Vous êtes-vous souvenus ? Il y a quarante ans… La guerre du Kippour, cette ignominie si peu dénoncée : un peuple en prière en son jour le plus saint de l’année, attaqué sur deux fronts par des hordes lui promettant, à D.ieu ne plaise, l’anéantissement.

Depuis des mois, l’Egypte et la Syrie, qui avaient été abreuvées d’armes par l’heureusement défunte URSS, menaçaient Israël d’une nouvelle guerre. Depuis des semaines, la Syrie massait des troupes à sa frontière et l’Egypte préparait son armée à franchir le canal de Suez. Le président Sadate n’avait-il pas dit qu’il était prêt à sacrifier un million de ses compatriotes dans cette aventure ? Mais ni le gouvernement israélien ni l’essentiel de son état-major militaire ne voulaient croire à l’imminence d’une attaque.

De ce terrible danger pourtant, le Rabbi s’inquiétait publiquement. Pour lui, devant cette menace existentielle, il ne fallait pas hésiter à engager le feu les premiers. De nombreuses vies en dépendaient. Dans ses mémoires, le général Sharon a rapporté les avertissements du Rabbi, ses mises en garde contre l’illusoire protection offerte par la ligne Bar-Lev qu’il comparait à notre ligne Maginot de triste mémoire. L’été précédent la guerre, il avait demandé avec insistance que les enfants apprennent davantage encore la Torah, invoquant un verset des Psaumes :

« Par la bouche des enfants et des nourrissons Tu as établi Ta puissance, afin de contrer Tes ennemis, de réduire au silence les opposants et ceux qui veulent se venger » (Ps 8-3).

En juillet 1973, immédiatement après que cette demande fut pour la première fois faite, l’ancien président de l’Etat d’Israël, Zalman Shazar, fut reçu en audience privée. Il a témoigné avoir interrogé le Rabbi : que se passait-il donc qui justifiât ses alarmes ? Pour toute réponse, le Rabbi le regarda fixement et des larmes coulèrent sur son visage.

Avant-dernière semaine de septembre et toujours nul préparatif de guerre en Israël. Le Rabbi provoquait alors la réunion de dizaines de milliers d’enfants devant le Mur à Jérusalem et un peu partout à travers le monde. Quatre versets de la Torah qu’il avait lui-même choisis étaient récités et les enfants donnèrent à la charité des pièces qui leur avaient été préalablement distribuées.

Yom Kippour. Dans la grande synagogue du 770 Eastern Parway à Brooklyn, tout le monde cette année-là, dès l’entrée du Jour solennel, remarqua le visage très sombre du Rabbi. Tout le monde aussi entendit ses pleurs répétés pendant l’office. Les armées arabo- musulmanes (elles seront même rejointes par un régiment pakistanais !), fortes de 1.400.000 hommes, de 4800 chars, de 1115 avions, attaquèrent en début d’après-midi. Sur le front sud, quelques centaines de soldats israéliens postés le long du canal, virent déferler sur eux 600.000 hommes appuyés par 2000 chars et plus de 500 avions. La ligne Bar-Lev, qui avait englouti 500 millions de dollars, allait être prise sans grande difficulté.

On connait la suite. Après des journées qui virent Israël au bord du gouffre sur les deux fronts, des jours de sang et de larmes,  la situation fut retournée puis le cessez le feu imposé par le concert des nations au moment, tiens donc, où la déconfiture de la troisième armée égyptienne, complètement encerclée, allait être totale.

Ce retournement, comment le qualifier autrement que de miraculeux ? Pourquoi les armées arabes disposant d’un écrasant surnombre, très bien armées, beaucoup mieux entrainées et commandées que par le passé, bénéficiant de l’effet de surprise n’ont-elles pas poussé leur avantage des premiers jours quand seul s’opposait à elles l’héroïsme de maigres troupes passablement désorganisées ? Mais comment expliquer un miracle ? La raison raisonne et ses raisonnements tournent en rond. Quelque chose ici lui échappe qui ne peut se dire.

Sinon sans doute par la bouche des enfants… Et par la prière implorante du Juste qui demande miséricorde pour les enfants de son peuple.

Daniel Cohen