Les Sages nous enseignent que la délivrance de l’exil d’Egypte a été permise par un triple mérite : les Juifs ont gardé leur langue, leur façon de s’habiller et leur prénom…

«On avait choisi un orateur extraordinaire pour clôturer cette soirée, quelqu’un de célèbre pour son intelligence et son humour. Malheureusement, il est malade. Et vous n’avez d’autre choix que de m’écouter:
Ce soir, je veux vous parler de noms. Un des faits intéressants dans le judaïsme, c’est les prénoms hébraïques – ils ont tous une histoire. En anglais, je m’appelle Stu Silver – rien de particulier. Mais en hébreu, je m’appelle Zalman Velvel ben Israël Yaakov. Et cela reflète toute une portion d’histoire.
Le prénom Velvel me vient de mon arrière grand-père. Né en Russie, il était rabbin, orthodoxe. Il quitta la Russie il y a plus de cent ans et, avec sa femme et ses trois fils, s’installa aux Etats-Unis. Dans le bureau d’accueil des immigrés, à Ellis Island, l’officier d’état-civil demanda à mon grand-père son nom : « Youssalovitch ! » répondit-il. « Cela ressemble à Silver » résuma le dit-officier. Affaire conclue. Quelle logique ? Pourquoi y aurait-il une logique ?
Prochaine étape : Brooklyn. La vie n’y était pas facile. Chacun devait travailler. Quand le deuxième fils se lança dans les affaires, David ben Velvel s’installa dans la vraie Amérique, les quartiers chics, Astoria à Queens. Il ouvrit un magasin de vêtements. La loi interdisait le travail dimanche. David prétendait encore être orthodoxe : il « s’arrangea un petit peu », travailla donc Chabbat mais pour la “bonne cause”, pour nourrir sa famille.
Mon père, Israël Yaakov ben David ne marcha pas non plus dans les pas de son père. Il devint dentiste. Et comme tous ceux qui ont « réussi », il s’installa dans la grande banlieue. Il s’inscrivit à un « Temple » et travailla Chabbat. A la différence de son père, il n’en éprouvait aucun regret.
Le prénom Zalman me vient du père de ma mère. Il aimait plaisanter et bien manger : comme vous pouvez le voir par mon cour de taille, j’ai hérité sa personnalité…
Ce qui nous amène à moi. J’ai fréquenté le lycée Gallus de Long Island. Mon éducation juive a consisté à apprendre par-cœur les mots écrits en phonétique pour la Haftara à réciter le jour de ma Bar Mitsva. Ce dont je me souviens très bien, par contre, ce sont ces interminables séances à la synagogue : Roch Hachana, Kippour et Pessa’h, justement les jours où la prière est la plus longue… Dès que je le pus, j’arrêtai de me rendre au Temple.
Voici donc l’histoire de mon nom, Zalman Velvel fils d’Israël Yaakov. Il représente quatre générations depuis Rav Velvel, orthodoxe de naissance jusqu’à moi, né américain et à peine juif. Je n’utilisai mes prénoms juifs qu’à ma Bar Mitsva puis plus jamais.
Même si mon nom n’est pas typique, il reflète néanmoins ce qui arrive aux Juifs américains.
Cependant mon histoire personnelle a connu un grand changement, il y a trois ans. J’ai rencontré Yts’hak Yaakov ben Lema, autrement dit Rav Minkowicz, l’émissaire du Rabbi dans notre ville. C’est lui qui a recommencé à m’appeler par mes prénoms juifs, même à l’extérieur de la synagogue. Il m’a fait réaliser que malgré la réussite matérielle de ma famille, j’avais un manque spirituel que je n’arrivais pas à combler. C’était l’appel de Velvel qui me disait : « Zalman, reviens à la maison ! Chabbat commence bientôt et le repas va refroidir ! »
Et c’est ainsi que grâce à Rav Minkowicz, j’ai entrepris ma Techouva, mon retour à mon judaïsme. J’ai appris à lire l’hébreu, j’ai relu la Bible c’est-à-dire la Torah. Les femmes de ma famille allument les bougies le vendredi soir. Nous passons Chabbat tous ensemble, j’ai arrêté de travailler Chabbat, ma barbe a poussé et j’ai toujours la tête couverte, même en dehors de la synagogue, même au travail.
Et je suis passé à la vitesse supérieure, au stage le plus difficile : j’ai arrêté de manger abats, crevettes et homards.
Je veux encore vous faire partager une expérience bizarre : un de mes amis non-Juif, que je n’avais pas vu depuis des années, m’a reconnu dans un supermarché. Il m’a dit qu’il avait eu du mal à me reconnaître avec ma barbe et mon chapeau. Nous avons bavardé puis il m’a demandé, très franchement : « Es-tu plus heureux maintenant que tu es plus juif ? » J’ai répondu oui mais la question me hante depuis : « Suis-je plus heureux ? »
A première vue, je me suis dit : « Quelle question idiote ! En quoi le bonheur concerne-t-il les Juifs ? Un Juif souffre ! Ta mère t’a enseigné le sens du mot pêché ; ton père t’a enseigné la crainte et puis, avec cela, tu as eu une indigestion ».
Mais plus j’y pensais, plus j’étais convaincu que la question était vitale. Je devais m’en assurer auprès de mes proches.
Je commençai avec ma femme : « Dis-moi, depuis que je suis plus juif, ai-je changé ? »
Elle m’a regardé et a dit, pensivement : « A vrai dire, tu es devenu un meilleur mari… mais il y a encore des améliorations possibles ! »
Quant à mon fils, il étudia la question puis lâcha : « A vrai dire, papa, je trouve que tu es un meilleur père, un peu plus généreux d’ailleurs, de ton temps surtout – mais tu peux encore faire mieux ! »
J’ai fini par poser la question à Rav Minkowicz. Il caressa sa barbe, réfléchit puis répondit : « Zalman ! Tu es en train de devenir vraiment quelqu’un de bien mais (non, il ne l’a pas dit, il est trop bien pour le dire). Mais ce qu’il a dit, c’est : « Viens, nous avons encore beaucoup à apprendre ! »
Je suis donc forcé d’admettre que depuis que je suis devenu plus juif, je suis sur le bon chemin pour devenir meilleur mais j’ai encore beaucoup à faire.
Je tiens à remercier Rav Minkowicz, sa femme Ne’homi et leurs enfants pour avoir quitté le confort cachère de Crown Heights à Brooklyn, pour s’installer ici, à Southwest Florida. Je veux les remercier de nous avoir enseigné que le cœur et l’âme du judaïsme, c’est de devenir meilleur et – dans le même élan – d’aider les autres à s’améliorer.
Merci ! Et merci à vous de m’avoir écouté ! »

www.zalmanvelvel.com
Traduit par Feiga Lubecki