Samedi, 30 septembre 2017

  • Yom Kippour
Editorial

 Yom Kippour : l’appel et la puissance

Yom Kippour fait partie de ces jours que nul n’a besoin d’annoncer ni même d’expliquer. Il est comme chevillé à l’âme de chacun. De fait, tous savent et ressentent, avec une acuité absolue, que Yom Kippour n’est pas une solennité parmi les autres. Tous ont l’intime conscience que ce jour est d’abord celui de notre grand rendez-vous avec D.ieu. Alors que la nouvelle année a commencé, que nous avons d’ores et déjà vécu l’appel du Chofar à Roch Hachana, tout a un sens plus profond, renouvelé. Dans toutes les synagogues, il y a, en ce jour, une atmosphère particulière. Comme si une certaine sainteté, d’habitude ensevelie sous le quotidien, réapparaissait, belle et puissante comme au premier jour des hommes. En ce jour de Yom Kippour, elle flotte dans l’air que l’on respire, elle pénètre les attitudes et les actes de chacun, elle est le bel ornement de synagogues pleines.
Car c’est dans les synagogues que, à ce moment, tout semble plus beau. Côte à côte sont assis celui qui découvre les mots de la prière et celui qui en est familier, le délicat érudit et l’enthousiaste nouveau-venu. Et aussi celui que seule l’essence du jour a conduit là mais qui ne cèderait sa place pour rien au monde. Tous ensemble, plus unis que pourrait le laisser croire leur apparence extérieure, ils forment ce que l’on appelle du beau nom de « communauté ». C’est bien ce qu’ils constituent : un lieu de partage, une unité de vie. C’est bien peu de dire qu’à Yom Kippour, tout un chacun y a sa place. Fondamentalement, chacun est indispensable. Car il s’agit bien là de créer comme une dynamique nouvelle faite de l’addition de tous ces mouvements individuels de l’âme.
Y a-t-il une journée plus propice à un tel projet que Yom Kippour ? Ce n’est évidemment pas en vain, ni pour un artificiel effet de style, que les Sages ont qualifié ce jour de « unique de l’année ». Le lien avec D.ieu, l’attachement de notre âme existent constamment mais, à ce moment, personne ne peut les ignorer. Chacun en ressent à la fois l’appel et la puissance. Nous rêvons tous d’une année merveilleuse, pour nous-mêmes, nos familles, le monde entier. Nous espérons ardemment que cette année 5778 voit le couronnement des efforts millénaires, l’avènement du temps éternel, la venue de Machia’h. Alors que revient Yom Kippour, nous savons que nos rêves sont à portée de notre main. Car Yom Kippour est un jour de vie pour une année, une éternité de vie.

Etincelles de Machiah

 L’abattage du mauvais penchant

Le Talmud enseigne (traité Souccah 52a) que « dans les temps futurs (à l’époque messianique), D.ieu amènera le mauvais penchant et l’abattra ». Le terme hébraïque employé pour « abattage » étant celui de « Che’hita » qui désigne l’abattage rituel d’un animal, on comprend que l’idée est, ici, très forte.

En fait, le concept de « Che’hita » a pour sens, dans ce contexte, l’élimination de la partie mauvaise du penchant en question comme cette opération, dans son sens premier, a pour effet d’éliminer le sang de l’animal. Ne restera alors que l’aspect positif des choses : le mauvais penchant aura été transformé en un « ange de sainteté ».

(d’après Kéter Chem Tov, 265)

Vivre avec la Paracha

 Yom Kippour

Yom Kippour se distingue, dans le calendrier juif, par maints aspects. Le fait que ce soit un jour plus élevé encore que les autres fêtes est souligné par le service très particulier qui était conduit dans le Temple, uniquement à cette occasion. C’était le seul jour où le Cohen Gadol, le Grand Prêtre, avait la permission de pénétrer le lieu le plus saint du Temple et du monde entier: le Kodèch Hakodachim, le Saint des Saints.

Qu’y faisait-il ? Il ne priait pas, n’offrait pas de sacrifice. Le service, dans le Kodèch Hakodachim consistait en l’offrande des Ketorèt : des encens incandescents.

Cela peut paraître étonnant. En effet, il aurait semblé plus adéquat de conduire un service lié à l’offrande des sacrifices. Ceux que l’on pratiquait dans le Temple s’effectuaient avec des produits cachères, animaux ou farine, par exemple. Or, les encens étaient en partie constituées de produits non cachères et en outre, l’une des essences que l’on utilisait laissait une odeur très désagréable. En conséquence, parmi les onze épices utilisées pour les encens, l’une provenait d’un animal non cachère et l’autre avait un parfum très déplaisant.

