Samedi, 29 avril 2017

  • Tazria - Metsora
Editorial

 Bien plus qu’un temps qui passe

Depuis le début de la fête de Pessa’h, nous sommes entrés dans un temps plus complexe qu’à l’accoutumée, comme marqué par des caractères opposés. Voici qu’en effet l’Omer et son décompte ont commencé. C’est, d’une part, l’époque de l’impatience qui sépare la sortie d’Egypte du Don de la Torah. Une impatience doublée d’une élévation spirituelle progressive qui fait que chaque jour semble différent de celui qui l’a précédé comme de celui qui le suivra. C’est, d’autre part, un temps où la joie fait l’objet d’une retenue que le caractère jubilatoire de l’attente évoquée plus haut ne permettrait pas d’imaginer. Souvenir d’un épisode tragique de l’histoire juive, rappel des méfaits de la désunion et du manque de respect de l’autre, un trait de gravité souligne de ce fait les jours qui passent.

Il est ainsi demandé aux hommes de vivre, dans le même temps, sur deux plans comme si cela allait de soi. De fait, dans notre vie quotidienne, il existe souvent des situations ambivalentes du même type qui résistent à l’analyse rationnelle mais auxquelles nous parvenons à donner un sens. Car, d’une certaine manière, l’enjeu de la création est là. Il appartient à chacun de tracer son propre chemin et de choisir avec sagesse le but qu’il s’assigne.

La période de l’Omer est, aussi, pour cette raison, une invitation à cette grande aventure spirituelle que constitue – n’ayons pas peur des mots – la recherche de la perfection. Elle donne à celui qui le désire les moyens de progresser de degré en degré jusqu’au moment indépassable que constituera, lors de la fête de Chavouot, le Don de la Torah et la rencontre avec D.ieu. Il ne s’agit pas là d’un temps ordinaire ni de jours anodins. Il fait, au contraire, ressentir comme une palpitation d’infini dans l’existence de tous. Il revient à chacun de savoir faire le choix nécessaire : celui de l’avancée. Il nous portera de degré en degré jusqu’à la liberté absolue, couronnement de la Délivrance annoncée par les prophètes, que Machia’h nous apportera.

Etincelles de Machiah

 «En son temps, Je le hâterai»

Le Talmud (Sanhédrin 98a) enseigne : «Il est écrit (Isaïe 60 : 22) ‘[le Machia’h viendra] en son temps, Je le hâterai’». Ces deux termes semblent contradictoires. Viendra-t-il quand son époque sera enfin venue – «en son temps», ou D.ieu choisira-t-Il de rapprocher cet avènement tant attendu – «Je le hâterai» ? Le Talmud résout cette apparente contradiction : «S’ils le méritent, ‘Je le hâterai’ ; s’ils ne le méritent pas, ‘en son temps’».

Il faut ici relever une idée importante. Le temps de la Délivrance arrivera dans tous les cas. Certes, chacun souhaite que ce soit le plus rapidement possible. Toutefois, même s’il était retardé, lorsque le moment arrivera, l’impureté, le mal ne pourront que disparaître d’eux-mêmes pour laisser place à cette nouvelle et grande lumière.

(d’après Chaarei Orah, p.87

Vivre avec la Paracha

 Tazrya-Metsora

Tazrya

La Paracha Tazrya poursuit le sujet des lois de pureté et d’impureté, de l’impureté rituelle et de la pureté rituelle.

Une femme qui donne naissance doit suivre un processus de purification, qui comporte l’immersion dans un Mikvé (un bassin d’eau naturelle) et des offrandes apportées au Temple. Tous les garçons doivent être circoncis le huitième jour de leur vie.

Tsaraat (souvent traduit par « lèpre ») est une plaie surnaturelle qui peut également toucher les vêtements. Si des taches blanches ou roses apparaissent sur la peau d’une personne (rouge foncé ou vertes sur les vêtements), l’on doit faire appel à un Cohen. S’appuyant sur l’observation de différents signes, comme une croissance de la zone atteinte après une mise en quarantaine de sept jours, le Cohen prononce que la tache est Tamé (impure) ou Tahor (pure).

