Jusqu'à il n'y a pas si longtemps, j'étais obligé de beaucoup voyager pour ramasser des fonds pour mes institutions d'étude de la Torah. Le but de ces voyages était bien défini, mais il me semble qu'à chaque fois D.ieu m'a permis de les utiliser également pour d'autres bonnes actions : rétablir la paix dans un foyer, réconforter un malade, aider une orpheline pour son mariage…

Voilà ce qui m'est arrivé, il y a environ dix ans. Je revenais de la côte ouest des Etats-Unis vers New York où je devais reprendre l'avion pour rentrer en Israël.
Au bout de deux heures et demi de vol, un steward fit une annonce angoissée au micro : " Y-a-t-il un médecin à bord ? Qu'il se signale à nos hôtesses ! " Un homme et une femme se levèrent et se dirigèrent vers le fond de l'avion.
Deux minutes plus tard, une hôtesse s'approcha de moi. Elle avait remarqué ma Kippa et, bouleversée, elle me demanda si je parlais l'hébreu. Je répondis que oui et elle m'invita à la suivre. Au fond de l'avion, un vieux couple d'Israéliens était entouré d'hôtesses et de médecins.
La femme semblait souffrir énormément, son visage était livide et elle tenait sa tête entre ses mains comme si chaque mouvement lui causait des douleurs atroces. Ni lui ni elle ne parlaient l'anglais et les médecins ne pouvaient donc pas les aider correctement. C'est pourquoi on m'avait demandé de faire l'interprète.
Le médecin examina la femme, lui demanda - par mon intermédiaire - ses antécédents médicaux. A un moment donné, il me tendit sa carte de visite : c'est ainsi que j'appris que se tenait devant moi un neurologue réputé, patron d'un des plus importants hôpitaux de New York.
D'après lui, la femme souffrait d'une inflammation de la boîte crânienne. " Il est très difficile de diagnostiquer une maladie sans les instruments adéquats ", s'excusa-t-il. Mais pour lui, il n'y avait qu'une chose à faire : atterrir au plus vite et hospitaliser la malade.
" Donnez-lui un comprimé pour atténuer la douleur et permettre à l'avion de continuer sa route " implora le mari.
Mais le spécialiste refusa : " Dans certains cas, ce genre de comprimés peut être fatal ! "
On fit venir le capitaine de bord. Il discuta sérieusement avec le médecin et, d'après ce que je compris, il lui expliqua combien il était compliqué (et coûteux), de procéder à un atterrissage d'urgence. Mais le médecin était catégorique : " Voulez-vous atterrir à New York avec un cadavre ? "
On annonça alors aux voyageurs que l'avion s'apprêtait à atterrir à Colombus (Ohio) d'ici quelques minutes. C'était la ville la plus proche d'un aéroport et d'un hôpital spécialisé pour traiter ce cas. On me demanda de rester auprès du couple si jamais on avait encore besoin de mes services.
Je m'assis donc à côté du mari qui se mit à me raconter sa vie : " J'ai combattu dans toutes les guerres d'Israël. Nous ne nous sommes jamais accordé de véritables vacances. C'est la première fois que nous nous rendons à l'étranger et voilà que tout s'écroule ! " Je tentai de le réconforter en lui faisant remarquer que, grâce à D.ieu, il se trouvait dans l'avion un médecin justement spécialisé en neurologie, que grâce à son conseil, on avait évité d'administrer à son épouse un antalgique fatal et qu'on allait atterrir incessamment. Sa femme s'en sortirait et, avec l'aide de D.ieu, tout irait bien.
A côté de nous, se trouvait une vieille dame, apparemment juive. Elle se tourna brusquement vers moi et me demanda : " Monsieur le rabbin, n'avez-vous pas l'habitude de prier pour la guérison des malades ? " Elle avait raison et je la remerciai de sa remarque. Je pris dans ma poche un petit livre de Psaumes et je proposai au mari de s'associer à ma prière pour le bien-être de la malade. Il me lança un regard dur et écarta le livre que je lui tendais : " Je n'ai pas besoin de cela ! " déclara-t-il.
Ce n'était pas le moment de discuter et je me mis à lire moi-même. Au bout de quelques minutes, le mari éclata en sanglots et, malgré mes efforts, je ne parvins pas à le calmer. D'une voix tremblante, il me dit : " Toute ma vie, j'ai nié l'existence de D.ieu mais maintenant j'ai besoin de Son aide ! "
Durant les quelques minutes qui restaient jusqu'à l'atterrissage, je lui suggérai d'adopter au moins trois Mitsvot, trois commandements principaux : l'observance du Chabbat, la cacherout des aliments et la mise quotidienne des Téfilines sur le bras gauche et la tête. Par ailleurs, je lui remis le nom d'un de mes amis qui occupe le poste de rabbin à Colombus et qui pourrait l'aider de diverses manières.
Dès l'atterrissage, une équipe médicale pénétra dans l'avion avec une civière sur laquelle on plaça la malade qu'attendait une ambulance. Avant de sortir de l'avion, le mari se retourna et me cria, du fond du cœur : " Continuez de prier ! "
Par la suite, je renouai le contact avec le mari qui était retourné en Israël car il m'avait laissé son numéro de téléphone. Il s'avéra que le diagnostic du spécialiste rencontré dans l'avion avait été exact et que, grâce à son insistance à faire atterrir l'avion au plus vite, la femme avait eu la vie sauve.
Après m'avoir remercié pour ma sollicitude, le mari m'annonça un grand secret : " Sachez que grâce à vous, nous respectons maintenant le Chabbat et la cacherout. Et chaque jour, je mets les Téfilines ! "

Rav Shlomo Goldhaber - Jérusalem
Si'hat Hachavoua
Traduit par Feiga Lubecki