La date: l’été 1974. L’endroit: 770 Eastern Parkway, Brooklyn, New York, la synagogue du Rabbi de Loubavitch. L’heure: 4h 10... La porte du bureau du Rabbi s’ouvrit. Il accompagnait, fait inhabituel, un jeune rabbin de Tel- Aviv, encore peu connu. L’entrevue avait duré 2h 40: qui donc pouvait être cet homme qui était resté si longtemps à d i scuter avec le Rabbi? Les étud ia nts de la Yechiva l’entou r è r ent immédiatement et lui demandèrent respectueusement de répéter ce que le Rabbi lui avait dit : “Je vous bénis pour que, de même que votre influence s’étend sur des quartiers de Tel-Aviv, ainsi elle s’étendra sur tout Tel-Aviv et sur tout Israël”. Le jeune rabbin était lui-même stupéfait de la tournure qu’avait pris cette entrevue. Il pensait que son plus grand accomplissement avait été de rester vivant. Et maintenant, le Rabbi lui prédisait un avenir glorieux... Il pensait, une fois de plus, à son enfance... * * * A sept ans et dem i, Lolak sav a it que ses parents ne vivaient plus. Et ses frères non plus, à part son frère Naftali qui avait été séparé de force d’avec lui. Lolak avait été placé dans un camp de prisonniers de guerre russes, tandis que son frère était retenu dans le camp des Juifs. Un matin, les Nazis ordonnèrent au groupe de Naftali d’aller travailler à l’extérieur du camp. Il comprit vite ce que cela signifiait: la mort certaine au bout du chemin. Il se précipita vers le grillage et chercha désespérément des yeux son petit frère de l’autre côté. Dès qu’il l’aperçut, il lui dit de s’approcher: il étendit sa main à travers les barbelés comme pour le bénir une dernière fois puis, les larmes aux yeux, il lui dit : “ Mon petit Lolak, on m’enlève et nous ne nous reverrons jamais. Si tu parviens à survivre, rappelle-toi qu’il y a un endroit qui s’appelle Erets Israël. Vas-y et dis seu lement que tu es le fils du Rav de Pie trokov. Nous avons un on cle là-bas qui te retrouvera certainement...” Au prix d’innombrables souffrances et grâce à des miracles incroyables, même Naftali réussit à survivre et à retrouver son petit frère. Durant deux mois, les deux garçons parvinrent à se cacher des Nazis et à se réfugier dans les forêts. Parfois Naftali avait été obligé de porter son pe tit fr è r e, épuisé, da ns un sac sur ses épaules. Ils arrivèrent enfin en Erets Israël. Le petit Lolak retrouva son vrai nom : Israël Meïr Lau. Il fut admis dans une Yechiva. Il s’était fixé un seul but: devenir Rav, comme son père, son grand-père... et de fait une dynastie ininterrompue de trente-six générations de Rabbanim. Il était résolu à ne pas briser la chaîne. Effecti vement, il dev i nt Rav d’un qua rtier important de Tel-Aviv. Puis il devint Grand Rabbin de Natanya. En 1988, Rav Lau arriva encore une fois à New York: son beau-père, Rav Yedidya Fraenkel, Grand Rabbin de Tel-Aviv, était décédé un an et demi auparavant. Durant l’entrevue, le Rabbi avait fait comprendre à Rav Lau qu’il deviendrait bientôt lui-même Grand Rabbin de Tel-Aviv. Etonné, Rav Lau avait fait remarquer au Rabbi que le corps électoral n’avait même pas encore été désigné. Avec un sou r i r e, le Rabbi av a it répondu: “Effectivement les élections n’ont pas encore eu lieu ici-bas, mais “en haut”, la décision a déjà été prise!” Moins de sept mois plus tard, le 15 Elloul, Rav Israël Meïr Lau était nommé Grand Rabbin de Tel- Aviv. Exactement trois ans plus tard, à cette même date, Rav Lau retourna au 770 Eastern Parkway; c’était un dimanche matin, le Rabbi distribuait des dollars à remettre à la Tsédaka (charité). Rav Lau arriva devant le Rabbi et demanda une bénédiction pour le Mikvé (bain rituel) qu’il faisait construire et pour d’autres initiatives qu’il avait prises dans le cadre de sa fonction. Soudain, sans autre préambule, le Rabbi lui dit: “Vous irez de force en force. Utilisez au maximum le temps que vous serez Grand Rabbin de Tel- Aviv... En deux ans, ou moins, vous deviendrez Grand Rabbin d’Israël”. Bouleversé, Rav Lau balbutia: “Avec la bénédiction du Rabbi”. Le Rabbi répondit: “Une personne ne peut être forcée dans une telle entreprise. Il faut que vous y consentiez... Si moi - m ê me j’ i nterc è de à ce sujet, cela deviendra probablement une réalité...” Un an et demi plus tard, Rav Israël Meïr Lau devenait Grand Rabbin d’Israël. Ce soir-là, lors d’un dîner spontané de remerciement dans son foyer, Rav Lau raconta que, malgré toutes les tensions de la campagne électorale, il n’avait jamais douté qu’il atteindrait cette haute fonction. Comme il l’a déclaré dans de nombreux interviews, il croit avec une foi parfaite dans les paroles prophétiques du Rabbi qui se sont toujours concrétisées. Traduit par Feiga Lubecki