Samedi, 11 novembre 2017

  • Hayé Sarah
Editorial

 Sereinement…

Lorsque le monde tremble, que les peuples et les nations s’affrontent, lorsque les idées qu’on tenait pour acquises sont remises en cause de manière radicale, parfois un sentiment de lassitude émerge. Il est vrai que le peuple juif a traversé bien des tourmentes, qu’il a été le témoin, et aussi la victime, de bien des bouleversements et, pour cette raison, un tel sentiment peut être explicable. Pourtant, chacun sait qu’il est bien vain et que, au-delà des futiles agitations, il faut poursuivre son chemin.

Lorsque le paysan laboure sa terre, il jette parfois un regard inquiet vers les nuages qui assombrissent le ciel. Parfois aussi, il ne sait pas quel caprice des hommes il devra affronter. Cependant, avec entêtement, il trace son sillon. L’observateur le regardant à son travail pensera peut-être que cet homme est inconscient des dangers qui le menacent ou que sa sérénité n’est qu’apparente. Il commettrait ainsi une erreur. Le laboureur sait que sa réussite finale ne dépend que de lui et il poursuit son chemin. Il ne s’arrêtera qu’à la fin de son travail, aussi long qu’il soit, autant de patience qu’il demande. D’où tire-t-il cette force insurmontable ? Comment ne se laisse-t-il pas arrêter par les multiples obstacles ? Parce qu’il sait où il va et comprend le sens de ses actions. N’est-ce pas ainsi que le monde avance ?

De la même manière, le peuple juif poursuit son chemin. Les menaces peuvent paraître nombreuses, d’ordre matériel ou spirituel, il n’en continue pas moins son œuvre de Torah et de Mitsvot. Son sillon est droit et sa terre fertile. Il sait qu’il fera lever les plus belles moissons. Il sait aussi qu’elles seront le fruit de son effort constant. Et cela ne le désespère pas. Bien au contraire, il assume l’enjeu et tout ce qu’il implique. C’est avec une sérénité profonde qu’il persévère car il est conscient que, de son obstination, dépend aussi l’avenir.

Décidément, le peuple juif est bien cet éternel optimiste qui comprend qu’être conscient de ce que l’on fait, et y croire, est la clé de bien des merveilles : un peuple qui croit dans ses rêves et assiste toujours à leur réalisation.

Etincelles de Machiah

 Machia’h en chacun

La capacité de Machia’h à délivrer tout le Peuple juif vient du fait qu’il possède un lien avec le peuple tout entier c’est-à-dire qu’il existe une partie de lui en chaque Juif.

C’est ainsi qu’il faut comprendre la déclaration de Moïse (Bamidmar 11 : 21) : « Le peuple au sein duquel je suis est constitué de six cent mille hommes ». Il signifie, par ces mots, qu’une parcelle de lui-même se trouve littéralement dans chacun des individus concernés.

C’est grâce à cela qu’il put tous les libérer d’Egypte.

(d’après un commentaire du Rabbi de Loubavitch, Pessa’h 5743)

Vivre avec la Paracha

 ‘Hayé Sarah

Sarah meurt à 127 ans. Elle est enterrée dans la Grotte de Ma’hpélah qu’Avraham a acquise pour quatre cents chékèls d’argent auprès d’Efrone le ‘Hittite.

Avraham envoie son serviteur Eliézer, chargé de cadeaux, à ‘Harane, pour y trouver une épouse pour son fils Its’hak.

Eliézer demande à D.ieu un signe qui lui permettra d’identifier la bonne épouse.

Quand apparaît Rivka, la fille du neveu d’Avraham, Bethouel, elle s’avére correspondre à ce qu’attendait Eliézer. Convié dans sa famille, il relate les événements du jour et Rivka repart avec lui en Canaan où ils rencontrent Its’hak en train de prier dans les champs. Ils se marient et Its’hak se trouve réconforté de la disparition de sa mère.

Avraham épouse Ketoura (Hagar), a six autres fils. Mais Its’hak reste son seul héritier. Il meurt à 175 ans et est enseveli à côté de Sarah par ses deux fils aînés : Its’hak et Ichmaël.

Pourquoi sommes-nous là ? Que cherchons-nous à atteindre ?

