L’autre soir, il m'est arrivé quelque chose de merveilleux mais, au départ, c’était loin d’être positif. Je rentrai en voiture chez moi après une longue journée de travail. Au bout de quelques kilomètres, ma voiture commença à s’essouffler puis s’arrêta complètement. Heureusement, j’avais tout de même réussi à la garer dans une petite rue calme. Que faire maintenant ?

«Aïe ! Peut-être, est-ce le moteur ; peut-être faudra-t-il le changer ; à moins que ce ne soit le réservoir ; peut-être faudra-t-il que j’achète carrément une nouvelle voiture. Et mon banquier ne sera vraiment pas d’accord ! Oh non ! Ce n’est pas le moment !»

Je téléphonai à mon mari pour lui demander le numéro de la carte pour le service de réparation : «Tu sais, lui dis-je, je crois que la voiture est hors service!»

Le réparateur arriva, entra dans la voiture, tenta de la faire démarrer sans succès.

«Madame ! Je crois que vous êtes en panne d’essence !» Panne d’essence ! Et je n’y avais même pas pensé !

Je rappelai mon mari immédiatement : «Bonne nouvelle ! criai-je. D.ieu merci ! Je suis en panne d’essence !»

Puis je réfléchis à ce que je venais de dire. Si, dès que la voiture avait commencé à ralentir, j’avais pensé à vérifier le niveau du réservoir, j’aurais réagi tout à fait différemment, quelque chose comme : «Que je suis stupide ! J’aurais dû faire le plein avant ! etc…» Mais comme j’avais dû imaginer bien pire que cela, une panne d’essence était la meilleure nouvelle du monde ! Mais ce fut encore plus extraordinaire.

Mon mari revenait d’une course et, de fait, se trouvait à cinq minutes de mon point de chute. Il vint donc me dépanner et nous avons décidé de dîner au restaurant, juste comme cela, sans avoir à célébrer un anniversaire, une délicieuse oasis de retrouvailles au milieu d’une semaine bien chargée.

Cela me rappelle une histoire ‘hassidique bien connue : un jour, les deux célèbres frères, Rabbi Zuché d’Anipoli et Rabbi Elimélé’h de Lizensk, voyageaient avec un groupe de mendiants quand, dans une auberge, l’un des vagabonds fut accusé de vol. La justice était assez expéditive à cette époque et tout le groupe fut jeté en prison, dans une cellule surpeuplée et peu respectueuse des règles élémentaires d’hygiène.

Quand arriva le moment de la prière de Min’ha, Rabbi Zuché remarqua que son frère pleurait et lui en demanda la raison.

Pour toute réponse, Rabbi Elimélé’h désigna le seau destiné aux besoins des prisonniers, qui dégageait une odeur nauséabonde:
- Tu sais bien que, selon la Hala’ha, il est interdit de prier dans un endroit pareil. Ce sera donc la première fois de ma vie que je ne pourrai pas prier Min’ha !»
- Et pourquoi cela te rend-il triste ?
- Que veux-tu dire ? Ne comprends-tu pas combien cela me fait de la peine ?
- En ne priant pas dans cette cellule, tu accomplis aussi une Mitsva, un commandement de D.ieu ! Le même D.ieu qui nous demande de prier Min’ha nous ordonne également de ne pas le faire dans ces circonstances ! Effectivement, ce n’est pas le type de relation à D.ieu auquel tu es habitué et qui te plaît mais tu devrais être heureux de pouvoir Lui obéir autrement !

Cette logique réconforta Rabbi Elimélé’h. Le fait que cet horrible seau lui donnait l’occasion de servir D.ieu différemment le mit dans une telle extase qu’il se mit à danser.

Les deux frères se tenaient par la main et dansaient en chantant joyeusement à cette perspective de se lier ainsi à D.ieu. Les prisonniers non juifs qui étaient détenus avec eux les regardèrent, intrigués, puis se laissèrent entraîner par leur enthousiasme. En un instant, des dizaines d’hommes se retrouvèrent en train de danser, de sauter et de frapper des mains en chantant. Les gardiens, alarmés par ce bruit soudain, accoururent et demandèrent quelle était la cause de cette «animation» inhabituelle.

- Nous n’en savons rien, répliqua l’un des détenus. Ces deux Juifs discutaient à propos du seau dans le coin et, tout à coup, ils se sont mis à chanter et danser !
- Ah bon ? ricana un gardien. C’est le seau qui les rend si heureux ? Je vais leur faire comprendre où ils se trouvent et ils arrêteront de danser en prison !

Le gardien, tout heureux de sa bonne idée, enleva le seau et, effectivement, tout s’arrêta.

Rabbi Zuché se tourna alors vers son frère et remarqua : «Maintenant, Elimélé’h peut commencer sa prière !»

Quel rapport avec ma panne d’essence, direz-vous ? Mais c’est évident ! J’ai réalisé que l’art d’être heureux ne dépend que du point de vue auquel on se place. Nous n’avons pas toujours le choix des situations mais nous avons toujours la possibilité de choisir d’être heureux. Les circonstances ne sont peut-être pas satisfaisantes mais nous pouvons toujours choisir de nous lier à D.ieu – et avec joie !

Rav Ekman Shagalov
traduite par Feiga Lubecki