Comme des milliers d’Israéliens après leur service militaire, Erez et Ora s’étaient envolés pour l’extrême Orient. Tous deux étaient originaires de Kibboutzim dans lesquels la religion – surtout le judaïsme – était considérée comme «l’opium des peuples». D’ailleurs, ils n’en connaissaient pratiquement rien.
Ils avaient voyagé d’un pays à l’autre, avaient rencontré des étrangers, avaient mangé les plats locaux, campé dans la jungle, escaladé des montagnes, mais avaient veillé à toujours rester en contact avec leurs familles respectives.
Un jour, les parents d’Erez lui avaient proposé de revenir passer deux semaines en Israël : sa sœur devait justement venir du Canada. C’était donc une superbe occasion pour une réunion de famille. Enchanté, Erez accepta la suggestion et, avec l’accord de son amie Ora, il retourna en Israël. Là, il passa deux semaines merveilleuses, ressentant une unité et un amour comme il ne l’avait jamais expérimenté. Les repas, les promenades, les échanges de souvenirs, les histoires autour des anciennes photos… Tout ceci lui laissa une impression extraordinaire. Puis sa sœur repartit au Canada et Erez rejoignit son amie en Thaïlande.
Dès son arrivée, il téléphona à sa mère comme d’habitude pour la rassurer qu’il avait fait un bon voyage mais celle-ci n’arrivait pas à retenir ses larmes : le père d’Erez avait subi une attaque cardiaque juste après le départ de ses enfants et… était décédé. L’enterrement se déroulerait dans quelques instants.
Erez était pétrifié. Toute la famille venait justement de passer deux semaines magnifiques qui, de fait, avaient été les dernières semaines de son père. Ce ne pouvait être une coïncidence ! 
Non, il n’envisageait pas de prendre le deuil puisqu’il n’était pas pratiquant mais une question le hantait : D.ieu existait-Il pour expliquer un tel «hasard» ? 
Son amie Ora refusait de réfléchir à D.ieu. Tout ce qu’elle voulait, c’était apprécier le voyage et croquer la vie sans s’encombrer de religion. Erez soupirait parfois mais la suivit dans cette recherche effrénée de jouissance immédiate.
Un jour, Ora revint avec une nouvelle fantastique : en Inde, un maître du yoga, mondialement connu disait-on, présiderait un séminaire de silence et méditation pendant dix jours. Cette fois-ci Erez refusa : pourquoi ne voulait-elle pas s’intéresser au judaïsme et s’enthousiasmait-elle pour un ashram ? Ils se séparèrent donc pour dix jours : il se rendit au Beth ‘Habad de Bangkok (elle avait refusé d’y mettre les pieds et l’avait attendu à l’extérieur). Il demanda à Rav Nechemia Wilhelm des cours de Torah. Celui-ci mit immédiatement à sa disposition plusieurs étudiants de Yechiva pour lui enseigner les bases du judaïsme mais, auparavant, il lui proposa de consacrer deux minutes pour mettre les Téfilines. Erez refusa catégoriquement : il voulait étudier mais surtout pas accomplir des rites religieux.
Il écoutait les cours avec avidité, posait de bonnes questions, appréciait les réponses mais refusait fermement de changer quoi que ce soit à son mode de vie.
Puis, deux jours plus tard, il s’approcha soudain de Rav Wilhelm et demanda à mettre les Téfilines. Rav Wilhelm ne posa pas de questions et se hâta d’accéder à sa demande avant qu’il ne change d’avis. C’est ainsi qu’Erez mit les Téfilines pour la première fois de sa vie.
- Vous vous demandez sûrement pourquoi j’ai changé d’avis, dit Erez, ému, après avoir enlevé les Téfilines.
- Effectivement…
- Voilà. Hier soir, j’ai téléphoné à ma mère et je lui ai raconté que j’étudiais au Beth ‘Habad. Elle s’est mise à pleurer et m’a avoué qu’elle avait un grand secret : jamais elle n’avait pensé en parler à quiconque mais le moment était venu.
«Il y a plus de cinquante ans, des ‘Hassidim de Loubavitch avaient aidé ton père à sortir de Russie. Non, ton père n’aimait pas la religion mais il avait apprécié le dévouement des ‘Hassidim et… depuis avait mis les Téfilines chaque jour ! Par peur du qu’en dira-t-on au Kibboutz, il les mettait chaque jour dans… sa salle de bain afin que nul ne le surprenne à accomplir un acte religieux. Il était heureux d’être juif et puisque toi aussi, tu fréquentes les Loubavitch, j’ai décidé de t’en parler !»
Après son séminaire de méditation, Ora était revenue chercher Erez au Beth ‘Habad. A sa grande surprise, il avait décidé de continuer à étudier. Et il aurait tant aimé qu’elle en fasse de même !
Non, ce n’était pas un ultimatum et elle refusait toujours d’entrer dans le Beth ‘Habad. Mais il était intelligent, elle appréciait sa compagnie et elle ne voulait pas être intolérante. Elle décida donc de participer de l’extérieur. Chaque matin, Erez entrait dans le Beth ‘Habad avec une liste de questions qu’elle avait préparées et auxquelles Rav Wilhelm répondait patiemment.
Puis Erez et Ora repartirent en Israël.

* * *

Un an plus tard, Rav Wilhelm – qui est un excellent orateur – fut invité à donner une série de conférences, notamment à Safed.
Là, dans une Yechiva, il fut abordé par un des étudiants, portant bien sûr chapeau, costume sombre et une barbe fournie : «Rav Wilhelm ! Vous me reconnaissez ?» 
C’était Erez !
- Bien sûr que je me souviens de vous. Et votre amie Ora, où est-elle ?
- Ecoutez Rav Wilhelm, dit Erez à voix basse tout en murmurant : faites attention ! Il y a des gens qui vous en veulent à mort !
- Moi ? Qui ? Pourquoi ? Et votre amie, qu’a-t-elle à voir là-dedans ?
- Qui ? répondit Erez, énigmatique : tous les membres de mon Kibboutz et de celui d’Ora ! Figurez-vous qu’Ora étudie au séminaire Loubavitch de jeunes filles à Safed ! Nos compagnons de Kibboutz en sont verts de rage ! »
Quelques mois plus tard, Rav Wilhelm reçut l’invitation – dans le plus pur style Loubavitch – pour assister à leur mariage.
Et récemment, il a entendu que ce jeune couple s’était installé… en Inde, comme émissaires du Rabbi pour ramener d’autres Juifs à une vie juive épanouie… 

Rav Tuvia Bolton
www.ohrtmimim.org
traduit par Feiga Lubecki