La personne affligée de Tsaraat doit résider seule à l’extérieur du campement (ou de la ville) jusqu’à ce qu’elle soit guérie. Les parties touchées du vêtement sont enlevées. Si la Tsaraat s’étend ou revient, tout le vêtement doit être brûlé.

Metsora

La Paracha Tazrya décrivait les signes du Metsora (malade de la peau), terme désignant une personne affligée d’une maladie spirituelle qui la mettait en état d’impureté rituelle. La lecture de Metsora commence par donner les détails de la manière dont le Metsora guéri est purifié par le Cohen (prêtre), selon une procédure particulière utilisant deux oiseaux, de l’eau de source dans un ustensile en terre, un morceau de bois de cèdre, un fil écarlate et une branche d’hysope.

Une maison peut être également atteinte de Tsaarat, lors de l’apparition de taches vertes ou rouge foncé sur les murs. Dans un processus s’étendant sur dix-neuf jours, un Cohen détermine si la maison peut être purifiée ou si elle doit être démolie.

L’impureté rituelle est aussi engendrée par des pertes masculines ou féminines, ce qui nécessite l’immersion dans un Mikvé.

Tazrya-Metsora

Les deux parties de la Torah que nous lisons cette semaine se concentrent toutes deux sur le sujet de Tsaraat. La plus grande partie des écrits traduit ce terme par le mot « lèpre », ce qui ne semble pas approprié. Bien que certaines manifestations physiques soient similaires à celles de la lèpre, (et, précisons-le, pas entièrement), il s’agit d’une affliction tout à fait différente. En effet, elle ne touche pas uniquement le corps mais également les habits et même les maisons.

Comme le soulignent nos Sages, Tsaraat relève essentiellement d’un problème spirituel. Bien que cela affecte le corps, sa source est un problème de l’âme. Plus précisément, cela résulte du fait que l’on s’est peu soucié du Lachone Hara, du fait de répandre de la médisance.

Nos Sages expliquent que le processus de purification pour la Tsaraat est une conséquence directe des actes qui ont été commis. Par ses paroles médisantes, l’individu a suscité un éloignement, une mise à distance entre des personnes, les séparant les unes des autres. C’est pourquoi l’impureté qui l’atteint requiert qu’il vive seul, en dehors du camp où vivent les autres. Puisqu’il a causé une séparation entre les êtres, il est lui-même puni en étant séparé.

Apparemment, l’on pourrait penser qu’il devrait rester parmi les siens et apprendre d’eux comment se conduire positivement. La Torah nous enseigne le contraire. Tout d’abord, il doit goûter à l’amertume de l’isolement et de la solitude. Ce n’est qu’après avoir compris leurs effets et pris conscience que c’est ce que lui-même a produit par sa propre conduite, qu’il sera poussé à changer. Tant qu’il est persuadé que ce qu’il a dit n’est pas si grave, que même s’il a eu tort de tenir ces propos, la situation n’est pas si sérieuse, il ne ressentira jamais la nécessité de s’amender et de changer d’attitude.

Notre Torah évolue autour du ‘Hessed, de la bonté. Mais parfois, la véritable bonté consiste à ne pas accepter, à ne pas permettre à une personne de continuer à agir sans qu’elle ne se raffine. Il est plutôt impératif de la forcer à s’arrêter, à rompre avec son mode opérationnel pour qu’elle sente le mal qu’elle fait. Cela lui permettra de se remettre en question, de s’engager dans une nouvelle voie et de développer les ressources d’amour qui lui sont inhérentes, qu’elle possède, comme tous les hommes, au fond de son cœur.

Cependant, bien que celui qui était atteint de Tsaraat soit envoyé vivre seul, loin de tous les autres, il n’était pas abandonné dans un isolement total.

Il recevait la visite du Cohen, un prêtre, dont la conduite est caractérisée par l’amour et la bonté. Il pouvait ainsi donner à la personne atteinte un modèle sur lequel appuyer la redéfinition de son identité.

En fait, cette visite rendue à la personne ainsi punie est en soi un exemple de la bonté du Cohen. Pour servir dans le Temple, le Cohen devait être pur. Or, le contact avec le Metsora le rendait impur. Il était pourtant prêt à faire ce sacrifice et aller vers lui afin de lui permettre de reconstruire son lien avec le Peuple juif.

