Extrait d’un discours de Rabbi Yossef Its’hak Schneerson, lors de son arrivée aux Etats Unis en 1940, le 10 Chevat est le jour de sa Hiloula

Honorable assemblée, je donnerai d’abord lecture devant vous d’un extrait traduit en yiddish, quelques lignes de mon journal personnel, que j’ai rédigé, à quatre heures du matin, le 10 Adar Chéni 5700. Je le cite :

«C’était le mardi 9 Adar Chéni 5700, premier jour de mon arrivée dans ce pays, aux Etats-Unis, dans la soirée, après la grande fête de bienvenue, ‘hassidique et rabbinique, dont on m’a honoré, dans l’un des grands salons de l’hôtel Greystone. J’ai exposé, devant les présents, la mission de mon âme, celle pour laquelle je suis venu aux Etats-Unis. En effet, ma venue n’a pas pour objet de consommer ses fruits et de se rassasier de tout le bien qu’elle prodigue. Je suis venu aux Etats-Unis parce que mon âme a reçu la mission, par un effet de la divine Providence, d’y fonder des institutions de Torah, avec la crainte de D.ieu et de bonne éducation, avec l’aide de D.ieu, béni soit-Il.

Après avoir organisé, ce même soir, une réunion constitutive, afin d’édifier la Yechiva Tom’heï Temimim Loubavitch en Amérique, j’ai reçu la visite de deux personnalités importantes, résidant dans ce pays depuis longtemps, de bons amis, fidèles et attentifs, qui m’ont dit :

‘Nous avons entendu ce que vous avez dit, lors de la fête de bienvenue. Nous avons, en outre, participé à la réunion constitutive de la Yechiva Tom’heï Temimim Loubavitch, en Amérique, mais, malheureusement, nous devons vous décrire quelle est la triste situation morale de ce pays.

Nous avons la peine de vous faire savoir que votre bon espoir de diffuser la Torah avec la crainte de D.ieu et la bonne éducation, telles que vous les imaginez, en fonction de ce qu’était la maison juive en Europe, n’est absolument pas réaliste, en Amérique, même si l’on y consacrait le plus grand effort.

Nous avons le devoir de vous préserver d’une situation catastrophique et d’un échec cuisant, afin de maintenir l’honneur qui est dû à vos illustres ancêtres, nos saints maîtres, dont le mérite nous protègera.’

Le premier me dit :

‘L’Amérique est un pays qui dévore les plus grands et les meilleurs. Elle ne fait qu’une bouchée du plus grand, qui vient de s’y installer. En très peu de temps, elle le transforme, sans le moindre sentiment de pitié, en l’homme le plus petit.’

Le second ajouta encore :

‘L’Amérique est un pays d’enthousiasme instantané et fanatique, qui fait place, tout de suite après, à la froideur et à l’indifférence. Il est déjà arrivé, au moins une dizaine de fois, que la fête de bienvenue la plus chaleureuse, ayant été organisée pour des Grands d’Israël, laisse aussitôt la place à la froideur américaine. Et, les Grands de la Torah les plus honorables ont été oubliés et abandonnés à leur sort, comme s’ils étaient extérieurs au campement.’

Puis, les deux, ensemble, me dirent :

‘Nous ne vous communiquons qu’une toute petite partie de ce que nous devrions vous expliquer. Nous voulons que vous ayez une image très claire de la situation et que vous sachiez comment mener votre mission, comment diriger la communauté, en Amérique.

Que D.ieu fasse que, pour vous, cela soit différent et que vous soyez heureux, que votre sainte mission soit couronnée de réussite, à la fois matériellement et spirituellement.’

Il est inutile de préciser quel était mon sentiment, en entendant ces propos, de la bouche de mes amis les plus fidèles. J’ai versé de nombreuses larmes, en lisant mon premier Chema Israël sur le continent américain.»

(Séfer Hasi’hot 5705 - 1945)