Le verset Esther 4, 16 dit : «Va(1), rassemble tous les Juifs qui se trouvent à Chouchan et jeûnez pour moi(2)». La période en laquelle se produisit le miracle de Pourim fut l’une des plus florissantes de la période de l’exil. Les Juifs occupaient alors des places prépondérantes dans la direction du pays(3). Morde’haï, le chef du Sanhédrin(4), était aussi un ministre du royaume, siégeant à la porte du roi(5). Et, la reine Esther était juive.

En apparence, il n’y eut aucune autre période, tout au long de l’exil, qui ait été comparable à celle de Morde’haï. Les Juifs auraient dû vivre, à cette époque, dans une sécurité absolue. Pourtant, concrètement, c’est exactement le contraire de cela qui se produisit. Alors que, selon les voies de la nature, leur situation était aussi bonne, le décret le plus terrible s’abattit sur eux : «décimer, tuer et supprimer tous les Juifs en un seul jour»(6).

Jamais un tel décret ne fut promulgué(7). Dans tous les autres exils, à l’exception de l’Egypte, les Juifs n’étaient pas réunis sous une même autorité. Nos Sages, disent(8) que : «le Saint béni soit-Il fit une Tsedaka aux enfants d’Israël en les éparpillant(9)». De la sorte, si un peuple cherche à les faire disparaître, ce qu’à D.ieu ne plaise, les Juifs des autres pays seront préservés(10).

En Egypte, à l’inverse, les enfants d’Israël se trouvaient bien tous dans le même pays. En revanche, il n’y avait pas une décision tranchée de tous les tuer, car : «le Pharaon ne décréta la mort que des garçons»(11).

A’hachvéroch, pour sa part, régnait sur le monde entier et il était impossible de s’enfuir. Sa visée était alors de tuer tous les Juifs en un seul jour et il n’y avait pas le temps de se préserver. On peut donc renforcer considérablement la question qui a été formulée au préalable : comment, dans une situation matérielle aussi sûre, un décret aussi terrible a-t-il pu être émis ?

La Guemara explique(12) qu’il y eut un décret parce que : «les Juifs tirèrent profit du festin de A’hachvéroch(13)». Cela veut bien dire que la pérennité juive et les voies de la nature sont deux chemins différents. Le sort des Juifs ne dépend pas des circonstances naturelles, mais uniquement de leur pratique de la Torah et des Mitsvot.

Les voies naturelles ne faisaient pas de place pour un tel décret. Malgré cela, dès lors qu’ils : «tirèrent profit du festin de A’hachveroch», quand ils trébuchèrent et consommèrent des aliments interdits, cherchèrent à ressembler aux nations qui les entouraient, aussitôt, l’inimaginable se produisit.

La manière dont ils furent sauvés délivre le même enseignement. L’abrogation du décret ne fut en aucune façon naturelle. Esther demanda à Morde’haï une intervention morale, le jeûne et la Techouva : «Va, rassemble tous les Juifs... et jeûnez pour moi... pendant trois journées, nuit et jour»(14). Bien plus, Esther ne se limita pas à formuler cette requête aux autres Juifs. Elle jeûna elle-même pendant trois journées, bien que le jeûne ait, de manière naturelle, porté préjudice à ses chances de trouver grâce aux yeux du roi(15).

Ainsi, Morde’haï et Esther savaient parfaitement que, tout comme le décret n’avait pas été promulgué de manière naturelle(16), il en était de même également pour le salut, qui émana de D.ieu. Ils furent sauvés en réparant les causes qui avaient conduit au décret. Ils se concentrèrent donc sur le jeûne et la Techouva. Dès lors, s’accomplirent rapidement les termes du verset : «ce fut transformé»(17).

Il découle de tout cela un enseignement éternel. Certains considèrent que le moyen de préserver le peuple juif est la diplomatie. Il faut donc garder présent à l’esprit que les voies naturelles ne sont qu’un vêtement extérieur(18), alors que les décisions véritables sont prises dans un autre domaine(19).

En un moment de malheur, ce qu’à D.ieu ne plaise, il est demandé au peuple juif d’examiner ses actions et de réparer ce qui doit l’être. C’est uniquement après cela qu’une intervention par les voies de la nature peut avoir son effet(20).

(Discours du Rabbi, Likouteï Si’hot, tome 1, page 213)

Notes :
(1) Esther s’adresse ici à Morde’haï.
(2) Afin de prier pour que son intervention auprès de A’hachvéroch soit fructueuse.
(3) Dans les cent vingt-sept provinces de l’empire de A’hachvéroch.
(4) L’autorité suprême du peuple d’Israël.
(5) Selon le verset Esther 2, 19.
(6) Selon le verset Esther 3, 13.
(7) Certes, il y eut d’autres décrets d’extermination, dans l’histoire du peuple d’Israël, mais aucun autre ne porta sur l’intégralité du peuple, que D.ieu nous en garde.
(8) Dans le traité Pessa’him 87b.
(9) Parmi les nations, afin de hâter la transformation de la matière du monde entier, de manière conjointe et de permettre que vienne plus vite le Machia’h, aboutissement de ce processus de transformation.
(10) Et, le peuple n’est jamais en danger dans son ensemble.
(11) En les précipitant dans le Nil, comme l’indique le traité Sotta 12a. En revanche, le Pharaon déclara: «Vous ferez vivre les filles».
(12) Dans le traité Meguila 12a.
(13) Non cacher et servi dans une vaisselle subtilisée au Temple.
(14) Esther 4, 16. (15) Pourtant, la Torah elle-même lui demandait d’avoir recours aux voies de la nature, pour l’intervention qu’elle s’apprêtait à mener auprès de A’hachvéroch.
(16) Mais, à la suite de la faute des Juifs.
(17) Esther 9, 1.
(18) Une apparence.
(19) Par D.ieu Lui-même.
(20) Non pas du fait de sa valeur intrinsèque, mais parce qu’elle contribue à révéler la bénédiction de D.ieu, béni soit-Il, dans ce monde.