Chaque année, le 19 Kislev, les ‘Hassidim recommencent l’étude quotidienne du Tanya, œuvre maîtresse de Rabbi Chnéour Zalman.
Le Tanya, appelé également “Le livre des hommes intermédiaires”, est sans doute le livre juif qui a connu le plus grand nombre d’éditions de par le monde. En effet, le Rabbi de Loubavitch avait demandé de le faire imprimer dans toute ville où habitent des Juifs, afin de leur donner l’occasion d’acheter et d’étudier ce livre qui constitue véritablement la “Torah écrite de la ‘Hassidout”. L’édition n° 119 eut lieu à Téhéran, capitale de l’Iran, en 1978.

“Environ un an avant la révolution islamique, deux émissaires du Rabbi arrivèrent en Iran pour y imprimer le Tanya, avec l’accord du Conseil de la Communauté juive. Il fut même décidé d’en imprimer un grand nombre afin d’en distribuer un exemplaire à chaque membre de la Communauté.
Le processus d’impression fut beaucoup plus long que prévu. Entre-temps, la révolution de Khomeïni bouleversa le pays. Comme j’étais responsable spirituel, je m’efforçais de faire sortir de l’imprimerie tous les exemplaires du Tanya qui étaient déjà prêts et je les fis transporter dans la grande salle de la bibliothèque où on les entassa dans un désordre indescriptible.
A cette époque, le gouvernement issu de la révolution islamique décréta une nouvelle loi : l’épuration. Il s’agissait, en moins d’un mois, de détruire tous les papiers, documents et livres où figuraient les armoiries du royaume, le symbole de Cyrus, le nom de l’ancien souverain (le “Shah”) etc... Chaque citoyen, chaque organisation devait s’acquitter de cette tâche sous peine d’un châtiment sévère pouvant aller jusqu’à la mort.
Nous, responsables de la communauté, nous étions confrontés à un problème insurmontable. En effet, nous possédions des archives de plus de cent ans qui portaient pour la plupart des emblèmes royaux et le nom du Shah. Par exemple la communauté possédait un stock de pièces d’or qu’elle avait fait frapper spécialement à l’occasion des fêtes du 2500ème anniversaire du couronnement de Cyrus. D’un côté, il y avait le symbole de la Ménorah et de l’autre, l’emblème du Shah, de Cyrus ou de la couronne.
Vu la valeur inestimable de ces objets, il nous était difficile de “purifier” la bibliothèque et les archives ; mais même quand nous dûmes nous rendre à l’évidence et entamer la destruction, il nous fut impossible d’accomplir cela en si peu de temps.
A la fin du mois, avant même que nous ayons pu commencer quoi que ce soit, mon secrétaire entra précipitamment dans mon bureau et m’annonça que deux fonctionnaires du gouvernement s’étaient présentés pour vérifier que nous avions bien appliqué la “Loi de Purification”.
Cette nouvelle me glaça le sang. Je savais que j’allais être jeté en prison et qu’un grand danger planait sur toute la communauté. Déjà je murmurai les mots de confession et le Chema Israël comme le récite celui qui risque de mourir. Quand les fonctionnaires entrèrent, j’étais comme paralysé par la peur mais je décidais, sans trop savoir pourquoi, de les amener dans la bibliothèque.
Ce qui les frappa d’emblée, c’était les caisses de livres qui traînaient un peu partout. Un des fonctionnaires se baissa pour ramasser un des livres. C’était justement un Tanya. Il me demanda de quoi il traitait et j’entrepris de lui expliquer qui était Rabbi Chnéour Zalman, Rabbi Israël Baal Chem Tov, ce qu’étaient la ‘Hassidout et, en particulier, le mouvement Loubavitch. Je soulignais que le Tanya était le livre de base de la philosophie ‘Habad. Il ouvrit le livre et me demanda d’en traduire une page “au hasard” : c’était précisément la première page de “La Porte de l’Unité et de la Croyance”. Je traduisis et expliquai aussi bien que je pus les profonds concepts présentés par Rabbi Chnéour Zalman. Quand j’eus fini, le fonctionnaire ferma le livre, l’embrassa et déclara, impressionné : “Dans un endroit où se trouvent de tels livres, il n’est pas nécessaire d’en demander davantage...!”
Nous étions stupéfaits. Quand je retrouvai mes esprits, je lui demandais, avant qu’il ne parte, de bien vouloir écrire quelques mots et apposer sa signature sur le Livre d’or de la Bibliothèque, ce qu’il fit avec beaucoup de respect.

Rav Yéhouda Ezra’hian
traduit par Feiga Lubecki