Après avoir été admis dans l’Armée de l’air américaine, comme aumônier, Rav Israël Haber informa le Pentagone qu’il n’acceptait sa mutation en Alaska que si on y construisait un Mikvé, un bain rituel.

Quand on m’informa que les ingénieurs de ma base Elmendorf Air Force Base Alaska avaient rassemblé tous les matériaux nécessaires pour la construction du Mikvé, je téléphonai à Rav Gershon Grossbaum, émissaire du Rabbi à St-Paul (Minnesota), afin qu’il en supervise les travaux. Il accepta de venir dès que j’en aurais reçu la permission. Comme on était juste deux semaines avant Pourim, je demandai à mon supérieur si Rav Grossbaum pouvait venir pour la fête à laquelle sa présence ajouterait un reflet particulier.
« Avec plaisir ! » répondit-il.
C’est ainsi que quelques jours plus tard, je me rendis avec mon épouse Miriam à l’aéroport international d’Anchorage pour accueillir Rav Grossbaum. Je lui expliquai qu’il rencontrerait le colonel Brame le lendemain matin.
Bien qu’ils se soient parlé plusieurs fois au téléphone, le colonel Brame ne savait pas du tout à quoi ressemblait un rabbin. Par ailleurs, pour amoindrir le choc, je devais initier Rav Grossbaum quant au protocole à observer dans une base militaire : il devait enlever son chapeau en entrant dans une pièce, il pouvait garder sa Kippa et remettrait son chapeau en sortant.
« Pas de problème, Capitaine Haber ! » sourit Grossbaum en esquissant un salut militaire.
Le lendemain, tandis que nous entrions dans le bâtiment, Rav Grossbaum salua les soldats en portant la main à son chapeau qu’il garda cependant sur la tête. Les gens nous regardaient avec curiosité. Ils n’avaient sans doute jamais vu un rabbin ‘hassidique. Rav Grossbaum était aussi incongru dans cette base qu’un ours polaire dans un hôtel de Miami…
Quand j’ouvris la porte du bureau du colonel, j’eus un choc. Le colonel s’était levé et précipité vers Rav Grossbaum qu’il accueillit chaleureusement : depuis six mois, ce colonel protestant avait discuté au téléphone avec ce rabbin Loubavitch à propos de la construction du Mikvé et maintenant ils se saluaient avec affection comme s’ils se connaissaient depuis des années.
Un major et un sergent du corps d’ingénieurs observaient avec curiosité cette réunion inhabituelle. Derrière eux se trouvaient collés au mur des croquis du futur Mikvé. Ils expliquèrent en langage technique les détails du plan. Au bout d’un moment, Rav Grossbaum prit la parole et, portant toujours son chapeau sur la tête, dit : « Avec votre permission, j’aimerais proposer quelques modifications… » Il prit du papier millimétré et se lança dans des explications techniques que je ne pouvais pas suivre. Je notai que le colonel Brame était impressionné. Tandis que Rav Grossbaum continuait ce qui ressemblait à une thèse de doctorat sur la construction du Mikvé, le colonel jetait des regards désapprobateurs sur le major et le sergent qui avaient fait tant d’erreurs. La discussion reprenait et les croquis furent corrigés.
Le colonel Brame me prit à part : « Capitaine ! Je voudrais vous dire quelque chose à propos de votre rabbin : lui, il ressemble vraiment à un rabbin ! »
Aux yeux du colonel Brame, Rav Grossbaum ne pouvait avoir tort. Il congédia l’équipe d’ingénieurs et déclara : « Monsieur le rabbin ! Vous et moi nous allons construire ensemble ce Mikvé ! »
Ce n’est certainement pas une coïncidence si les travaux commencèrent dans le mois d’Adar, un mois joyeux pour le peuple juif. Voici l’article qui parut à ce sujet dans le « Anchorage Times » la veille de Pourim :

« Aujourd’hui, les Juifs observent le jeûne d’Esther qui sera suivi, ce soir, par la fête de Pourim dont les offices religieux seront célébrés dans l’oratoire n°1 de la base militaire d’Elmendorf. Rav Israël Haber dirigera les offices ce soir et demain matin, pour ce jour de fête quand les Juifs donnent la charité, s’offrent mutuellement des cadeaux de nourriture et participent à un joyeux festin. La fête de Pourim célèbre la victoire des Juifs sur le roi Assuérus qui avait ordonné de tuer tous les Juifs de son royaume. Rav Haber précise que c’est un moment très joyeux, où l’amitié entre Juifs est grande et où on donne de la charité. Pourim est adoré par les enfants qui ont la permission d’interrompre la lecture de la Méguila (le rouleau d’Esther) avec des instruments bruyants chaque fois qu’est mentionné le nom d’Haman, le pire ennemi des Juifs.
En Alaska, pour diriger les offices de Pourim et de Chabbat à Forth Wainwright à Fairbanks, se trouve Rav Gershon Grossbaum, un ‘hassid de Loubavitch. Il retournera la semaine prochaine à Anchorage pour diriger les travaux de construction d’un bain rituel appelé Mikvé, qui sera situé dans l’oratoire n°2. Ce sera le premier Mikvé construit en Alaska ! »

Effectivement le lendemain de Pourim, Rav Grossbaum était de retour à Anchorage, alors que les travaux avançaient au pas de charge pour terminer le Mikvé. Quel spectacle que de le voir - toujours coiffé de son chapeau noir - diriger les plombiers, électriciens, charpentiers, poseurs de ciment et peintres à chaque étape du projet ! Et quelle surprise sur leurs visages quand ces artisans découvraient que leur patron sur cette base militaire était un Loubavitch barbu, sorti tout droit du Minnesota !

Rav Israël Haber
« A Rabbi’s Northern aventure »
traduit par Feiga Lubecki