A qui revient l’initiative d’avoir envoyé des explorateurs en terre de Canaan ? Le récit qu’en donne notre paracha attribue ce commandement à D.ieu.
Et D.ieu parla à Moché en ces termes : « Envoie pour toi des hommes qui puissent explorer la terre de Canaan que Je vais donner aux enfants d’Israël. Un homme, un homme par tribu tu enverras, chacun un prince parmi eux…( Bamidbar13 :1-2)

Mais quand, quarante ans plus tard, Moché relate ces événements, il dit au peuple d’Israël :
Et vous m’avez tous approché et m’avez dit: «Envoyons des hommes devant nous pour qu’ils explorent la terre et nous rapportent des informations sur la route que nous emprunterons et les villes que nous pénétrerons» Et la chose fut favorable à mes yeux; et j’ai pris douze hommes parmi vous, un par tribu…(Devarim 1 : 22-23).

Les commentateurs réconcilient ces deux récits en expliquant qu’en fait l’initiative vint bien du peuple d’Israël. «Moché consulta alors D.ieu Qui lui dit: «envoie pour toi des hommes » signifiant par là: envoie-les selon ce que te dictera ta compréhension. Je ne te dis pas quoi faire. Fais ce que bon te semble» ( Rachi). C’est pourquoi la mission des explorateurs, avec le consentement divin, fut issue d’une initiative humaine née du désir du peuple et accomplie parce que «la chose était bonne» aux yeux de Moché.

Le résultat en fut un contretemps tragique dans le cours de l’histoire juive. Les explorateurs rapportèrent un rapport des plus démoralisants qui eut pour conséquence de faire perdre la foi du peuple dans la promesse de D.ieu de leur donner la terre d’Israël comme héritage éternel.
La génération entière fut alors jugée inapte à hériter de la terre et il fut décrété qu’ils finiraient leur vie dans le désert. 
Jusqu’alors, D.ieu avait donné des directives spécifiques à Moché et au peuple d’Israël les accompagnant pratiquement à chacun de leurs pas.
L’histoire des explorateurs fut le premier exemple où D.ieu dit: «Je ne te dis pas quoi faire, faire comme bon te semble ». Cela n’aurait-il pas dû servir d’avertissement à Moché? En fait, ce fut le cas. Nos Sages nous relatent que Moché envoya Yehochouah avec la bénédiction :«Que D.ieu te délivre de la conspiration des explorateurs» ( Rachi Bamidbar13 : 16). Alors pourquoi les envoya-t-il? Et si, quelle qu’en soit la raison, il le jugea nécessaire, pourquoi ne les bénit-il pas pour le moins comme il bénit Yehochouah ? 

Le libre choix
Un des éléments les plus importants dans notre mission dans la vie est le concept de choix. Si D.ieu avait dû créer l’homme comme une créature qui ne peut faire le mal, Il aurait pu tout aussi bien créer d’emblée un monde parfait ou pas de monde du tout. Le but même du désir de D.ieu dans la création est qu’il existe un monde imparfait et que nous choisissions de le perfectionner. C’est précisément cette possibilité d’erreur de notre part qui donne un sens à nos accomplissements.
Le concept de choix existe à deux niveaux. Quand D.ieu émet une instruction explicite, nous avons encore le choix de défier Son commandement. Cependant, cela représente un choix dans un sens plus limité. Car, par essence, notre âme est littéralement «une partie de D.ieu En Haut» et profondément n’est animée que par un seul désir : accomplir la volonté divine. 
Jusqu’à l’épisode des explorateurs, c’était là le seul choix offert au peuple juif. D.ieu donnait une ligne de conduite univoque pour chaque problème auquel ils étaient confrontés dans leur vie. Ils avaient le choix de désobéir mais cela aurait contré leurs convictions les plus profondes.
Le second niveau de choix fut introduit par la réponse de D.ieu à Moché concernant les explorateurs. Quand Moché entendit D.ieu dire : «fais comme bon te semble», il comprit que D.ieu ouvrait une autre dimension plus profonde et plus réelle dans le choix que l’homme pouvait effectuer dans sa vie. En créant un domaine où Lui, le Créateur et Maître absolu de l’univers, statue «Je ne te dis pas quoi faire», D.ieu donnait une signification encore plus grande aux actions humaines. Là et seulement là le choix est vrai, rien n’est là pour nous obliger, dans quelque direction que ce soit.
Quand nous pénétrons dans ce domaine, les risques sont plus grands et les conséquences de nos erreurs plus dévastatrices. Mais quand nous réussissons à découvrir, sans instruction et sans aide céleste, la meilleure manière de pénétrer en Terre Sainte et de concrétiser la volonté divine, notre action prend un sens bien plus significatif et valorisant.

C’est la raison pour laquelle Moché envoya les explorateurs bien que pleinement conscient des risques de leur mission, sans même une bénédiction pour les sauvegarder des pièges du comportement humain. S’il les avait bénis, s’il leur avait donné sa propre puissance spirituelle pour réussir dans leur mission, il aurait entravé cette occasion unique que D.ieu avait attribuée en consentant à ce que cette mission s’appuie sur «ce que bon te semble».Le but en était qu’à la fois Moché (en décidant de les envoyer ou non) et les explorateurs (en exécutant leur mission) soient entièrement indépendants, guidés et exclusivement emportés par leurs propres compréhension et humanité.
Car la conquête de la terre de Canaan et sa transformation en une «Terre Sainte» représente notre entrée dans un lieu où il n’y a pas d’instructions divines clairement prédéfinies pour distinguer le bien du mal et le juste du faux, et notre découverte autonome de la façon dont il faut sanctifier cet environnement pour en faire une résidence pour D.ieu.