Perspectives

L’idée d’obliger quelqu’un à se raffiner est également liée avec la venue du Machia’h. L’un des signes qu’indique Maïmonide, pour nous permettre d’identifier le Machia’h, est qu’ « il obligera le Peuple juif à renforcer son observance de la Torah ». Pourquoi « l’obliger » ? Pourquoi les hommes ne serviraient-ils pas D.ieu volontairement, de leur propre choix ?

La raison en est que notre perception et notre compréhension de la spiritualité sont limitées. Machia’h élèvera les hommes à un niveau supérieur dans leur relation avec D.ieu, niveau auquel ils n’auraient pu accéder par eux-mêmes. Puisqu’il est inaccessible à nos aptitudes et à notre perception, nous ne le désirons pas. Il est en effet clair qu’une personne ne peut désirer quelque chose qu’elle ne peut atteindre. En fait, y parvenir irait à l’encontre-même de notre nature. C’est pour cela que nous serons forcés, obligés par la puissance inspiratrice de Machia’h, de nous dépasser et d’atteindre ce niveau plus profond de compréhension.

Le Coin de la Halacha

 Pourquoi lit-on un chapitre de Pirké Avot, les « Maximes de nos Pères », chaque samedi après-midi, entre Pessa’h et Chavouot ?

Entre Pessa’h et Chavouot, nous nous préparons à revivre le don de la Torah au mont Sinaï. Pirké Avot est un traité talmudique qui contient des recommandations éthiques et morales. En lisant un chapitre par Chabbat, nous pouvons raffiner notre personnalité et notre comportement, de façon à mériter de recevoir la Torah.

Dans de nombreuses communautés, on continue la lecture de ces six chapitres tout au long de l’été jusqu’au Chabbat qui précède Roch Hachana. En effet, durant l’été, certains ont tendance à se montrer moins stricts dans leur observance des Mitsvot : il convient donc de se renforcer spirituellement pour éviter tout relâchement.

Le Recit de la Semaine

 Contre tous les pronostics

La terrible nouvelle frappa la famille Spitzer comme un coup de tonnerre en plein été : « Mélanome malin » ! Tel était le diagnostic sans appel des médecins. La cruelle maladie avait été repérée chez leur fille âgée d’à peine dix-neuf ans et se répandait dans le système lymphatique. L’avenir s’annonçait très sombre !

Pour les parents, c’était comme si une épée planait au-dessus de leurs têtes. Inquiets, ils ne savaient vers qui se tourner. La nouvelle se répandit dans la famille proche puis dans un cercle plus élargi.

On était en 1981. Le vendredi soir, on entendit des coups frappés à la porte de la maison de Rav Yaakov Moché Spitzer, l’oncle de la jeune fille. Celui-ci dirigeait les institutions des ‘Hassidim de Tsanz en Israël. Il ouvrit la porte à son voisin, Rav Leibl Friedman, un érudit respectable et reconnu : « J’ai entendu ce qui arrive à votre nièce. Écoutez-moi : dès la fin de Chabbat, prenez tous les documents médicaux et allez à New York demander conseil et bénédiction au Rabbi de Loubavitch ! Et agissez comme il vous le dira ! ».

L’oncle était très étonné. Rav Friedman s’identifiait au courant des Juifs lituaniens, adeptes du mouvement Novardok, orienté vers le Moussar (moralisateur) plutôt que vers le courant ‘hassidique… Mais son conseil n’en avait que davantage de valeur ! Dès samedi soir, Rav Spitzer se mit à organiser son voyage en demandant l’intervention du député Mena’hem Porush (alors vice-ministre du travail) afin d’obtenir au plus vite un visa pour les États-Unis. Dimanche soir, l’oncle de la jeune fille se trouvait déjà dans l’avion.

A son arrivée à New York, il se rendit directement dans le quartier de Crown Heights à Brooklyn et frappa à la porte de son ami d’enfance, le regretté Rav Binyamin Klein, un des secrétaires du Rabbi. Celui-ci l’accueillit chaleureusement, l’écouta attentivement et promit de lui arranger dès que possible une entrevue privée avec le Rabbi.

