis présenté et lui ai raconté les dernières péripéties. Sans attendre, bien qu’il fût en plein milieu d’une réception et qu’il ne nous connaisse pas, ce Juif laissa tout tomber et se précipita à la gare routière pour y rencontrer juste à temps nos braves petits poulets.

Du coup, nous avons bavardé au téléphone : il me raconta qu’il était l’un des derniers Juifs de la ville. Nous avons convenu que je passerai reprendre les précieux volatiles le lendemain, après trois heures de route. De fait, cela faisait déjà un certain temps que j’aurais voulu me rendre dans cette ville pour y constater l’état d’une éventuelle communauté juive : l’occasion était trouvée !

Nous sommes arrivés à Tobolsk à huit heures le vendredi matin. Volodia vint à notre rencontre. C’est un bon Juif, la cinquantaine, avec très peu de connaissances du judaïsme. Autour d’un verre de thé noir, il nous a raconté sa vie, sa ville, les Juifs qui y habitent encore, sa regrettée mère qui s’appelait ‘Hanna bat Mendel : elle-même était déjà née dans cette ville quand son père y avait été exilé à l’époque du Tsar. Nous avons cloué une Mezouza à la porte de sa maison et, pour la première fois de sa vie, il a mis les Téfilines alors qu’il serrait contre lui le seul souvenir d’un passé glorieux : un livre de Vayikra (Lévitique) qui avait été publié à Vilna en 1872 et que lui avait légué sa mère, souvenir de son père dont la tombe elle aussi ne portait aucune inscription.

Il répéta après moi les mots de la prière sans trop les comprendre : « Chema Israël, Écoute Israël, l’Éternel est notre D.ieu, l’Éternel est Un ». On sentait que son âme assoiffée revivait dans cette rencontre fortuite et il ne cacha pas ses larmes d’émotion quand nous avons dû le quitter et reprendre la route, non sans avoir échangé adresses et numéros de téléphone.

Oui, ces poulets oubliés n’avaient pas vraiment raté leur destination… Rien n’est jamais perdu…

Volodia nous a rendu visite à Pourim puis à Pessa’h, trois heures de route dans la neige et le froid sibériens…

Il s’avère que ces poulets congelés continuent de vivre et d’agir pour le bien…

Nos Sages enseignent que la leçon de Pessa’h Cheni (le second Pessa’h) est que rien n’est jamais perdu, que chaque Juif reviendra un jour ou l’autre dans le chemin de la Torah. Sous l’influence et grâce à la compétence du Mohel, Rav Morde’haï Tsvi Salomon, Volodia a demandé à se faire circoncire. La formidable Providence Divine qui lui avait envoyé des poulets perdus l’avait convaincu à son âge de franchir ce pas important.

Le grand-père de Volodia s’appelait Mendel. Nous lui avons expliqué qu’un autre grand-père Mendel, le Rabbi de Loubavitch avait veillé sur lui et lui avait envoyé des Chlou’him, des émissaires jusqu’en Sibérie pour le faire entrer dans l’alliance d’Avraham notre père. Et donc Volodia a choisi dorénavant le prénom Mendel, d’après son grand-père juif, un grand-père dont il se souvenait bien et il y ajouta le prénom complet du Rabbi : il s’appelle donc maintenant Mena’hem Mendel fils de ‘Hanna…

Rav Yerachmiel Gorelik – Chatz Lelo Minyane

Traduit par Feiga Lubecki