N’aurait-il pas été plus approprié d’utiliser des ingrédients entièrement cachères et bons pour le service opéré lors du jour le plus saint, dans le lieu le plus saint et par l’un des êtres les plus saints du Peuple juif ?

Et pourtant c’est de là-même que se dégage l’une des clés les plus importantes du jour de Yom Kippour.

Yom Kippour marque la fin des Dix Jours de Techouva, que l’on a l’habitude d’appeler Dix Jours de Repentance, au cours desquels les Juifs se repentent de leurs mauvaises actions. Cependant, le véritable sens du mot Techouva, n’est pas « repentance » mais « retour », retour vers son essence véritable, vers son âme sainte.

Lorsqu’arrive Yom Kippour, celui qui a, à son acquis, un certain nombre de mauvaises actions, possède certains avantages dans son niveau de Techouva, par rapport à celui qui n’a jamais failli.

Lorsqu’il ressent qu’il s’est éloigné de D.ieu, cela suscite en lui un élan supplémentaire qui le pousse à sortir de sa situation présente et à se rapprocher davantage de Lui. Celui qui n’a jamais péché ne ressent pas cette soif puisque ses besoins spirituels ont toujours été exaucés.

Celui qui se trouve au milieu d’un désert ressent la soif et jaillit en lui un désir profond de satisfaire ses besoins.

De la même façon, celui qui se trouve dans un désert spirituel est envahi d’une urgence impérative à fuir ce lieu et se rediriger dans la voie adéquate. Quand il y parvient, il atteint une élévation que la personne dénuée de tous péchés ne peut atteindre. En effet, la pratique de la Torah et des Mitsvot qu’il adopte est supérieure à celle de celui qui n’a jamais agi de manière inappropriée.

Celui-là ne fait que continuer dans le chemin qu’il a toujours emprunté.

Mais celui qui revient, après s’être perdu dans des chemins éloignés, possède désormais un enthousiasme supplémentaire, pour se rapprocher de ce dont il a toujours manqué, et adopte une adhésion encore plus ferme à la Torah et aux Mitsvot.

Et c’est pour cette raison que nos Sages déclarent que : « le niveau qu’un Baal Techouva (celui revient au Judaïsme) atteint, un Tsaddik (Juste), même parfait, ne peut jamais l’atteindre ».

Le Baal Techouva, grâce à ses regrets, ses remords et son désir ardent, voit ses péchés se transformer en Mitsvot. Puisque ses péchés lui ont permis d’accomplir les Mitsvot qu’il n’avait pas voulu (ou pu) faire, ce sont eux qui sont à l’origine de ses Mitsvot et ils sont donc considérés eux-mêmes comme des Mitsvot, après qu’ils ont été transformés.

C’est pourquoi il est supérieur au Tsaddik qui, certes, possède toutes les Mitsvot qu’il peut accomplir, mais n’a pas eu l’opportunité de ces Mitsvot supplémentaires, nées de la transformation des péchés.

Telle est l’idée que l’on retrouve dans les encens de Yom Kippour. L’on utilisait un ingrédient à l’odeur désagréable et un ingrédient issu d’un animal non cachère.

Il est bien évident que lorsque l’on considère le domaine de l’action, il est invraisemblable de se livrer à un péché dans l’idée de se repentir plus tard et de parvenir à un niveau supérieur.

Mais la Torah fait allusion au fait que, s’il se trouve qu’une personne ait erré et par la suite se soit reprise, ce mal est transformé en bien.

C’est la raison pour laquelle dans les encens eux-mêmes se trouvaient les deux ingrédients dont on a parlé et tout particulièrement une substance non cacher. Cette substance non cachère était nécessaire pour compléter les encens et permettre ainsi qu’on puisse les offrir dans le Saint des Saints et apporter le pardon et le rachat au Peuple juif tout entier.

Le Coin de la Halacha

 Que fait-on à Yom Kippour (cette année samedi 30 septembre 2017) ?

Dans la semaine qui précède Yom Kippour, on procède aux « Kapparot » : on fait tourner autour de sa tête trois fois un poulet vivant (ou un poisson, ou une somme d’argent multiple de 18) en récitant les versets traditionnels ; puis on donne le poulet (ou le poisson ou la valeur monétaire) à une institution charitable.

La veille de Yom Kippour (cette année vendredi 29 septembre 2017), on a coutume de demander au responsable de la synagogue du gâteau au miel, symbole d’une bonne et douce année. Jusqu’à la fin du mois de Tichri, on ne récite plus de Ta’hanoun (supplications).

