Mon beau-père, un ‘Hassid de Belz, habitait en Autriche dans les années 30. Après son mariage, il ouvrit un magasin dans la ville où il vivait. Un matin, alors qu’il était déjà parti travailler, la police se présenta à son domicile pour le chercher.
Sa femme, consciente de la gravité de la situation, répondit : “Il est déjà parti depuis longtemps et ne reviendra pas avant quelques heures”. L’officier lui demanda de transmettre à son mari, dès son retour, qu’il devait venir le voir au commissariat. Puis les policiers partirent.
Après avoir attendu un instant, sa femme se précipita au magasin. En entendant la nouvelle, mon beau-père comprit que ce brusque intérêt de la police à son égard n’était pas de bon augure et il demanda à sa femme de retourner à la maison, d’emballer un maximum d’affaires et d’emmener les enfants pour fuir le pays.
Il réussit à se procurer une voiture et à emmener sa famille en Suisse. En route, ils informèrent le Rabbi de Belz de leur situation et celui-ci envoya une bénédiction bien explicite : bien que les Nazis continueraient à le poursuivre, le Rabbi de Belz assurait mon beau-père qu’il aurait toujours une longueur d’avance sur eux.
De la Suisse, il passa en France et s’établit à Paris : il ouvrit un petit restaurant dans le quartier juif, le “Pletzel”, de la rue des Rosiers. Un jeune homme entrait souvent dans cet endroit pour discuter de Torah et de Hala’ha (la loi juive) avec les différents convives. Comme mon beau-père est très sociable et aime connaître ses clients, il demanda à ce jeune homme qui il était ; mais celui-ci refusa gentiment et, avec un sourire, il répondit : “Nous nous rencontrerons encore une fois!”.
Un jour, deux vieux ‘Hassidim accompagnèrent le jeune homme et on voyait qu’ils s’adressaient à lui avec beaucoup de respect. Comprenant que ce jeune homme devait effectivement être une personnalité extraordinaire, mon beau-père demanda à ces ‘Hassidim qui il était, mais le jeune homme leur fit signe de ne rien révéler de son identité.
Au printemps 1940, le jeune homme entra dans le restaurant et prit congé de mon beau-père : “Je m’apprête à quitter la ville et je voudrais vous remercier pour votre hospitalité”.
Mon beau-père profita de cette occasion : “Puisque maintenant vous nous quittez, dites-moi donc qui vous êtes !”.
Le jeune homme répondit: “Partir sans rien est impossible, dit le Talmud. Alors je vous raconterai une histoire du saint Rabbi de Rougine”. Il relata donc un incident qui était arrivé et, à la fin, le Rabbi de Rougine disait: “Nous nous rencontrerons encore une fois!” Et il partit.
La guerre fut longue et douloureuse et mes beaux-parents s’établirent en Angleterre. Un de leurs fils (donc mon beau-frère) se maria et s’installa à New York.
Un jour, mon beau-père qui était parti lui rendre visite, tomba malade: la pneumonie. Mais comme il était également diabétique, cela posait à l’époque un gros problème: les médicaments qui pouvaient guérir une de ses maladies étaient incompatibles avec ceux de l’autre maladie. On l’amena d’urgence à l’hôpital, mais aucun médecin ne savait comment le soigner.
Sa situation empira.
Il dit à son fils: “Tout est entre les mains du Créateur. Va chez ces trois Rebbeïm – celui de Satmar, celui de Klausenbourg et celui de Loubavitch – et demande leur bénédiction!”.
Mon beau-frère s’acquitta avec empressement de cette mission et rapporta les réponses: “Le Rabbi de Satmar te bénit pour “une guérison complète” - ce sont ses mots exacts et le Rabbi de Klausenbourg dans les mêmes termes. Le Rabbi de Loubavitch a répondu : “Nous nous rencontrerons encore une fois”.
Alors que cette dernière phrase signifiait bien sûr qu’il guérirait et sortirait de l’hôpital, mon beau-père était peiné que le Rabbi de Loubavitch n’ait pas donné une bénédiction directe.
Le lendemain matin, quelqu’un frappa à la porte de sa chambre d’hôpital. Un inconnu entra, se présenta comme médecin et expliqua qu’il était venu à la demande du Rabbi de Loubavitch. Il examina le dossier médical de mon beau-père et sourit: “Il se trouve que votre cas est justement l’objet de ma spécialité: d’ici quelques jours, vous serez complètement rétabli et pourrez quitter l’hôpital !”.
Le personnel soignant suivit respectueusement les directives de ce spécialiste et, effectivement, mon beau-père put quitter l’hôpital peu de temps après et décida de se rendre chez le Rabbi de Loubavitch pour le remercier de s’être intéressé à son cas en lui envoyant le bon médecin.
En entrant dans le bureau du Rabbi, il eut un choc et se tint, pétrifié, alors qu’il avait reconnu le jeune homme qui venait de temps en temps dans son restaurant à Paris. Maintenant il comprenait le sens de cette bénédiction si particulière.
Le Rabbi sourit et lui dit calmement: “Je vous avais dit que nous nous rencontrerions encore une fois !”.

Reb Y. Goldberg
traduit par Feiga Lubecki