Effectivement, à une heure du matin, Rav Spitzer se retrouva dans la salle d’attente devant le bureau, avec une foule d’autres personnes, chacune avec ses problèmes, plus urgents les uns que les autres. Certains avaient attendu des mois avant d’obtenir ce rendez-vous avec la personnalité la plus marquante du judaïsme mondial. Bien vite cependant, Rav Spitzer fut admis dans le bureau et ressentit alors une très forte impression de sainteté et de pureté, au point qu’au début, il eut du mal à s’exprimer.

Le Rabbi lui demanda la raison de sa visite. Rav Spitzer s’apprêta à étaler les documents médicaux sur la table mais le Rabbi n’en avait pas besoin.

- Voici les conclusions des médecins, déclara Rav Spitzer, étonné, en prenant une profonde inspiration.

- Je sais, répondit calmement le Rabbi. Mais dites-moi, vous, quel est le problème.

Rav Spitzer décrivit brièvement la situation et conclut avec le pronostic des médecins : « Il ne lui reste plus qu’un mois… ».

- Comment ? s’étonna le Rabbi. Plus que… ? (Il ne voulait à l’évidence pas répéter des paroles aussi négatives). Retournez en Israël, contactez le professeur Aryeh Durst (directeur du département chirurgical de l’hôpital Hadassah Ein Kerem à Jérusalem et dites-lui que c’est moi qui vous envoie vers lui !

- Mais le médecin nous a prévenu que l’opération ne ferait que retarder un peu l’issue fatale et qu’elle n’a aucune chance de s’en sortir ! protesta faiblement Rav Spitzer. Le Rabbi insista :

- Le professeur effectuera l’opération et vous verrez qu’il ne restera plus aucune trace du problème ! conclut le Rabbi en ajoutant sa bénédiction : elle guérira complètement et D.ieu lui accordera une belle et longue vie, avec des enfants et des petits-enfants !

Bouleversé, Rav Spitzer tenta encore de répéter les paroles des médecins mais une fois de plus, le Rabbi l’empêcha de revenir en détail sur leur sombre pronostic : « Ce n’est pas la peine ! Elle est déjà en bonne santé ! ».

Dès le lendemain matin Rav Spitzer annonça à son ami Rav Binyamin Klein : « Elle est déjà en bonne santé ! ». Il n’était évidemment pas nécessaire de convaincre le secrétaire du Rabbi qui aida même son ami à avancer la date de son retour afin de pouvoir accomplir au plus vite ces instructions.

Le dimanche suivant, Rav Spitzer accompagna son frère à l’hôpital Hadassah. Au début, la secrétaire refusa de les recevoir mais la discussion animée arriva aux oreilles du professeur Durst et, quand il entendit que c’était le Rabbi qui les envoyait, il s’empressa de les recevoir personnellement – bien que la gravité de leur problème le dépassait !

- Je vais tenter l’opération et que D.ieu aide ! s’engagea-t-il après avoir parcouru les documents médicaux.

Le mercredi, le professeur procéda à l’opération. Contre toute attente, aux yeux de toute son équipe incrédule et de toute la famille angoissée, la jeune fille guérit. Complètement. Par la suite, elle se maria et est maintenant une mère de famille comblée.

Les années passèrent. Un jour, Rav Spitzer rendit une visite de condoléances et rencontra « par hasard » le Professeur Durst. Il se présenta en rappelant les circonstances dans lesquelles ils s’étaient déjà croisés. Le professeur compléta son histoire de son point de vue :

- Je me souviens avoir effectué l’opération. J’ai réussi à enlever les cellules infectées. Mais je dois avouer que j’étais très pessimiste. La maladie avait déjà atteint un stade avancé et se répandait dans le sang et donc dans tout le corps. C’était pour cela que les premiers médecins avaient refusé de l’opérer car c’était contraire à l’éthique médicale. Moi je n’avais accepté que parce que le Rabbi l’avait demandé et que j’avais entendu parler de lui. Mais le fait que l’opération ait réussi et que la jeune fille ait complètement guéri, c’est un véritable miracle. Mes collègues médecins n’aiment pas entendre ce genre de commentaires mais moi, je crois en une force supérieure. Dans ce cas, j’ai vraiment vu un miracle du Ciel !

Lévi Shaikevitz – Si’hat Hachavoua N° 1579 - JEM

Traduit par Feiga Lubecki