"Qui est ce jeune homme qui étudie avec tant de concentration? se demanda Rabbi Yehouda Heschel. Il semble exceptionnellement dévoué à l'étude des textes sacrés!" Rabbi Yehouda Heschel était bien placé pour apprécier ce point: il était lui-méme le fils de Rabbi Barou'h Frankel Teomim. Il était venu à Ternogrod pour affaires, puis s'était rendu à la synagogue pour étudier. La vue de ce jeune homme si assidu lui avait donné une idée: "Je veux savoir qui il est: il ferait peut-être un bon mari pour ma soeur!" Et il s'approcha du jeune homme. "Qu'étudiez-vous en ce moment?" demanda-til.

C'est ainsi qu'il engagea une solide conversation talmudique. "Ce jeune homme a une très bonne tète et comprend le Talmud de façon brillante!" remarqua en son for intérieur Rabbi Yehouda Heschel qui, n'en pouvant plus, demanda à son partenaire d'étude son nom. "Je m'appelle 'Haïm Halberstam, je suis le fils de Reb Arié Leibush, le Rabbi de Prémichlane". Yehouda Heschel remarqua que 'Haïm boitait d'une jambe. "Peu importe, se dit-il, il n'en est pas moins un érudit remarquable!" Dès qu'il rentra chez lui, Yehouda Heschel écrivit une lettre enthousiaste à son père. Il avait trouvé le fiancé idéal pour sa soeur un érudit, de bonne famille, sincèrement attaché aux valeurs de la Torah. Il omettait cependant un détail : son handicap physique. Quand son père, Rabbi Barou'h Frankel Teomim, reçut la lettre, il recevait justement la visite de Reb Arié Leibush, le père du jeune homme recommandé par son fils! Reb Arié venait de traiter des affaires dans la ville et en profitait pour rendre visite au Rabbi! "Incroyable, s'exclama Rabbi Barou'h Frankel. Je reçois en ce moment-même une lettre de mon fils suggérant un Chidou'h (rencontre à but matrimonial) entre ma fille et votre fils!"

Le visiteur était également frappé par cette extraordinaire "coïncidence". "C'est, à l'évidence, un 'Chidou'h' prévu par la Providence Divine!" remarqua-t-il avec enthousiasme. C'est ainsi que fut décidé le mariage entre les familles Halberstam et Frankel Teomim. La nouvelle se répandit rapidement dans la ville et la joie fut grande. Mais dans la Yechiva (institut talmudique) de Rabbi Teomim, les étudiants accueillirent cette annonce avec scepticisme: "Comment notre Rabbi peut-il décider de fiancer sa fille à quelqu'un qu'il ne connaît pas? Nous allons vérifier si ce jeune homme est vraiment digne de cette proposition!" Deux étudiants furent envoyés secrètement à Tarnogrod pour cela. Ils revinrent avec des renseignements élogieux, mais eux n'oublièrent pas de mentionner que le fiancé boitait. Malgré toutes les précautions, la nouvelle parvint aux oreilles de la fiancée, Ra'hel Feigel. Horrifiée, elle se précipita chez son père: "Père! Comment avez-vous pu me faire cela?" dit-elle en pleurant de honte et de colère. "Que veux-tu dire, ma chère fille?" demanda Rabbi Frankel Teomim. "Comment avez-vous pu me fiancer avec un jeune homme handicapé? Deux de vos étudiants l'ont vu, il est boiteux! Il marche avec une canne!" "Comment  est- ce possible?" s'exclama -t- i I, incrédule. "Quoi qu'il en soit, tu n'es pas forcée de l'épouser. Rencontre-le au moins une fois et si tu n'es pas d'accord, nous annulerons le 'Chidou'h'!" Rabbi Frankel  Teomim appela son fils, le jeune Yehouda Heschel qui avait conseillé le "Chidou'h". "Je t'ai fait confiance mais tu m'as trompé! Pourquoi ne n'as-tu pas signalé qu'il était handicapé?" demanda le père, indiqué. "Je craignais qu'à cause de ce détail, vous refusiez de prendre en considération toutes ses qualités. Père, voyez-le au moins une fois, parlez-lui et vous comprendrez que j'avais raison. Vous oublierez bien vite son handicap!"

Le père de la fiancée accepta. On fit venir le jeune 'Haïm qui, se doutant bien du problème, demanda à parler en privé à la jeu ne fille. Surmontant son appréhension, Ra'hel Feigel le rencontra. Après tout, il avait un aspect agréable, mais il était à l'évidence boiteux. "Je vous en prie, dit 'Haïm, regardez-vous dans un miroir!" Elle ne put s'empêcher de penser qu'il s'agissait là d'une requête étrange mais elle se dirigea vers un grand miroir. Ce qu'elle y vit la fit tressaillir. là, da ns la glace, el le aperçut l'exacte réplique d'elle-même sauf pour un "détail": elle boitait d'une jambe! "Vous étiez supposée naître avec ce handicap, expliqua doucement 'Haïm. Mais sachant que j'étais destiné à devenir votre partenaire pour la vie, j'ai demandé à Dieu que ce soit moi qui boite et non vous!" Après un long silence, 'Haïm ajouta "A présent, acceptez-vous de m'épouser?" Ses mots avaient bouleversé le cœur de Ra'hel Feigel. Comment pouvait-elle maintenant objec-ter à ce "Chidou'h" après que son fiancé ait révé-lé combien il s'était dévoué pour elle? De plus, le jeune 'Haïrn avait de nombreuses qualités et elle appréciait sa compagnie. Ils sortirent tous deux de cette entrevue avec le sourire. Bien vite, toute la communauté se prit d'affection pour le jeune fiancé mais c'était surtout Rabbi Frankel Teomim qui aimait à dire: "La jambe de mon gendre est handicapée, mais son cer-veau est remarquablement droit et brillant!"

Par la suite, Rabbi 'Haïm Halberstam devint le Rabbi de Sanz, fondateur de la célèbre dynastie 'hassidique qui s'installa en Terre Sainte.

Sterna Citron "Why the Boa! Chem Tov loughed » (Jason Aronson ) traduit par Feiga Lubecki