L'exil d'Egypte fut une rude épreuve pour les enfants d'Israël, au point que, quand Moché vint leur annoncer que la délivrance était proche, ils n'eurent pas foi en ses proposa(1). C'est à ce propos que le verset constate : « Ils n'écoutèrent pas Moché ».

En l'occurrence, il s'agissait réellement d'une nouvelle exceptionnelle(2) et, bien plus, elle leur était annoncée par Moché, notre maître, lui-même. Mais, les enfants d'Israël ne pouvaient pas admettre cette idée, tant ils étaient embourbés dans l'exil(3).

Le seul moyen de mettre un terme à cet âpre exil fut les plaies. Ce sont elles qui brisèrent toute la dureté et toute la brutalité de cette situation(4).

De fait, la sortie d'Egypte se poursuit encore, à l'heure actuelle, dans sa dimension morale. Il en résulte qu'en plus de l'enseignement que chaque récit de la Torah délivre, pour le service de D.ieu, les plaies de l'Egypte ont une résonance particulière. Elles indiquent de quelle manière il est possible de briser l'Egypte personnelle de chacun et de lutter contre tout ce qui fait obstacle au service de D.ieu(5).

On peut préciser l'enseignement qui est délivré par les deux premières plaies de l'Egypte, celle du sang et celle des grenouilles.

L'eau, par nature, est froide. Il est, certes, possible de la réchauffer, mais sa nature est bien celle de la froideur et, même quand elle est chaude, elle refroidit par la suite, si l'homme n'intervient pas pour maintenir sa chaleur(6).

La froideur n'est pas uniquement une température que l'on peut mesurer avec un thermomètre. C'est aussi une attitude, une relation sans intérêt véritable, sans enthousiasme, sans vitalité. C'est ce qu'évoque l'eau, symbole d'une relation froide et indifférente.

Une telle attitude existe à la fois dans le domaine de la sainteté et dans les forces du mal. Ainsi, lorsque l'on considère les attraits de ce monde avec froideur, sans s'enthousiasmer pour eux, on renforce le domaine de la sainteté(7).

En revanche, si c'est le domaine de la sainteté que l'on observe avec froideur, on ne pourra plus progresser dans son propre service de D.ieu(8).

Les eaux du Nil représentent la froideur qui émane des forces du mal. Les Egyptiens se prosternaient devant leur fleuve(9). C'était l'une des pratiques de leur culte idolâtre. De fait, celui qui considère la sainteté avec froideur et éloignement peut en venir à la rejeter totalement, descendre très bas et devenir lui-même un idolâtre, à proprement parler.

C'est le sens de cette plaie du sang. Les eaux du fleuve, symbole de l'indifférence inhérente aux forces du mal et d'un rapport froid avec la sainteté, furent transformées en sang. Le sang est chaud. Il représente la proximité, le lien direct.

Telle est donc l'explication. Pour briser l'exil d'Egypte, la première étape consiste à transformer l'eau du fleuve, l'indifférence à la sainteté, en sang, à se sentir proche de tout ce qui appartient à la sainteté, à s'enthousiasmer pour elle(10).

Un homme pourrait penser qu'il est peu important de s'enthousiasmer pour le domaine de la sainteté, se dire qu'au final, il importe uniquement de mettre en pratique la Mitsva, que l'on peut donc le faire sans enthousiasme, sans joie(11).

 Une telle conception est erronée. En réalité, celui qui ne s'enthousiasme pas pour les domaines de la sainteté en viendra nécessairement à le faire pour ce qui va à l'encontre du bien et de la sainteté(12).

La seconde étape est la plaie des grenouilles. Là encore, cet animal donne une indication sur la forme du service de D.ieu qu'un homme doit adopter pour se départir de son Egypte personnelle. En effet, la grenouille symbolise également la froideur(13). C'est pour cette raison qu'elle vit, de façon générale, dans des zones aquatiques, des marais, des fleuves.

C'est donc cette froideur que les grenouilles apportèrent en Egypte(14), y compris dans les fours, les endroits les plus chauds, qui font allusion à l'enthousiasme et à la passion pour les plaisirs matériels.

C'est précisément ce qu'un Juif doit accomplir, dans ce monde et c'est l'enseignement que lui délivrent les deux premières plaies que le Saint béni soit-Il envoya en Egypte. Il faut s'attacher au domaine de la sainteté avec enthousiasme et chaleur, mettre en pratique les Mitsvot, avec vitalité et émotion(15).

Et, l'attitude opposée doit être adoptée dans tous les domaines qui n'appar-tiennent pas à la sainteté. Un homme doit alors être froid, indifférent, distant(16).

Ces deux plaies sont le moyen de briser l'exil au sein de son Egypte personnel et de se raffermir dans son service de D.ieu.

(Discours du Rabbi, Likoutei Si'hot, tome 1, page 119)

Notes :
(1) Tant ils étaient assommés par la servitude.
(2) La sortie d'Egypte qu'ils attendaient avec impatience.
(3) Qui les coupait de la réalité.
(4) C'est la raison pour laquelle D.ieu « endurcit le cœur » du Pharaon, afin qu'il ne libère pas les enfants d'Israël et que ces plaies puissent avoir lieu.
(5) Et, de retrouver en soi l'équivalent de ces plaies, de la manière qui va être décrite par la suite.
(6) Elle retrouve alors son état naturel, qui est donc bien la froideur.
(7) C'est, en conséquence, l'attitude qu'il convient d'adopter.
(8) C'est la preuve qu'une telle conception doit être rejetée.
(9) Qui était à l'origine de leur subsistance, car il n'y avait pas de pluies, en Egypte et les champs n'étaient irrigués que par les crues du Nil.
(10) C'est le sens de l'eau qui devient du sang.
(11) Sans que la valeur de cette pratique soit remise en cause.
(12) Ce qui s'apparente à une pratique idolâtre, comme on l'a indiqué.
(13) Comme l'eau.
(14) L'eau, en l'occurrence, celle du Nil, est la froideur qui se trouvait naturellement en Egypte. Les grenouilles sont une froideur supplémentaire, s'ajoutant à celle qui est naturelle.
(15) C'est la leçon qui est délivrée par la plaie du sang.
(16) C'est la leçon qui est délivrée par la plaie des grenouilles.