Rav Kremer, de Montréal, raconte:

Lorsque M. Cohen décrocha téléphone, dans son bureau, s'attendait en aucune façon à ce qu'il allait entendre. Une voix inconnue lui dit alors: Nous venons d'enlever votre fille et nous l'avons placée en lieu sûr. Si vous ne nous remettez pas un million de dollars avant demain à midi, vous ne la reverrez jamais plus." la communication fut aussitôt coupée.

M. Cohen devint pâle et s’emplit d'effroi. Le combiné du téléphone glissa de ses mains et il perdit connaissance. Chochana, son épouse, qui ignorait encore le contenu de cette communication, tenta de lui faire retrouver ses esprits.

Lorsqu'il revint à lui, il lui fit part de ce qu'il venait d'apprendre. Elle se mit, à son tour à sangloter. Tous deux, meurtris et désorientés, se demandaient que faire.

M. Cohen était l'un des membres les plus aisés de la communauté, qui possédait de nombreux biens, dans toute la ville. Lorsque le téléphone sonna pour la seconde fois, il décrocha d'une main tremblante. La même voix lui dit encore:

"Je vous préviens. Si vous avertissez la police ou vos amis, vous mettrez en danger la vie de votre fille. Demain à midi, vous vous rendrez dans le parc qui se trouve au bout de la ville. A l'extrémité de celui-ci, se trouve un banc vert, sous lequel vous placerez la rançon. Nous vous rendrons ensuite votre fille. Mais, si vous modifiez quoi que ce soit de ce qui vient d'être dit, vous ne la retrouverez pas vivante!"

M. Cohen reçut le message, sans savoir que faire. Son épouse, terrifiée, était une proie à une crise de nerfs. Elle allait et venait en disant:

"Et s'il s'agit de terroristes arabes? Peut-être ne la reverrons nous pas vivante, même après avoir payé la rançon."

M. Cohen décida d'appeler un médecin pour la calmer et d'arrêter, au plus vite, un plan d'action.

Il prit la décision de remettre la rançon aux ravisseurs, sans prévenir qui que ce soit. Ainsi, pensait-il, il aurait une chance de revoir sa fille. Le lendemain matin, il retira le montant annoncé à la banque et se rendit au parc qui lui avait été indiqué. Il s'y introduisit, plein de suspicion.

A sa surprise, une voiture de police était garée non loin de là. Son coeur se mit à battre à tout rompre. Les ravisseurs n'allaient-ils pas penser qu'il avait prévenu la police et tuer sa fille? Il voulut repartir, mais quelque chose qu'il était incapable de définir l'attira vers le banc vert. Il plaça la rançon à l'endroit convenu et repartit très vite.

Rentré à la maison, il y trouva sa fille. Sa joie, de même que celle de la mère, était indescriptible. L'enfant raconta que quelqu'un l'avait conduite dans une voiture, après lui avoir bandé les yeux. Elle avait été déposée dans la rue d'à côté. Le calme revint dans la maison des Cohen.

Dans la soirée, quelqu'un frappa à la porte. On ouvrit et un policier entra. Sans prendre la peine d'introduire son propos, il dit aussitôt:

"Nous avions connaissance de l'enlèvement de votre fille et des conditions de remise de la rançon. Nous vous avons suivi pendant toute votre route. Malheureusement pour nous, les ravisseurs ne sont pas venus chercher la rançon et nous venons vous la restituer."

M. Cohen ne savait que penser. Il pensait que le calme régnait de nouveau dans son foyer et voilà que l'argent lui était rendu. Il en déduisit que les ravisseurs s'étaient sûrement aperçus qu'ils étaient suivis par la police. C'est pour cela qu'ils n'avaient pas pris la rançon et ils chercheraient donc à se venger. Il était paralysé par la peur et ne savait que faire.

M. Cohen fit protéger la maison, mit des barreaux aux fenêtres et sortit son pistolet, puisqu'il avait un permis de port d'armes. Il s'installa, avec toute sa famille, dans la cave. Un jour passa, puis une semaine, sans que rien ne trouble leur quiétude. Malgré cela, tous les membres de la famille avaient peur de sortir dans la rue. Les affaires de M. Cohen et l'état de santé des membres de la famille en subirent, bien sûr, le contre coup.

