Il est bien connu que le mouvement Loubavitch
ne se mêle pas de politique et n’a jamais exigé de
poste ministériel ou autre. Cependant en 1989, le
Rabbi a fait une entorse à ce principe - et une seule
fois – en demandant à ses ‘Hassidim en Israël d’aider
par tous les moyens à la réussite de la liste
“Guimel”, celle représentant la mouvance orthodoxe
‘hassidique. Les ‘Hassidim ont déployé tous
leurs efforts, comme des soldats dévoués. Dans
toutes les occasions, ils ont encouragé avec courtoi
sie leurs compatr io tes à vo ter “Gu i mel ” .
Effectivement cette liste rencontra un succès qui
étonna tous les observateurs.
Quand un ‘Hassid demandait à un autre Juif de
voter “Guimel”, il expliquait que telle était la volonté
du Rabbi et que celui qui agissait comme le Rabbi le
demandait méritait certainement toutes les bénédictions.
Nombreux sont les ‘Hassidim qui, de leur
propre initiative, envoyèrent une lettre au Rabbi en
mentionnant les noms de toutes les personnes qui
s’étaient effectivement engagées à voter “Guimel”.
Voici ce qui arriva à ce propos à Reb Yekoutiel Lippé
de Jérusalem. Comme vous allez le comprendre,
nous ne pouvons pas dévoiler le nom de famille de
cet homme, comme il nous l’a demandé:
“Je suis né, j’ai étudié et j’ai passé toute ma vie à
Jérusalem, dans le quartier de Mea Shearim. Mes
pa r ents m’ont donné une éducation ortho doxe.
D’ailleurs je fais partie du cercle très fermé des partisans
de “Toldot Aharone” qui considèrent que la
création de l’état d’Israël était contraire à la volonté
de D.ieu et qu’il ne faut pas s’y associer. Nombre
d’entre nous n’ont pas de carte d’identité ou de
passeport, ne votent pas, ref usa nt même les
diverses allocations auxquelles ils pourraient prétendre
etc... J’ai maintenant cinquante ans: je n’ai
jamais quitté Jérusalem et j’espère ne jamais la
quitter.
Je me suis marié à 18 ans mais à notre grande
douleur, nous n’avons pas eu d’enfant. Nous avons
consulté les plus grands spécialistes – et pour
cela, nous avons emprunté des sommes colossales
à de nombreuses caisses de bienfaisance –
mais rien n’y faisait. Les examens et les traitements
se multipliaient et les déceptions également.
Je finis par accepter le pronostic du premier
médecin que nous avions consulté: seule la prière
pourrait être efficace! Bien sûr, nous avions déjà
prié, de tout notre coeur mais cette fois nous avons
décidé de nous rendre tous les soirs devant le
Kotel, le Mur Occidental, et d’y réciter tout le livre
de Tehilim (Psaumes). Nous l’avons fait pendant
quatre ans, dans la pluie, la neige, le vent, la chaleur
et le froid. Puis nous avons baissé les bras,
comme résignés. Après 14 ans de mariage, nous
n’ av ions pl us aucun espoir mais nous avons
décou vert que nous pou v ions pa r ler d’au tr e
chose...
Un soir d’octobre 1989, on frappa à la porte.
C ‘ é ta it deux jeu nes ga r ç ons de Yech i v a, des
Loubavitch. Ils ont demandé la permission d’entrer
et nous ont expliqué que le Rabbi avait demandé de
voter “Guimel”. J’ai éclaté de rire en précisant que
j’adhérais à “Toldot Aharone” et que tout cela ne
m’intéressait pas. Ils ont insisté: ils respectaient
mon opinion mais il s’agissait, dirent-ils, de l’honneur
du Baal Chem Tov, fondateur du ‘Hassidisme
etc... En constatant la fermeté de mes opinions, ils
ont pris congé poliment non sans nous laisser des
prospectus et ont frappé à la porte d’au tr es
“clients” potentiels.
Après leur départ, ma femme a lu attentivement
leurs papiers et me fit remarquer que celui qui
voterait comme le Rabbi l’avait demandé mériterait
de grandes bénédictions.
J’étais furieux: pour moi, il n’était pas question de
voter et d’ailleurs je n’avais même pas de carte
d’identité alors que ma femme en possédait une.
La tension monta dans notre foyer: ma femme me
suppliait de tenter encore notre chance! De guerre
lasse, j’acceptai.
E l le téléphona au centre Loubav itch le pl us
proche. De mon côté, je ne pouvais vraiment pas
entr epr endre les déma rches pour établir ce tte
fameuse carte: c’était trop contraire à mes principes!
Qu’à cela ne tienne, les Loubavitch le firent
pour moi et envoyèrent une lettre au Rabbi en mentionnant
mon nom et celui de mon épouse. La veille
des élections, je n’arrivai pas à dormir tant j’étais
effrayé à l’idée de la “faute” que j’allais commettre.
Les Loubavitch, compréhensifs, m’envoyèrent une
voiture discrète et m’accompagnèrent dans cette
épreuve difficile, jusqu’au bureau de vote. D.ieu
merci, aucun de mes voisins ne se rendit compte
de ma “trahison”!
Et nous avons attendu la suite... Le miracle ne
venait pas... Je m’en voulais déjà d’avoir agi contre
mes principes.
Un jour, près du Kotel, j’aperçus un stand de
T é f i l i nes tenu par un Loubav itch. Je l’aborda i,
furieux: “Pourquoi avez-vous menti? Vous avez promis
que ceux qui voteraient “Guimel” mériteraient
toutes les bénédictions et je n’ai toujours pas d’enfant!”
Interloqué, le jeune homme me fit remarquer:
“Si vous avez des réclamations, adressez-vous au
Rabbi lui-même!”
J’ai parlé à mon épouse. Elle remarqua: “Il a raison!
Ecris!”
Ecrire au Rabbi de Loubav itch? Encore une
épreuve! Mais au bout d’un an et demi d’attente
déçue, je m’y résignai. J’écrivais donc au Rabbi que
malgré mes principes, j’avais non seulement voté
mais voté “Guimel” – pour mériter sa bénédiction
et avoir enfin un enfant. Trois semaines plus tard, je
trouvai dans ma boîte aux lettres une lettre du
Rabbi. Il écrivait qu’il mentionnerait ma demande
sur le tombeau du Rabbi précédent. Mais après la
signature, il y avait une note: “A propos de ce qu’il
écrit en ce qui concerne une promesse etc... Je
n’en connais pas la source, mais grande est la
confiance dans les Sages pour faire descendre la
bénédiction de D.ieu dans les sujets qu’il a mentionnés”.
De fait le Rabbi voulait dire que même s’il n’avait
jamais rien promis, le fait que j’ai voté “Guimel” uniquement
parce qu’il l’avait demandé, me faisait
mériter d’obtenir ce que je désirais tant.
Terrassée par l’émotion, ma femme n’arrêtait pas
de pleurer. Et mes yeux aussi étaient humides...
Trois semaines plus tard, elle m’annonça qu’elle
était enceinte.
“A près dix-sept ans de ma r iage, el le mit au
monde notre seul et unique fils, que D.ieu le bénisse
pour qu’il grandisse en bonne santé et nous
donne toutes satisfactions!”
Arié Samit
Kfar Chabad
Traduit par Feiga Lubecki