Mikhail Ekshtut est sur le front. Et sa mère est inquiète.
Appelé en renfort pour la libération de l’Irak, Mikhail a eu un problème de conscience : toujours prêt à servir son pays, il hésitait cependant à dire à sa mère toute la vérité. Si elle savait où il se trouve actuellement, elle serait bien trop soucieuse. Alors il ne lui a pas dit toute la vérité. “ Elle pense que je suis en Turquie, ne lui dites pas que je suis en… ”
De fait, ce demi-mensonge n’est pas destiné qu’à sa mère. Pour des raisons évidentes de sécurité, il n’a pas le droit de révéler dans quel pays arabe il se trouve. Il explique néanmoins que son escadrille a fourni une couverture aérienne pour les troupes d’élite qui ont localisé et capturé Saddam Hussein hors de son trou en décembre dernier.
En tant qu’assistant des aumôniers, Mikhail (32 ans) a parfois l’occasion d’escorter ceux-là quand ils s’aventurent hors de leurs bases : à ce moment-là, il est toujours armé, on ne sait jamais.
Mikhail est un soldat sympathique, qui plastronne gentiment, le sourire aux lèvres. “ C’est vrai qu’il y a des incidents ici ou là, mais le danger n’est pas immédiat, la vie à la base est relativement sûre et parfois même, joyeuse. A ‘Hanouccah, par exemple, j’ai pu faire participer aux traditions de la fête toute mon unité. J’avais reçu un colis de l’Institut Aleph, une organisation Loubavitch de Miami qui s’occupe des prisonniers, des soldats etc… Il y avait des Ménorah, des bougies, des toupies et des guides pour la fête. Tant de bonnes choses mais je n’avais qu’un tout petit nombre de soldats juifs autour de moi. Alors j’en ai distribué un peu aux autres, et même au commandant. Après le briefing quotidien, il a sorti sa toupie et s’est mis à jouer avec les soldats ! Je me suis donc levé et j’ai expliqué l’histoire de ‘Hanouccah, le message de la lumière qui parvient toujours à vaincre l’obscurité, la nécessité d’augmenter chaque jour les bonnes actions : un message qui passe bien en ce moment ! ”
Même s’il n’a pas de Juifs autour de lui, Mikhail a de quoi faire. L’aumônier est un Episcopalien et, ensemble, ils sont au service de tous les soldats, quelle que soit leur religion. “ En enseignant aux non-Juifs le judaïsme, je veux être exemplaire, sanctifier par ma conduite le Nom de D.ieu dans le monde, enseigner les sept lois des Enfants de Noé, ce qui forme la base d’une morale universelle.
“ Pour aider mes camarades juifs, je me suis fait envoyer une paire de Téfilines supplémentaires. Moi-même j’avais voyagé avec une compagnie aérienne régulière, mais mes bagages avaient été perdus. Ils arrivèrent quelques jours plus tard, mais le capitaine qui m’accueillit à l’aéroport avait une mauvaise nouvelle pour moi : “ Les douaniers ont confisqué tous tes trucs religieux. Ils ont trouvé quatre bouteilles de vin, ce qu’il est strictement interdit d’importer en pays musulman, et ces boîtes noires avec les lanières ainsi que des petits livres noirs. Je ne savais pas à quoi servaient ces petites boîtes alors je leur ai dit que c’était des vases pour de l’encens ou quelque chose comme ça… ”
“ Le vin était cachère, nécessaire pour le Kiddouch de Chabbat mais, à la rigueur, je pouvais m’en passer et faire Kiddouch sur le pain. Les petits livres noirs étaient des éditions militaires des prières quotidiennes : je possédais mon propre livre de prières et ces livres étaient destinés à d’autres soldats juifs éventuels. Mais les Téfilines étaient l’objet essentiel. Finalement un douanier nous a tout rendu, sauf le vin. Les Téfilines avaient été remis dans un sac “ Duty Free ” de l’aéroport, avec des publicités en arabe. Ils étaient complètement déroulés, ressemblaient à des spaghettis noirs en désordre mais, sinon, ils étaient encore parfaitement cachères.
“ Quand on est loin de la maison, dit Mikhail , c’est là qu’on comprend la valeur des Mitsvots comme les Téfilines : en dehors de chez soi, ce n’est pas toujours facile à accomplir !
“ Garder Chabbat n’est pas évident car dans une situation de combat, les gens ont du mal à admettre que quelqu’un ne travaille pas durant 25 heures d’affilée. J’essaie de ne pas allumer de lumière, de ne pas toucher un stylo ou un fusil. Pour le moment, D.ieu merci, j’ai réussi à respecter Chabbat scrupuleusement.
“ Manger cachère est encore un autre problème. On me fournit des barquettes M.R.E., prêtes à être dégustées. Mais ceux qui en ont goûté savent que ce n’est vraiment pas appétissant. Alors je fais très attention : j’ai emporté des réserves de thon en boîte et j’ai trouvé des chips cachères dans les cuisines. Souvent je me contente d’œufs et de salades ”.
Malgré ces difficultés, Mikhail affirme qu’il est fier et heureux de remplir ses obligations militaires dans l’Armée américaine. Après tout, qui refuserait de défendre son pays quand le seul problème éthique qu’affronte un soldat pratiquant est : les gaufrettes, sont-elles cachères ?

David Klinghoffer (Forward)
traduit par Feiga Lubecki