Reb Zéev faisait partie des Juifs simples de sa ville. Il exerçait le métier de cocher et travaillait très dur pour subvenir à ses besoins. Ses connaissances en matière de judaïsme n'étaient guère développées, mais il respectait scrupuleusement les commandements divins.

 Un jour, alors qu'il traversait la forêt sur sa charrette, le soleil allait se coucher, et Reb Zéev n'était toujours pas arrivé chez lui.
 Chabbath allait commencer' et, pour la première fois de sa vie, il risquait de le profaner ! Il pensa abandonner sa carriole et son cheval, espérant rejoindre à pied la ville la plus proche. "Malheur à ce pauvre cheval! ", s'écriait-il avec tristesse. Zéev savait pertinemment qu'il n'était guère possible de s'arrêter dans la forêt pour y passer Chabbath caché entre les arbres car, outre le danger que présentaient les bêtes sauvages, il se refusait à rester sans Kiddouch et sans repas de Chabbath ! Il décida donc de gagner son village coûte que coûte. Lorsque Zéev atteignit son village, les habitants étaient tous à la synagogue. Honteux, il rangea sa charrette et son cheval à l'arrière de sa maison. Avec tristesse, il entra chez lui est commença à pleurer amèrement. D'une voix brisée, il raconta à sa femme ce qui lui était arrivé :
 Il avait profané le saint Chabbath ! Sa femme l'apaisa en disant : «Il est interdit au Juif d'être triste pendant le jour du Chabbath. Tu n'as pas profané Chabbath volontairement !
Ce n'est pas de plein gré que tu as fait un tel péché. Je n'ai aucun doute que tu pourras te faire pardonner ta mauvaise action. De suite après Chabbath, tu iras chez le Rav, et tu lui raconteras ce qui t'est arrivé. Par sa sagesse et sa sainteté, il te dira sûrement comment réparer ta faute ».
Zéev écouta le conseil de sa femme. Il lava son visage, mit ses beaux habits, et se tint dans un coin de sa maison pour prier avec ferveur. A la sortie du Chabbath, Zéev se rendit rapidement chez le Ray, et lui fit part de son terrible péché. En racontant son histoire, son visage s'assombrissait, et des larmes coulaient à flots sur ses joues. Le Rav écouta son récit avec patience, et lui dit d'une voix paisible et douce :

« Ecoute-moi, mon cher Zéev, D.ieu est un puits de consolation. Cependant, une faute est une faute. Profaner Chabbat n'est pas une chose facile à réparer. Mais comme tu as commis cette faute involontairement, tu peux te faire pardonner en apportant, ce vendredi, avant Chabbath, deux bougies à la synagogue. »

La veille du saint jour du Chabbath, Zéev se rendit à la synagogue, tenant dans ses mains deux splendides bougies. La synagogue était vide. Seul, dans un coin, un jeune disciple du Baal Chem Tov, du nom de Yéhiel Menthe', qui consacrait tout son temps à l'étude, et devait devenir par la suite le saint Maguid de Zlotchov, était assis. Il observa avec attention le cocher qui préparait les bougies. Après que le cocher eut posé fixement les bougies sur des chandeliers, il resta là, immobile devant leur lumière, comme s'il était difficile de se séparer d'elles. Lorsqu'il eut fini, l'élève du Baal Chem Tov vint vers lui, et lui demanda quelle était la cause de ce geste si particulier.
 Zéev, tout tremblant et ému, lui avoua sa faute involontaire, et lui confia que le geste qu'il avait fait était en réalité une façon de réparer cette profanation. « Comment! Profaner Chabbath !? pensa le disciple du Baal Chem Tov, il est impossible de réparer une telle faute en allumant quelques bougies à la synagogue! ». Il retourna à sa place, et Zéev continua à fixer les flammes qui s'élevaient de ses bougies. À l'entrée du Chabbath2, comme pour confirmer l'objection du disciple, un chien fit irruption dans la synagogue, et éteignit les bougies.
Le cocher prit cela comme un signe du ciel : Son repentir n'était pas accepté. Le pauvre Juif n'avait jamais ressenti une telle tristesse. Brisé et humilié, il se rendit chez le Rav, et lui rapporta l'événement. Mais celui-ci le rassura en affirmant que cela ne devait être qu'une banale coïncidence, et qu'il lui suffirait de rapporter des bougies à l'entrée du Chabbath suivant. La veille du Chabbath de la semaine suivante, le cocher rapporta des bougies à la synagogue, et les alluma avec ferveur. On entra dans le Chabbath sans qu'aucun chien manifeste sa présence, mais, malheureusement, les bougies se mirent à fondre, et s'éteignirent en quelques instants. Devant l'anxiété du pauvre cocher, le Ray se montra confiant : « C'est un simple manque de chance.
Les bougies devaient être de mauvaise qualité. Tu en rapporteras de meilleures la semaine prochaine ». Le vendredi suivant, le cocher acheta les plus belles bougies qu'il trouva, et se précipita à la synagogue pour les allumer. Leurs flammes s'élevaient droites et scintillantes, remplissant leur voisinage d'une chaude lumière. Cela dura jusqu'à l'entrée du Chabbath où elles s'éteignirent soudainement.
Le Rav comprit alors que l'échec de ces différentes tentatives n'était pas fortuit. Il déclara à Reb Zéev : «Il me semble que ce jeune homme qui étudie en permanence dans la synagogue est à l'origine du refus du pardon de ta faute. Il faudrait que tu ailles chez le Baal Chem Tov pour lui faire part de ces événements. Lui seul pourra t'aider ».

Le cocher se rendit immédiatement à Medzibodz, chez le Baal Chem Tov. Celui-ci le regarda avec compassion, et écouta attentivement tout son récit. Il répondit : « C'est bien comme l'a dit le Rav de ta ville. Ta faute sen pardonnée. Il faut juste que tu te renforces dans ton action. Je te promets que tes bougies seront acceptées avec joie par le Saint, béni soit-II ».
Ces paroles redonnèrent du courage au pauvre cocher. Il prit congé du Baal Chem Tov, qui lui demanda de transmettre une lettre à Rabbi Yéhiel Machel. Lorsque Reb Zéev atteignit son village, il se rendit directement à la synagogue et transmit la lettre à Rabbi Yéhiel Meilchel de la part de son maître.
Celui-ci l'ouvrit avec une émotion mêlée de joie, et lut avec surprise que le Baal Chem Tov l'invitait à passer le Chabbath auprès de lui. On était mercredi, mais Rabbi Yéhiel Machel prit immédiatement la route en carrosse pour se rendre à Medzibodz, qui se trouvait à quelques heures de là. Malheureusement, il se trompa de route, et le voyage se prolongea deux jours durant. Anxieux et fourbu, le disciple du Baal Chem Tov arriva à Medziboz le vendredi, aux derniers rougeoiements du soleil. Lorsqu'il se présenta devant son maître, celui-ci déclara :

« Reb Meïkhel, je t'ai évité à grand peine de profaner Chabbath! Tu as vu et donc compris qu'un Juif qui a commis cette faute contre son gré, et qui l'a regretté de tout son être, peut être pardonné en allumant quelques bougies... ».