A Jérusalem, le quartier Har Nof est habité par de nombreux immigrants originaires des Etats-Unis. C’est là que le Rabbi de Boston, Rabbi Lévi Yits’hak Horowitz – que son mérite nous protège – résidait six mois par an. 

Ce quartier a la particularité d’être construit sur des collines assez raides et les immeubles d’habitation sont entourés d’allées et de jardins bien au-dessus du niveau de la rue.
Un hiver, un des habitants ajouta un balcon à son appartement et pour cela, coupa tout le haut d’un arbre voisin qui, sans doute, lui cachait la vue. Il déposa fièrement son trophée dans une allée où il se trouva au même niveau que le sommet d’un arbre fruitier planté plus bas sur la colline et là ils se dressaient tous deux, côte à côte, tous deux sans feuillage durant tout l’hiver.
Un jour le Rabbi de Boston passa devant ces arbres et remarqua devant un de ses ‘Hassidim : «Ces deux arbres nous enseignent une grande leçon de Moussar, de morale. Tous deux semblent stériles mais seulement parce que c’est l’hiver. Vous verrez au printemps, celui qui n’est que posé sur l’allée restera sans feuillage ; mais celui qui est planté en contrebas et qui a des racines s’épanouira et produira feuilles, bourgeons et fruits».
Ce qu’il voulait dire, c’est que tout au long de l’hiver, de l’exil, tous les Juifs semblent partager le même sort, peu enviable, qu’ils soient ou non enracinés dans l’étude de la Torah et la pratique des Mitsvot. Mais à l’époque de Machia’h (le printemps), la différence entre les deux choix de vies sera visible : les Juifs attachés au mode de vie juive traditionnelle porteront des fruits et s’épanouiront dans la spiritualité tandis que ceux qui n’ont pas de profondes racines n’en produiront pas.
Des moineaux s’étaient gaiement installés sur les branches vides et le Rabbi de Boston en profita pour raconter à son ‘Hassid une autre parabole : «Les feuilles sur l’arbre étaient heureuses. Elles étaient nourries de la sève qui montait du tronc, jouissaient d’une vue magnifique sur le paysage et se balançaient au rythme de la brise. Un jour, des moineaux se perchèrent sur une branche. Certaines feuilles remirent leur sort en question et devinrent jalouses. Pourquoi devaient-elles rester toute la journée clouées à la même place ? Pourquoi ne pouvaient-elles pas, elles aussi, quitter la branche et s’envoler gracieusement dans les airs comme les oiseaux ?
Leur jalousie augmenta de jour en jour jusqu’à ce que se lève une puissante tempête : un vent violent balaya justement ces feuilles et les arracha de l’arbre.
Leur rêve s’était réalisé ! Elles s’élevèrent au gré du vent, dansèrent joyeusement en s’interpelant l’une l’autre : «Comme c’est magnifique ! Quelle liberté ! Maintenant nous ressemblons aux autres, aux oiseaux, aux abeilles ! Regardez comme je monte gaiement vers les cieux, je vois enfin d’autres horizons ! C’est cela, la vie !» 
Mais brusquement, le vent cessa de souffler et les feuilles tombèrent piteusement bien en dessous des oiseaux et des arbres, au sol. Là elles demeurèrent dans la boue, incapables de se relever à jamais».
Il en va de même pour ceux qui quittent notre tradition, avec ses contraintes mais aussi ses avantages. Ils peuvent s’élever et voler très haut «comme tous les autres» mais pas pour longtemps. La vraie vie, la vie spirituelle ne peut s’obtenir que si on demeure fermement attaché à l’Arbre de Vie.
Ces paraboles étaient puissantes, même un peu moralisatrices et sujettes à réflexion. Tous deux continuèrent de marcher en silence jusqu’à la synagogue, chacun étant plongé dans ses propres pensées.
Les semaines passèrent, le printemps arriva et Jérusalem se couvrit de verdure. Une fois encore, le Rabbi de Boston et le ‘Hassid se rendirent à la synagogue et passèrent devant «les arbres moralisateurs». Effectivement l’arbre bien enraciné arborait des branchages et des feuillages luxuriants mais l’autre aussi ! Que s’était-il passé ?
Une vigne avait grimpé le long du mur et son feuillage s’était enroulé sur les branches asséchées de l’arbre déraciné, le recouvrant complètement de feuilles et de fleurs.
«Voyez-vous, expliqua le Rabbi de Boston, même un arbre sans racines – un Juif coupé de ses racines de Torah – a la capacité de produire de beaux fruits, d’une certaine manière, s’il sert de support à ceux qui étudient la Torah, s’il aide – par exemple financièrement – ceux qui se consacrent à une vie de Torah ! »

Yerachmiel Tilles
« And The angels laughed » (Mesorah)
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traduit par Feiga Lubecki