Et puis, qu’y a-t-il de particulier à propos d’Avraham Avinou, qu’apporta-t-il de nouveau dans le monde et dans sa relation avec D.ieu ?

Il est sûr que bien avant lui, et même à son époque, existaient des monothéistes, des gens convaincus de l’unicité de D.ieu. Adam et Noa’h, Malkitsédèk, prêtre de D.ieu auquel Avraham avait donné la dîme.

En quoi Avraham se distinguait donc-t-il et en quoi était-il si spécial ?

La Paracha de cette semaine nous décrit avec une réelle abondance de détails une transaction financière entre Avraham et Efrone pour l’achat d’une partie de terre, la première partie de la Terre Sainte, de la terre d’Israël. Il s’agit de la grotte de Ma’hpélah, le lieu de sépulture dans lequel il allait enterrer Sarah et où il reposerait lui-même par la suite ainsi que ses enfants et ses petits-enfants.  

Pourquoi la Torah, que l’on sait économe de mots, s’étend-elle avec tant de détails pour décrire une simple transaction commerciale ? Le verset 17 de la Paracha énonce : « le champ d’Efrone s’éleva ». Cela signifie que la simple transaction d’Avraham pour acheter ce champ suscita une élévation du champ, le transforma, en fit quelque chose de saint, de spécial. Il n’y avait même pas encore enseveli Sarah mais le fait que ce lieu appartienne à Avraham en fit un lieu très spécial.  

Et c’est cela qu’il nous revient de faire dans ce monde : dévoiler la Divinité qui réside dans la matérialité. C’est cela qui distingue Avraham et le but de la présence ici bas de chaque enfant d’Israël : élever le matériel et ainsi le transformer en spirituel.

La Paracha ‘Hayé Sarah relate également avec force détails la recherche d’une épouse pour Its’hak. Avraham envoya son serviteur Eliézer pour trouver cette future épouse. La Torah raconte qu’Eliézer adressa à D.ieu une prière et une requête précise. Il demanda qu’un signe lui soit montré des Cieux pour lui indiquer s’il avait trouvé la jeune-fille adéquate ou non. Il allait demander à la jeune-fille de lui donner à boire pour étancher sa soif. Et si elle abreuvait également ses chameaux, ce serait alors le signe qu’elle était destinée à Its’hak. La Torah poursuit en relatant que dès qu’il eut fini de prononcer ces mots, Rivka apparut et tout comme il l’avait indiqué, non seulement lui proposa-t-elle à boire mais elle abreuva également tous ses chameaux. Eliézer sut alors, de façon certaine, qu’elle était celle que D.ieu avait choisie pour être l’épouse d’Its’hak.

Bien que ce qui précède indique qu’Eliézer demanda un signe pour pouvoir reconnaître la personne adéquate, tout ce que note la Torah est significatif et donc le choix précis de ce signe l’est également.

Au niveau le plus simple, l’on peut dire qu’Eliézer voulait déterminer si Rivka était une personne généreuse. Et le fait qu’elle donna également à boire à ses chameaux en attesta.

A un niveau plus profond, la philosophie ‘hassidique explique que par ce signe s’exprime la différence entre la sainteté et le contraire de la sainteté.

Que représente l’idée de la sainteté au niveau céleste ?

La sainteté se retrouve dans le concept de la Création. Le monde a été originellement créé, ex nihilo, à partir de rien, et son existence est continuellement maintenue. Et en soi cela constitue un acte créateur, un acte de partage de la part de D.ieu.

Il en va de même chez l’individu, ici-bas, dans ce monde matériel. Comment discerner si une personne est sainte ? C’est lorsqu’elle est altruiste, qu’elle ne se contente pas de garder ce qu’elle possède pour elle-même, dans le sens matériel, c’est-à-dire en ce qui concerne ses possessions, mais également dans le sens spirituel, dans ce qui est relatif à son savoir, ce qu’elle transmet aux autres.

La « non sainteté » spirituelle est exactement l’inverse : c’est le fait de garder tout ce que l’on possède et de retenir toute possibilité d’exercer une bonne influence. Cela revient à empêcher ou à minimiser l’acte créateur.