C'est alors que M. Cohen se rappela qu'un émissaire du Rabbi de L.oubavitch habitait dans la même rue que lui. Il décida de solliciter son aide. Pour la première fois depuis plusieurs semaines, ils quittèrent tous leur maison et vinrent me voir. M. Cohen était mal habillé, mal rasé. Je fus particulièrement surpris de le voir ainsi. Je lui dis:

"M. Cohen, est-ce bien vous?"

En tremblant, il me raconta ce qui venait de leur arriver. Je me suis dit qu'il était nécessaire d'agir au plus vite. Il n'était pas possible de les laisser ainsi. Je leur proposais tout d'abord de s'installer chez moi et je mis une pièce de ma maison à leur disposition. Je les rassurai:

"Ici, il ne vous arrivera rien. Vous pourrez vous reposer."

Puis, j'écrivais une lettre au Rabbi et décidai de me rendre personnellement au "770" pour recevoir sa réponse.

Parvenu au 770, je remis ma lettre à l'un de secrétaires du Rabbi, puis je partis me reposer du voyage. Puis, quelques minutes plus tard, le secrétaire m'appela et me transmit la réponse du Rabbi: "Il doit donner le dixième de ce qu'il possède à la Tsédaka, mais non pas par mon intermédiaire. Il donnera ensuite de bonnes nouvelles. Je ferai mention de tout cela auprès du tombeau (de mon beau-père, le précédent Rabbi)".             
Ayant obtenu la bénédiction attendue, je repris aussitôt la route.
Lorsque M. Cohen eut connaissance de la réponse du Rabbi, il retrouva courage et me dis: "Ecoutez, je ne suis pas un 'Hassid 'Habad, mais si le Rabbi de Loubavitch, le Juste de la génération, m'accorde sa bénédiction, je suis certain que tout ira bien et un jour viendra où l'on trouvera ces ravisseurs. Le Rabbi m'a demandé de ne pas donner la Tsédaka par son intermédiaire, mais il ne m'a pas interdit de le faire par le vôtre."          

Aussitôt, il fit le compte exact du dixième de ce qu'il possédait et arrêta la répartition de cette somme entre différentes institutions juives, en particulier celles de Terre Sainte. Des chèques furent aussitôt expédiés à celles-ci.

Rassuré et joyeux, M. Cohen sentit qu'il pouvait retrouver une vie normale, après avoir fait ce que le Rabbi lui avait demandé. Mais, une surprise l'attendait.

Une semaine plus tard, un commissaire de police l'appela et demanda à le rencontrer. Le coeur de M. Cohen se mit à battre à tout rompre. En un instant, tout ce qui s'était passé lui revint à l'esprit. Mais, il se ressaisit, pensant aux "bonnes nouvelles" que le Rabbi avait promises et, rassuré par cette pensée, il se rendit au commissariat.

Lorsqu'il y parvint, sa surprise fut totale. Il apprit que les ravisseurs n'appartenaient à aucun groupe terroriste, qu'ils n'avaient même aucune intention de s'attaquer personnellement à M. Cohen ou à sa fille. Il s'agissait tout simplement de quelques jeunes voyous, qui voulaient gagner de l'argent facilement. Mais, à la dernière minute, ils avaient été saisis par les remords et n'avaient pas pris cet argent. M. Cohen, heureux, serra la main du commissaire et rentra chez lui, louant D.ieu et remerciant le Rabbi.

M. Cohen fut le président d'honneur du dîner de soutien aux institutions Loubavitch de Montréal que j'avais organisé, cette année-là. Ses propos chaleureux suscitèrent une émotion profonde dans l'assistance, lorsqu'il raconta ce qui venait de lui arriver. Il dit, en particulier:

"Je ne peux pas vous expliquer ce qu'a été mon sentiment, lorsque j'ai pris connaissance de la réponse du Rabbi de Loubavitch. Celle-ci m'a insufflé une vitalité nouvelle. Le Rabbi m'assurait qu'il n'y avait rien à craindre, que la vie devait prendre le dessus, que les affaires devaient se développer afin d'augmenter ma participation à la Tsédaka. Pour tout vous dire, il me semble que ces ravisseurs étaient réellement de dangereux terroristes, mais l'intervention du Rabbi les a transformés en simples voyous."