Et D ieu parla à Moché en disant: “ Faîtes-moi un bassin de cuivre, au socle de cuivre, pour les ablutions, et placez-le entre la tente d’Assignation et l’autel...Et Aaron et ses fils s’y laveront les mains et les pieds quand ils pénétreront dans la tente d’Assignation...ou quand ils s’approcheront de l’autel pour le service..” Exode 30:17-20

Chaque matin, tout individu doit laver son visage ,ses mains et ses pieds avant de prier (Michné Torah Lois de la prière, 4:1)

Depuis la destruction du Temple de Yerouchalayim, il y a plus de 1900 ans, D.ieu n’a pas communiqué avec les hommes dans une “Tente d’Assignation”, pas plus que les Cohanim ne Lui ont offert de sacrifices sur un autel. Et pourtant, le Temple et le service qu’on y accomplissait restent jusqu’à aujourd’hui le véhicule de notre relation avec D.ieu. Tout simplement, aujourd’hui, ils existent dans une forme plus spirituelle. Dans les mots de nos Sages: “ les prières quotidiennes ont été instituées à la place des offrandes quotidiennes”(Talmud Bra’hot 26a et b). “La table d’un individu est comparable à l’autel”(’Haguiguah 27a); “depuis le jour où le Temple a été détruit, D.ieu ne dispose que des quatre coudées de la Hala’hah ( c’est à dire les lieux où s’étudie la Torah dans Son monde)”(Bra’hot8a). Ainsi nous observons que nombre de lois qui gouvernent nos vies aujourd’hui dérivent des lois du Temple et de son service: les moments désignés pour la prière correspondent aux moments où l’on apportait les sacrifices quotidiens dans le Temple; à table, nous trempons le pain dans le sel parce que le sel faisait partie du contenu de chaque sacrifice offert sur l’autel etc...

Avant qu’un Cohen puisse accomplir son service dans le Temple ou entrer dans le Sanctuaire, il devait tout d’abord se purifier et se sanctifier en se lavant les mains et les pieds à une fontaine spécialement construite à cette intention. Car bien que la Torah nous instruise: “connais D.ieu dans toutes tes voies” et que “tous tes actes doivent être faits pour l’amour de D.ieu”, il nous faut tout de même faire la distinction entre le monde qui se trouve en dehors des murs du Temple et ce qui appartient exclusivement au domaine du Divin. Quand l’on pénètre le sanctuaire de D.ieu, on doit se débarrasser de la matérialité de la vie quotidienne, “ laver ses mains” de tout ce qui porte la teinte de l’intérêt personnel et de la matérialité.

C’est là le sens profond de la loi qui obligeait le Cohen à se laver les mains et les pieds avant de procéder au service de D.ieu. Dans sa représentation d’après le Temple, cette loi enseigne au Juif à “ se laver le visage, les mains et les pieds” avant la prière matinale pour se nettoyer et se purifier avant de procéder à la transition d’un être matériel dans un monde concret à une âme communiquant avec son Créateur.

Le travail manuel

“ Si tu manges le fruit du travail de tes mains”, proclame le Psalmiste, “tu es heureux et le bien te revient”. Les enseignements de la ‘Hassidout soulignent le sens profond de ce verset. Il s’agit, dans la poursuite de notre subsistance, de ne nous investir que dans les plus extérieures de nos facultés, laissant nos talents supérieurs libres de s’adonner exclusivement aux quêtes spirituelles.

Nos ancêtres ne vivaient que du labeur de leurs mains. Les Patriarches étaient bergers, et les Juifs qui s’installèrent en Terre Sainte étaient agriculteurs. Bon nombre des plus grands Sages du Talmud, dont les enseignements restent pour nous une source de vie et de sagesse , jusqu’à ce jour, étaient des travailleurs manuels: Rabbi Yo’hanan Hasandlar était un cordonnier, Rabbi Yehochoua, un forgeron, Shammaï, un maçon. Il y avait aussi des marchands, des vendeurs, tout cela parce que le commerce épargnait des pressions et des préoccupations qui le caractérisent aujourd’hui. Etudier et enseigner n’étaient pas des professions mais des vocations sacrées non souillées par des rémunérations matérielles. Gagner son pain quotidien était l’affaire des mains et des pieds et l’exercice mental le plus rudimentaire et non quelque chose dont dépendait l’ingénuité du cœur ou la dévotion de l’âme, réservées aux aspirations les plus élevées.
Ce monde n’existe plus. Aujourd’hui, non seulement nous investissons notre temps et notre énergie dans le but de subvenir à nos besoins matériels mais nous donnons à cette quête “nos capacités mentales les plus subtiles, nos passions les plus fortes, et notre plus puissante volonté”. Nos “ carrières” consument nos jours et nos nuits, nos esprits et nos cœurs, en fait notre identité tout entière.
Cela explique la différence entre les deux lois citées précédemment. La loi qui enjoint de se laver avant de prier dérive de la loi des Cohanim qui devaient se laver avant d’entrer dans le Sanctuaire ou d’accomplir un service dans le Temple. Mais alors que la Torah commande à Aharon et ses fils de laver leurs mains et leurs pieds, Maïmonide statue qu’avant les prières matinales, l’on doit se laver les mains, les pieds et le visage.

A l’époque du Temple, seuls “les mains et les pieds”, membres extérieurs de l’être humain étaient impliqués dans la quête matérielle; c’est pourquoi ils requerraient une purification et une sanctification avant d’être voués au service de D.ieu. Le “visage” de l’homme, son processus le plus élevé et son moi intérieur ne nécessitaient pas une telle purification car ils n’avaient pas été souillés.

Mais dans les générations ultérieures, la matérialité du monde commença à attaquer le soi intérieur. Aujourd’hui, l’effort pour communiquer avec D.ieu a aussi besoin de purifier nos visages des traces du matériel. Nos esprits et nos cœurs doivent être purgés des préjugés et des tentations qui les assaillent dans le cours de leur engagement dans les affaires du monde, de telle sorte que nous puissions communiquer avec l’essence et le but de la vie.