Il est d’usage que les hommes se trempent au Mikvé (bain rituel), si possible avant la prière de Min’ha. On met les vêtements de Chabbat. Après la prière de Min’ha, on prend un repas de fête, sans poisson ni viande, mais avec du poulet.

Après le repas, les parents bénissent les enfants et leur souhaitent d’aller toujours dans le droit chemin.

Le jeûne de Yom Kippour commence à 19h 15 (horaire de Paris).

On ne récite pas le Kiddouch à Yom Kippour, même quand cela tombe un Chabbat.

Après avoir mis des pièces à la Tsedaka, les femmes mariées allument au moins deux bougies avant 19h15, horaire de Paris (les jeunes filles et petites filles allument une bougie) et récitent les deux bénédictions suivantes :

1) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Achère Kidéchanou Bémitsvotav Vetsivanou Lehadlik Nèr Chel Chabbat Vechel Yom Hakipourim » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a sanctifié par Ses Commandements et nous a ordonné d’allumer la lumière de Chabbat et de Yom Kippour ».

2) « Barou’h Ata Ado-naï Elo-hénou Mélè’h Haolam Chéhé’héyanou Vekiyemanou Vehigianou Lizmane Hazé » - « Béni sois-Tu, Eternel, notre D.ieu, Roi du monde, qui nous a fait vivre, qui nous a maintenus et nous a fait parvenir à cet instant ».

Il est d’usage d’allumer également une bougie qui dure au moins vingt-cinq heures et sur laquelle on récitera la bénédiction de la « Havdala » à la fin de la fête. On allume aussi des bougies de vingt-cinq heures à la mémoire des parents disparus.

On enlève les chaussures en cuir et on met des chaussures en toile ou en plastique. Les hommes mariés mettent le grand Talit et le « Kittel » (vêtement rituel blanc).

Tout Yom Kippour, on récite la deuxième phrase du Chema Israël (« Barou’h Chem… ») à voix haute. Il est interdit de manger, de boire, de s’enduire de crèmes ou de pommades, de mettre des chaussures en cuir, d’avoir des relations conjugales et de se laver (sauf si on s’est sali ; de même, on se lave les mains pour des raisons d’hygiène). On passe la journée à la synagogue. Toutes les interdictions de Chabbat s’appliquent à Yom Kippour.

Ce samedi matin, on ne récite pas la bénédiction : « Cheassa Li Kol Tsorki » (« Qui veille pour moi à tous mes besoins ») car on ne porte pas de vraies chaussures.

Les malades demanderont au médecin et au Rabbin s’ils doivent jeûner ou non.

A la fin du jeûne, on écoute la sonnerie du Choffar.

Après Yom Kippour, on se souhaite mutuellement « Hag Saméa’h ». Si possible, on prononce la bénédiction de la lune. On récite la prière de la Havdala (après 20h19, horaire de Paris), on se lave les mains rituellement et on se rince la bouche. Durant le repas qui suit le jeûne, il est d’usage de parler de la construction de la Souccah et, si possible, on commence à construire la Souccah tout de suite après la fête.

Le Recit de la Semaine

 Le businessman et le cardiologue

Depuis longtemps, j’entretenais des relations avec un important homme d’affaires, un Juif du Brésil qui, auparavant, avait adhéré à un parti de gauche et avait été en son temps un grand ami de Shimon Peres. Au fil des ans, ses opinions évoluèrent. Cela commença quand son fils se rapprocha de la tradition et se mit à pratiquer les Mitsvot : ce qui inquiéta beaucoup le père car il était persuadé que ceux qui suivaient cette voie coupaient les liens avec le monde autour d’eux et surtout leurs familles. Quand je fis sa connaissance et qu’il me fit part de ses craintes, je le rassurai : « Comment pouvez-vous émettre des opinions sur le judaïsme orthodoxe quand vous-même n’avez jamais côtoyé ce milieu ? Venez, étudions et ainsi vous comprendrez de quoi il s’agit ! »

Il accepta et, au fur et à mesure que nous approfondissions les textes et les discussions, il comprit davantage de concepts fondamentaux. Pourtant un jour, il affirma : « Je ne parviens pas à comprendre comment un D.ieu aussi grand peut s’intéresser à des sujets aussi futiles que le trajet d’une feuille qui tombe d’un arbre… »

En effet, je lui avais expliqué ce que déclarait le Baal Chem Tov : même lorsqu’une feuille tombe d’un arbre, D.ieu en connaît toutes ses circonvolutions et prévoit exactement son point de chute afin qu’elle puisse protéger un petit ver des intempéries… Cela, il ne l’acceptait pas ! Que D.ieu ait créé le monde, ait donné la Torah et s’intéresse aux grandes questions de l’humanité, pourquoi pas ? Mais la Providence Divine qui s’exerce véritablement sur chaque détail de la Création… ? Non !

