Chaque année, dans le Beth ‘Habad de l’Université de Californie, sur le campus de Berkeley, nous organisons une énorme fête de Pourim : c’est un événement à ne pas manquer. Chacun ressent profondément l’ambiance festive, aidé en cela par l’abondance de friandises cachères distribuées dans les emballages les plus recherchés.
Le moment le plus frénétique est atteint quand le comité des fêtes annonce le vainqueur du concours de déguisements.
C’est Rav Yehouda Ferris, directeur du Beth ‘Habad et lui-même déguisé avec un curieux chapeau multicolore, qui prend le micro pour déclarer en fanfare le nom du héros du jour. Certains déguisements sont très élaborés et ingénieux, d’autres sont plus classiques. Remarquez, rien n’est vraiment classique à Berkeley, nous sommes en Californie n’est-ce pas !
Je n’oublierai jamais la fête de Pourim d’il y a quelques années quand il fut proclamé que c’était «Steve le bohémien» qui avait gagné le concours. Chacun éclata de rire quand on découvrit que Steve le bohémien ne s’était pas du tout déguisé. Il s’était habillé ce jour-là «normalement» pour lui, c’est-à-dire à la façon négligée des hippies de l’époque.
Comment Steve le bohémien avait-il atterri dans cette fête de Pourim ? Telle était la question de tous les étudiants et de leurs proches.
Tout avait commencé par Léa, une jeune fille qui fréquentait de temps en temps le Beth ‘Habad. Comme de nombreux jeunes de son âge, elle aimait flâner dans le quartier animé de Telegraph Avenue – là où traînaient ceux qui se proclamaient en révolte contre la société de consommation, qui prônaient la non-violence, la paix et l’amour avec une confusion touchante. Léa avait rencontré Steve sur Telegraph Avenue et, dès qu’elle avait compris qu’il était juif, elle avait insisté pour qu’il assiste à la fête de Pourim ce jour-là.
Steve avait sans doute bien intégré l’esprit de Pourim car il ne se formalisait pas du tout d’avoir gagné le concours. De fait, loin d’être vexé par cet honneur inattendu, Steve se souvint avec affection de son déguisement et cette fête fut la première de nombreuses visites au Beth ‘Habad ; ce fut pour lui le point de départ d’une nouvelle étape dans sa vie. Après cette première rencontre, il continua de fréquenter le Beth ‘Habad du campus de Berkeley. Il s’intéressa à tout ce qu’on lui proposait : Téfilines, étude, prière, repas chabbatiques, musique ‘hassidique. Il absorbait comme une éponge les cours de Tanya (le livre de base de la philosophie ‘hassidique) et buvait avec avidité les enseignements mystiques et pratiques qu’en tirait Rav Ferris. Ses doutes et ses questions disparaissaient au fur et à mesure que son habillement évoluait vers plus de classicisme.
Steve est maintenant un Juif pratiquant (comme l’est d’ailleurs devenue Léa qui élève une belle famille en Israël).
Il téléphone chaque veille de Pourim aux Ferris, quel que soit l’endroit où il se trouve, pour leur raconter son évolution et leur souhaiter avec émotion une joyeuse fête de Pourim.
Chaque année, à l’approche de Pourim, quand je commence à réfléchir aux déguisements de mes enfants, je repense à Steve le bohémien, comment Pourim a eu la capacité de lui ôter le déguisement qui recouvrait en lui l’étincelle qui couve dans chaque âme juive.

Chaya Gray (L’Chaim n°176)
traduite par Feiga Lubecki