Il en va de même dans le sens matériel : tenter d’interrompre la source de vie, la vitalité, le don d’argent ou le partage des connaissances sont des actes qui prennent leur source dans le contraire de la sainteté.

Dans le Tanya, Rabbi Chnéor Zalman explique que le niveau spirituel le plus bas possible est celui qui ne fait que recevoir et ne donne rien. Et le Rabbi de mentionner certains insectes qui ne font qu’ingérer et ne produisent rien à l’extérieur, symbolisant ici le plus bas niveau de la non-sainteté.

Telle est donc la raison du choix du signe que fit Eliézer. Il savait que bon nombre de gens, dans l’environnement où évoluait Rivka, n’étaient pas particulièrement saints. Cela se confirme dans les paroles de nos Sages qui affirment que trouver Rivka dans un tel lieu était comparable à trouver « une rose parmi les épines ».

Il voulait donc être assuré que la jeune fille qu’il trouverait pour Its’hak serait complètement imprégnée de sainteté, que toute son existence serait marquée par le fait de donner, ce qui symbolise la sainteté en général. Il choisit donc ce signe en particulier : non seulement elle allait lui donner à lui, parce qu’il l’avait demandé, mais elle allait donner chaque fois que cela lui serait possible, même sans en avoir été sollicitée, ce qui est attesté par le fait qu’elle abreuva les chameaux alors que cela demandait un effort physique difficile. Elle voulait donner, était prête à le faire, sans même qu’on le lui demande ou en être obligée.

C’était donc la femme parfaite pour Its’hak, celle qui allait être la mère de Yaakov et donc la Matriarche du Peuple juif tout entier.

Le Coin de la Halacha

 L’allumage des bougies de Chabbat : qui, quand, comment ?

- Il est très important d’allumer les bougies le vendredi avant l’heure indiquée dans le calendrier. Si on est en retard, il vaut mieux ne pas allumer !

- On a l’usage de glisser quelques pièces dans la boîte de Tsedaka (charité) avant d’allumer les bougies.

- La petite fille allume sa bougie avant sa maman afin que celle-ci puisse surveiller qu’elle ne se brûle pas avec les allumettes.

- Les bougies doivent durer au moins une heure et demi (une demi-heure dans la nuit).

- Une femme mariée (ou qui a été mariée) allume deux bougies.

- Certaines femmes ont la coutume d’allumer des bougies supplémentaires selon le nombre de leurs enfants.

- Après avoir allumé (sa ou) ses bougies, elle tourne les mains trois fois autour des bougies puis couvre son visage de ses mains et prononce la bénédiction :

Barou’h Ata Ado-naï Élo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Chabbat Kodèch.

Béni sois-Tu Éternel notre D.ieu, Roi du monde, qui nous as sanctifiés par Ses commandements et nous as ordonné d’allumer les bougies du saint Chabbat.

- Il est recommandé de profiter de cet instant si spécial pour prier pour tous ses besoins – matériels et spirituels – ainsi que ceux de tout le peuple juif et surtout pour la venue rapide de notre juste Machia’h.

- Quand une fille ou une femme allume (sa ou) ses bougies, elle ajoute une lumière et donc une influence positive dans le monde et augmente la protection divine sur le peuple juif.

(d’après le Kitsour Choul’hane Arou’h)

Le Recit de la Semaine

 Ma bougie

« Chut, attention les enfants ! Fermez bien les volets et venez, allumons les bougies de Chabbat ! ».

C’était ainsi que nombre d’enfants juifs étaient élevés en Union Soviétique dans les années 50 et 60. Aucune explication sur leur héritage juif, les fêtes, les prières, les actes rituels… Moins ils en savaient, moins ils risquaient de trahir leurs parents qui persistaient à maintenir leurs traditions religieuses.

Vendredi soir, en été 1979 : les flammes de 200 petites bougies tremblotent fièrement dans une colonie de vacances Camp Emounah près de New York. Elles brillent du même éclat que les yeux des petites filles qui les avaient allumées. Laura avait quitté la Russie six mois plus tôt, avait rejoint les États-Unis mais n’avait aucune amie, ne parlait même pas la langue. Grâce à la gentillesse d’un rabbin, elle avait été admise dans cette colonie, avait appris aussi bien l’anglais que l’hébreu et, surtout, s’était fait de nouvelles camarades. En particulier sa monitrice, Yona qui s’occupait d’elle, lui expliquait le judaïsme, l’encourageait et la stimulait.

