Rav Chmouel Kaufman était arrivé célibataire à Detroit (Michigan) pour enseigner à de jeunes garçons à la Yechiva Beth Yehuda. Il passait Chabbat au domicile de mes parents, Rav Meir et Mme Cheina Avtzon. Il se maria avec Richa puis revint s’installer avec sa femme à Detroit.

Après plusieurs années de mariage, ils n’avaient toujours pas d’enfants. Mon père leur suggéra de se rendre à New York pour solliciter une bénédiction auprès du Rabbi de Loubavitch. Au début, il refusa, prétextant qu’il n’était pas Loubavitch mais, après qu’il se soit rendu auprès de plusieurs personnalités rabbiniques importantes et n’avait toujours pas été exaucé, il accepta de guerre lasse. Avec mon père, Rav Chmouel se rendit au 770 Eastern Parkway et demanda une entrevue avec le Rabbi. Une fois dans le bureau, il détailla sa situation et le Rabbi lui demanda s’il lui était arrivé, avant son mariage, d’avoir par mégarde heurté les sentiments d’une jeune fille au point qu’elle puisse lui en garder rancune.

Rav Chmouel répondit que non. Mais le Rabbi insista : «Peut-être vous a-t-on présenté une jeune fille en vue du mariage et lui avez-vous laissé entendre que c’était positif puis avez-vous mis un terme à ces rencontres sans vous excuser auprès d’elle ?». Une fois de plus, Rav Chmouel hocha la tête : il ne se souvenait de rien de tel.

Mon père qui assistait à cette entrevue intervint alors : «Si le Rabbi vous pose deux fois la question, vous devez fournir un effort pour vous rappeler d’un tel incident ! Il y a sûrement quelque chose !»

En réfléchissant bien, Rav Chmouel se souvint : une fois, on lui avait présenté une jeune fille et, comme il faisait froid, il lui avait prêté un pull pour qu’elle se réchauffe. Elle avait dû prendre ce geste comme une preuve qu’il s’intéressait à elle. Par la suite, il avait décidé de ne pas donner suite à cette rencontre et avait juste informé le Chad’hane (l’entremetteur qui avait organisé la rencontre) que c’était fini.

- Vous devez demander pardon à cette jeune fille, d’un cœur entier et sincère, s’exclama le Rabbi.

- Mais comment pourrais-je la retrouver ? s’étonna Rav Chmouel qui ne se souvenait même plus de son nom.

- Si vous cherchez vraiment, répliqua le Rabbi, vous serez étonné de constater combien ce sera facile de la localiser ! Une fois que vous aurez sollicité son pardon et qu’elle vous l’aura accordé de tout cœur, vous serez béni et aurez des enfants !

- Mais… hésita le jeune homme, si elle ne veut pas me pardonner…

- Vous lui promettrez – de ma part – que si elle vous pardonne sincèrement, ce sera bénéfique pour vous et pour elle !

L’entrevue se poursuivit avec un autre sujet : le Rabbi lui demanda comment il enseignait la Torah à ses élèves et s’il leur racontait des histoires de Tsadikim (Justes). Rav Chmouel répondit que non car il considérait que c’était du Bitoul Torah, une perte de temps comparée à l’étude sérieuse de la Torah.

- Raconter des histoires de Tsadikim est en soi-même de la Torah ! remarqua le Rabbi en ajoutant : racontez à vos élèves des histoires de Tsadikim, cela renforcera leur Émouna, leur foi en D.ieu !

En sortant de l’entrevue, Rav Chmouel se renseigna, chercha et finit par trouver le numéro de téléphone du frère de la jeune fille. Il l’appela et lui demanda s’il avait un moyen de joindre sa sœur.

- Pourquoi voulez-vous reprendre contact avec elle ? demanda-t-il sèchement. Il faisait froid, vous lui aviez prêté un pull et elle avait interprété ce geste comme une preuve de l’intérêt que vous lui portiez. Ensuite, vous avez mis un terme aux rencontres et cela lui avait fendu le cœur ! Depuis, elle vous en veut énormément pour votre conduite et s’est repliée sur elle-même ! De fait, elle se trouve justement à côté de moi mais elle ne veut certainement plus vous parler !

- Je vous en prie ! supplia Rav Chmouel. Je sors d’une entrevue avec le Rabbi de Loubavitch. Il affirme que la raison pour laquelle ma femme et moi-même n’avons pas encore d’enfants est cet incident fâcheux quand, sans le réaliser, j’ai causé tant de peine à votre sœur. Je veux lui demander pardon : croyez-moi, jamais je n’aurais pensé qu’elle le prendrait tellement à cœur et j’en suis terriblement désolé !

Une rencontre fut organisée. Au début, la jeune fille refusait de lui pardonner. Quand il lui expliqua que le Rabbi avait annoncé que, si elle le faisait sincèrement, cela ouvrirait les portes de la bénédiction pour elle aussi, elle réfléchit et accepta de tout cœur de lui pardonner.

Trois mois plus tard, ma mère téléphona à Rav Chmouel à six heures du matin ! Elle venait d’apprendre la grande nouvelle : la jeune fille en question venait enfin de se fiancer !

Un mois plus tard, la femme de Rav Chmouel tomba enceinte de leur fils aîné, Yona. Les années suivantes, ils eurent la joie de mettre au monde encore six enfants.

Mais ce qui est peut-être le plus extraordinaire dans cette histoire est le fait que les élèves de Rav Chmouel (qui est décédé il y a peu de temps) se souviennent de lui comme d’un très bon professeur. Il a inspiré des centaines et peut-être des milliers d’élèves qui vivent maintenant à la hauteur de l’exemple de piété qu’il leur avait donné.

Quel était son secret ? Des histoires !

Durant toute sa carrière dans le domaine de l’éducation, Rav Chmouel racontait des histoires comme vous n’en avez jamais entendues ! Quand il parlait, vous sentiez qu’il vivait l’histoire qu’il racontait et vous pouviez vraiment la visualiser. Il mettait tout son cœur dans ses récits et donnait vie aux caractères qu’il décrivait avec une foi en D.ieu absolument remarquable.

Le Rabbi lui avait recommandé de raconter des histoires et l’avait assuré que ce n’était certainement pas Bitoul Torah mais la Torah elle-même. Depuis ce jour, il n’avait jamais cessé de raconter des histoires de Tsadikim à ses élèves.

La majorité d’entre eux ne provenaient pas de familles Loubavitch mais leurs vies avaient été durablement impactées par les conseils du Rabbi.

Rav Lazer Avtzon - COLlive

Traduit par Feiga Lubecki