Bien avant l’Exode, D.ieu ordonna à Moché de réunir le Peuple Juif et de commencer à l’instruire. Il s’agissait de lui enseigner comment être Juif.

«Ce mois sera pour toi le premier de tous les mois» (Chemot 12 :2)

Le Midrach Me’hilta explique :

D.ieu montra à Moché la lune dans son renouveau et lui dit : «Quand la lune se renouvelle, tu auras un nouveau mois».

La toute première mitsva commandée par D.ieu fut celle de sanctifier le nouveau mois quand la lumière de la lune réapparaît. Cette injonction devait être la toute première des centaines de directives qui allaient suivre.

L’une des raisons qui explique pourquoi la préséance fut accordée à la bénédiction sur la nouvelle lune par rapport aux autres mitsvot est que le Juif est comparable à la lune : notre identité est rattachée à la danse cyclique de l’astre.

Suivre la progression de la lune est comparable à relire chaque mois notre ordre de mission. La lune nous permet d’appréhender le sens profond de notre voyage. Dans la quête de notre identité profonde, nous nous tournons que vers l’un des deux luminaires, la lune et non vers le soleil.

Le Talmud l’exprime ainsi : «le Peuple Juif est comparé à la lune et c’est pourquoi nous comptons en fonction de son cycle».

La similitude la plus évidente, entre les Juifs et la lune, est leur oscillation constante. Dans le graphique démographique des six millénaires de notre histoire, la courbe monte et descend, montrant des points culminants dans l’ascension et dans la descente. Nous étions deux millions à l’époque du Roi David et deux cent mille après l’exil babylonien. Durant le règne des Hasmonéens, notre peuple comptait trois millions d’âmes et après la destruction du Beth Hamikdach, nous ne fûmes plus que neuf cent mille. Enfin, nous atteignîmes le chiffre de dix-huit millions en 1939 pour n’être plus que douze millions, six ans plus tard.

Tout comme la lune, nous ne sommes pas stables (dans ce domaine) et tout comme la lune, nous faisons preuve de résilience, de résistance. Et quand nous pensons avoir touché le fond, nous rebondissons et recommençons.

Ainsi la sanctification de la lune donne-t-elle un message d’espoir et de renaissance. Elle nous transmet le message de notre puissance, ce que le soleil ne fait pas.

La Cabbale donne un nouvel éclairage à la relation entre la lune et le Juif. Elle voit le soleil comme générateur de deux types de lumières : une lumière extérieure et visible, dont la fonction est d’illuminer la terre et générer la photosynthèse, et une lumière «intérieure». La lumière intérieure n’implique pas forcément un accomplissement. Il s’agit simplement d’être. Elle est trop sublime pour être exposée directement à partir du soleil. Elle ne se montre que réfléchie par la lune. Bien que la lumière de la lune paraisse plus faible que les rayons directs du soleil, elle reflète en réalité la lumière «intérieure», essentielle du soleil.

C’est ainsi que se fait le parallèle entre la lune et le Juif. Tous deux apparaissent parfois faibles et pourtant tous deux reflètent une lumière si primordiale qu’elle ne peut briller que par leur intermédiaire.

Le cycle mensuel de la lune est, en fait, un processus continuel de progrès. Quand la lune renvoie la lumière du soleil, ce processus la rend humble. Lentement, elle se plonge dans l’identité du soleil jusqu’à, apparemment, en perdre sa propre indépendance. L’absence de lumière de la lune représente sa dévotion au soleil. Le soleil, conscient de cette dévotion, lui envoie alors sa lumière la plus douce et la plus intérieure. Et à son tour, la lune reflète cette lumière délicate. C’est ainsi que devenir invisible ne constitue pas la fin du processus pour la lune puisque finalement, elle va renvoyer au monde une lumière du soleil, nouvelle et plus profonde.

A l’origine, le soleil et la lune étaient dotés de la même puissance. Le Midrach nous raconte la conversation entre D.ieu et la lune qui renversa cet équilibre. «Maître de l’univers, dit la lune, est-il possible que deux rois (le soleil et la lune) utilisent la même couronne ?». D.ieu répondit : «Le’hi («va») et fais-toi petite». Et c’est ainsi que la lune prit une forme plus petite.

Le mot hébreu Le’hi implique un itinéraire de croissance progressive. «Va et continue à grandir» lui signifiait D.ieu. Il utilisa l’initiative de la lune pour la propulser sur une voie qui requiert une diminution temporaire afin de se hisser à un niveau supérieur, précédemment inaccessible.

Telle était la première leçon pour Moché : bien que la lumière de D.ieu brille constamment sur la terre, notre travail consiste à refléter la lumière intérieure et profonde de D.ieu. Et c’est donc pour cette raison que la nation juive semblera petite et sera persécutée. Mais ne nous leurrons pas devant cette apparente faiblesse. Elle est en fait la clé de notre grandeur. Elle nous permet de refléter pour le monde la quintessence de la Lumière divine. L’humilité n’érode pas l’identité individuelle mais elle fait découvrir une identité plus divine. Tout comme la lune quand elle s’amenuise, la nation juive semble disparaître dans l’exil mais cet effacement n’est que le signe avant-coureur d’une lumière nouvelle et plus essentielle encore, lumière qui brillera à travers les Juifs.

Chaque fois que l’on se sent humilié par les circonstances de la vie, il faut penser à la danse de la lune. Il faut se rappeler que lorsque notre ego est obligé de perdre le contrôle, apparaît alors une opportunité de devenir un partenaire de D.ieu plus proche.

La première conversation de Moché avec son peuple évoquait la lune. Regardez-là, suivez sa progression et vous verrez l’histoire du long exil et l’attente impatiente de la délivrance. Vous verrez l’histoire d’une nation si petite qu’elle est difficilement perceptible et pourtant, elle reflète une lumière si puissante que nul ne peut l’ignorer. Regardez la lune et vous verrez l’humilité annonçant un éclat jusqu’alors inconnu.