Entendre des voix? Il arrive que ce soit plutôt un signe d'équilibre.

Qu'entendons-nous encore de la Voix du Sinaï? Non pas, évidemment, lorsque nous sommes plongés dans l'étude de la Torah, non pas lorsque nous nous adonnons à la prière du cœur. Mais, dans ce que notre vie a de plus quotidien, de plus banal, de plus routinier, genre metro, boulot, dodo?

Faut-il même croire que nous devrions encore en entendre quelque chose? Après tout si celui qui s'adresse à D-ieu est probablement religieux, celui qui croit que D-ieu lui parle est peut-être tout simplement fou.

Et pourtant!

Tenez, par exemple, par une matinée nuageuse vous arpentez une rue bruyante en ruminant l'état de votre compte en banque. Ou en vous demandant ce que vous allez bien pouvoir manger à midi(ras le bol du sandwich au thon). Ou en sentant monter en vous une irrépressible angoisse à la seule pensée de ce fichu travail que vous auriez du rendre hier et que vous n'aurez certainement pas achevé ce soir.

Rien dans tout cela qui puisse conduire à un éveil spirituel. Laissez filer et c'est plutôt un billet TGV pour la déprime que vous aurez gagné !

Alors pourtant quoi? Un presque rien. Soudain un manque, ce sentiment étrangement fort que la vraie vie est ailleurs que dans l'étroitesse palpable de cette matinée grise .

Et vos yeux qui se tournent vers le ciel.

Qui donc vous a appelé? Quelle voix avez-vous entendue?

Nos Sages nous enseignent que, chaque jour, du Sinaï, s'élève une Voix qui appelle au retour.

Le Baal Chem Tov pose une évidente question. A quoi sert donc cette Voix si personne ne l'entend ?

Il répond lui-même: elle est entendue! C'est elle qui vient provoquer en vous ces bouleversements infimes, l'ouverture imprévisible de l'horizon un instant plus tôt fermé. C'est cet écho qui vient se faire entendre des profondeurs de votre être. Ainsi donc, quand bien même vous n'auriez pas l'habitude de parler à D-ieu, vous ne devriez pas craindre de l'entendre.


Daniel COHEN