Plutôt que de perdre du temps à tenter de le convaincre, je préférai cesser la discussion et avancer dans notre étude.

Cet homme d’affaire pria dans notre synagogue à Roch Hachana ; pour Yom Kippour, il pria dans celle de Westport, dans le Connecticut. Après Sim’hat Torah, il tint à me raconter un incident qui lui était arrivé mais à une condition : que je ne m’exclame pas « je vous l’avais bien dit ! » J’ai promis et voici donc son récit :

« L’année dernière, j’avais voulu prier dans la même synagogue que ma famille. J’avais téléphoné à mon fils qui, lui, était devenu pratiquant et il avait accepté à condition que ce soit une synagogue orthodoxe. Cela ne me posait pas de problème, l’essentiel étant à mes yeux que nous soyons tous ensemble. Cette année, nous irions avec lui, l’année prochaine, il viendrait avec nous…

L’après-midi avant Yom Kippour, à la sortie de mon travail, j’ai téléphoné à mon fils pour lui annoncer : « J’espère que tu ne m’en voudras pas, j’ai invité un de mes amis à venir avec nous à la synagogue ; c’est un cardiologue. »

Nous avons donc pris la voiture en direction de la synagogue. Mais nous nous sommes perdus en route : mon fils s’inquiétait ! Le soleil allait bientôt se coucher ! Soudain, nous avons remarqué à un feu rouge que la voiture arrêtée à côté de nous était conduite par un homme portant la Kippa. Il ne connaissait pas la synagogue où nous voulions aller mais nous proposa l’adresse d’une autre synagogue, orthodoxe elle aussi, plus proche.

A notre arrivée dans cet endroit inconnu, nous avons été très bien accueillis. Nous avions à peine commencé l’office de Kol Nidré et soudain, nous avons entendu un grand cri : l’un des fidèles était victime d’une grave crise cardiaque ! Mon ami le cardiologue se précipita vers lui pour lui prodiguer les premiers soins en attendant l’ambulance qui l’emmena à l’hôpital.

Dans la salle d’attente des urgences, j’ai fait remarquer à la femme du patient : « Quand je rentrerai chez moi, j’appellerai mon rabbin pour lui raconter ce qui s’est passé et il me dira sûrement : je vous avais prévenu ! La Providence Divine existe ! ».

Mais ce n’est pas la fin de l’histoire. Cette année aussi, notre businessman a prié chez nous à Roch Hachana et, à Yom Kippour, dans le Connecticut. Les membres de la famille avaient décidé de retourner là où ils avaient prié l’année précédente. En emmenant à nouveau le cardiologue. Dès leur arrivée, l’homme qui avait subi la crise cardiaque s’avança vers eux pour remercier le spécialiste de lui avoir sauvé la vie et son épouse déclara alors : « Vous souvenez-vous que, dans la salle d’attente, vous m’aviez raconté avoir rencontré à un feu rouge un homme au volant d’une voiture avec une Kippa sur la tête ? J’étais curieuse de savoir qui était l’homme qui, sans le savoir, avait contribué à sauver mon mari. Et voici ce que j’ai découvert après avoir mené ma petite enquête : ce n’était autre que mon fils aîné ! Il avait décidé d’aller prier dans une autre ville avec des amis. Donc, de fait, D.ieu a permis à mon fils d’envoyer un cardiologue dans cette synagogue pour sauver son père ! »

Le cardiologue qui avait suivi la conversation s’est retourné vers mon ami le businessman en remarquant : « Qu’allez-vous raconter maintenant à votre rabbin ? » 

En me rapportant ces faits, l’homme déclara : « J’ai bien compris la leçon ! J’admets que la Providence Divine existe ! J’en ai eu une preuve éclatante ! » Et il ajouta :

- Cela me donne envie d’accomplir une bonne action : une proposition ?

- Vous en voulez à votre fils qui s’est rapproché de la pratique religieuse et vous prétendez qu’il est devenu borné… Laissez-le vivre sa vie, vous voyez bien que c’est D.ieu qui dirige le monde !

Depuis ce jour, le fils vécut en bonne entente avec ses parents. Il se fiança avec une jeune étudiante de l’université de Miami qui, elle-même, s’était rapprochée de la Torah grâce à mon fils Mendel (le Chalia’h de cet établissement prestigieux) et ils ont fondé un véritable foyer ‘hassidique ouvert à tous.

Rav Yaakov Fellig – Floride – Moussaf Pessa’h de Kfar Chabad

Traduit par Feiga Lubecki