Durant la colonie, Laura participa à un concours et écrivit une rédaction à propos de son expérience du vendredi soir. Comme celles d’autres petites filles, elle fut publiée dans un petit livre intitulé « Ma propre bougie ». Ce livre, c’était Madame Esther Sternberg qui l’avait édité, à la demande spéciale du Rabbi de Loubavitch : ce livre était destiné à inspirer des femmes et filles juives de par le monde quant à l’importance de la Mitsva de l’allumage des bougies de Chabbat.

A la fin de la colonie, la monitrice Yona offrit à sa protégée (Laura) un petit livre de prières dans lequel elle avait collé une photo du Rabbi portant les Téfilines et le Talit avec ces quelques mots écrits en russe : « …Que ce Siddour avec le portrait d’un Juif saint soit vraiment ton guide dans la vie ! ».

Trente-deux ans plus tard.

Laura s’était bien intégrée en Amérique, habitait à Philadelphie et avait gardé le contact avec ses amies émigrées de Russie comme elle à la fin des années 70. Une de ses amies s’appelait Yana.

Un Chabbat de juin 2011, alors que Yana et sa famille avaient été invitées par le rabbin de leur ville pour passer Chabbat, sa fille aînée découvrit un petit livre dans la bibliothèque : « Ma propre bougie » et le feuilleta. Tout à coup, elle remarqua un nom : Laura Brovender. C’était le nom de jeune fille d’une bonne amie de sa mère. Interpelée, Yana lut avec incrédulité cet article ancien dans lequel une petite fille, Laura, dépeignait l’émotion qui l’étreignait chaque fois qu’elle allumait la bougie de Chabbat. Sur le champ, elle décida de photocopier cet article et de le faire encadrer pour l’offrir par surprise à son amie.

En recevant ce cadeau, Laura fut bien sûr très émue et décida qu’elle devait absolument retrouver la dame qui avait compilé tous ces articles dans le livre. Bien vite, elle lui parla au téléphone et Mme Sternberg put raconter comment ce livre avait vu le jour à l’initiative du Rabbi. Quelques mois plus tard, en décembre, Laura et Yana passèrent un Chabbat inoubliable à New York, au domicile de Mme Sternberg. Là, elles purent allumer leurs bougies de Chabbat, en compagnie de leurs filles respectives, recréant un lien indéfectible entre elles.

Mais Laura ressentait qu’il manquait encore quelqu’un à ce beau tableau : sa monitrice bien-aimée, Yona qui l’avait initiée à la beauté du Chabbat, qui lui avait offert son premier livre de prières, qui l’avait encouragée durant la colonie et lui avait donné confiance en elle-même. Trente-deux plus tard, elle aurait voulu lui signifier combien son action et son affection l’avaient marquée et avaient impacté sa vie.

Hélas, Yona avait péri 26 ans plus tôt dans un terrible accident de voiture, laissant derrière elle un mari et quatre enfants en bas âge. Ces enfants maintenant adultes furent heureux d’apprendre encore d’autres détails sur leur défunte mère : bien sûr, ils savaient combien elle avait utilisé chaque minute de sa courte vie pour répandre le bien autour d’elle mais chaque nouvelle preuve de cet impact positif sur les autres leur réchauffait le cœur. L’empathie d’une jeune monitrice de colonie de vacances avait profondément et durablement affecté une petite immigrée d’Union Soviétique et avait affecté durablement l’âme de Laura, de sa fille et certainement de toutes les générations suivantes dans une chaîne ininterrompue de femmes juives depuis des millénaires.

Quand nous accomplissons une bonne action, il se peut que nous en constations les effets immédiatement. Mais nous ne pouvons pas imaginer leur impact qui se propage souvent très loin dans le temps. Puisse le souvenir de la gentillesse de Yona accompagner ses descendants et tout le peuple juif !

Joannie Tansky – Chabad.org

Traduite par Feiga Lubecki