La naissance de notre fils Eliézer, notre septième enfant, avait été difficile, précédée et suivie par huit fausses couches ! Oui, Eliézer était un bébé du miracle; mais il allait devenir un homme dans des conditions tout aussi miraculeuses…
Pour sa Bar Mitsva, j’avais décidé de tout cuisiner moi-même. La veille de la fête, toute la nourriture était prête, je n’avais plus que quelques gâteaux à préparer. Nous n’avions pas envoyé de faire-parts; nous avions juste mis une annonce dans le journal local et nous attendions au maximum quatre-vingt personnes dans la salle de réception de la synagogue Guerer d’Ashdod. Avec le terrorisme ambiant, les gens ont peur de sortir le soir, surtout pour se rendre dans une autre ville. Tout en enfournant mes gâteaux, j’écoutais la radio, comme tous les Israéliens. Il y avait eu deux attaques terroristes ce jour-là, une à Natanya et une à Jérusalem: de nombreux morts, que D.ieu venge leur sang, et de très nombreux blessés, que D.ieu aie pitié d’eux! Comment pouvais-je garnir mes gâteaux de vermicelles au chocolat tandis que des familles pleuraient des morts et soignaient des blessés?
Le lendemain, nous apportâmes toute la nourriture dans la salle de réception: nous l’avions joliment décorée, bien que le repas fût très simple. Des Rabbanim nous honorèrent de leur présence. D.ieu merci, il y eut assez de nourriture pour les cent trente personnes(!) qui vinrent participer à notre joie. Bien qu’il n’y eut pas de micro (où donc était-il passé ?) Eliézer prononça son discours à voix haute et la musique ‘hassidique distillée par des cassettes couronna cette ambiance simple et joyeuse.
Tout se passa bien. Oui j’étais épuisée mais heureuse. Ma fille Estie et son mari partirent les premiers, avec leur bébé, parce qu’ils habitaient à Avné ‘Hefets, non loin de Natanya, et avaient donc une longue route semée d’embûches devant eux, car souvent des terroristes prenaient les voitures pour cibles.
Soudain, toute la salle fut violemment secouée, sans doute comme s’il y avait un tremblement de terre. Je pensai qu’il s’agissait d’un avion volant à basse altitude. Je n’imaginais pas qu’il puisse s’agir d’une attaque. Comme j’étais évidemment dans la section des femmes, je ne vis rien ni personne. Je me levai pour chercher dans la cuisine les gâteaux qui me rappelaient les attentats évoqués la veille à la radio.
C’est alors qu’on entendit des rafales de mitraillette M16 : Rat-A-tat-tat… Les panneaux qui séparaient les hommes des femmes furent brusquement écartés et les hommes affolés se précipitèrent du côté des femmes; certaines d’entre elles, comprenant enfin ce qui se passait, s’enfuirent également en direction de la petite synagogue: “Ils ont tiré ! Ils ont atteint quelqu’un ! Que D.ieu nous protège !…”
En l’espace de quelques secondes, la salle de réception s’était vidée. Le terroriste avait vidé son chargeur. Tous les convives se terraient dans les couloirs, la cuisine et la synagogue.
La police arriva très vite sur les lieux, ainsi que six hommes de la “‘Hevra Kadicha”, pour dégager éventuellement les morts. Alors que la police avait bouclé le secteur (et nous empêchait de sortir de nos abris), les hommes de la ‘Hevra Kadicha qui s’attendaient à passer une nuit sinistre après une telle attaque, s’aperçurent avec étonnement qu’il n’y avait eu aucun mort !
Le terroriste arabe de dix-sept ans avait revêtu un uniforme volé à Tsahal. Il avait tiré à quatre reprises sur Morde’haï Chemen, un ami de mon fils. Agé de douze ans, Morde’haï avait reçu deux balles dans le bras droit et deux balles dans la jambe gauche. Il a subi depuis plusieurs opérations chirurgicales et continue de subir des traitements. Nous attendons tous avec impatience qu’il soit complètement remis de ses blessures et qu’il puisse mettre tout seul ses Téfilines ! Quelle fête ce sera !
Par la suite, la police reconstitua ce qui s’était passé: le terroriste avait été amené devant la salle de réception. Tenant nonchalamment son fusil, il avait vu ma fille Estie, son mari et son bébé, mais ne les avait pas inquiétés, alors qu’ils étaient à sa portée. Ensuite, il avait jeté une grenade dans la salle, mais elle n’avait pas explosé bien qu’il l’eût dégoupillée! C’était alors que la salle avait tremblé. Il avait ensuite lancé une autre grenade en direction de deux dames qui venaient de quitter la réception mais celle-ci aussi n’avait pas explosé!
Puis il avait mitraillé la salle mais pas très longtemps car le M16 s’était enrayé. Un tireur plus expérimenté l’aurait facilement remis en marche, mais ce terroriste de dix-sept ans, pris de panique, jeta le fusil et s’enfuit. Le conducteur qui l’avait amené s’était déjà enfui et la police arrêta bien vite le terroriste.
On compta par la suite plus d’une centaine d’impacts de balles dans la salle et à l’extérieur. Et pourtant, il n’y avait qu’un blessé, que D.ieu lui envoie rapidement la guérison complète.
Les antisémites de toutes les générations veulent nous détruire. Mais D.ieu a d’autres projets. Dix mois après cette bouleversante Bar Mitsva, mes trois filles mariées donnèrent naissance à trois bébés.
Non seulement nous sommes toujours là et nous avons été sauvés, mais nous nous sommes multipliés!

Dina Malka Ne’hama Lyons
traduite par Feiga Lubecki