(Cette année Péssa'h chéni sera le dimanche 15 mai 2022)

Pessa’h Chéni signifie le « Second Pessa’h ».
Il marque le jour où une personne qui n’avait pas pu apporter le sacrifice de Pessa’h en son temps pouvait accomplir la mitsva un mois plus tard.
En ce jour il est de coutume de manger de la Matsa, si possible de la Matsa Chemoura.
On ne dira pas les Ta’hanoun (supplications) dans les prières de ce jour.

Quelle est la différence entre le premier Pessa'h et le second Pessa'h (Pessa'h Chéni)? Le premier Pessa'h, il est interdit de voir ou d'avoir (en sa possession) (du levain) ; le second Pessa'h, le levain et la Matsa coexistent dans nos maisons (Talmud Pessa'him 95a).

Une Mitsva est un commandement, D.ieu instruisant l'homme de ce qu'Il désire que l'homme accomplisse ou non. L'on comprend alors que les 613 Mistvot de la Torah soient virtuellement des déclarations unilatérales de la volonté divine: l'on ne voit pas de nombreuses "propositions" de Mitsvot présentées par D.ieu ou des "négociations" entre le Législateur Suprême et Ses exécuteurs terrestres !
L'une des rares exceptions à ce schéma est la Mitsva de Pessa'h Chéni, le "second Pessa'h". Le premier Pessa'h, comme nous le savons tous, commence la veille du 14 Nissan, la nuit où le peuple Juif fut libéré d'Egypte. Le second Pessa'h vient un mois plus tard, le 14 Iyar, et fut institué comme conséquence d'une pétition adressée par plusieurs individus qui n'avaient pas pu participer au premier Pessa'h.
Au cœur de Pessa'h se trouve le Korban Pessa'h (l'agneau pascal) qui était offert dans le Temple l'après-midi du 14 Nissan. En fait, toutes les autres observances de la fête (la consommation de la Matsa, du Maror, l'interdiction concernant le levain), ainsi que le nom lui-même de la fête sont liés à l'offrande de Pessa'h. Les lois du Korban Pessa'h stipulaient que seuls ceux qui se trouvaient en état de Taharah (pureté rituelle) pouvaient l'offrir et y prendre part. Un an après l'Exode, comme le Peuple Juif se préparait à célébrer son premier Pessa'h en dehors de l'Egypte, un groupe de Juifs s'approcha de Moché. Ils lui expliquèrent qu'ils étaient rituellement impurs parce qu'ils avaient été en contact avec un mort ; la loi leur interdisait donc d'apporter un Korban Pessa'h. Mais ils refusaient d'accepter cette situation.
"Pourquoi serions-nous privés, s'écrièrent-ils, d'observer la fête de la Rédemption, comme toute la communauté d'Israël ?" D.ieu répondit en instituant un second Pessa'h tout particulièrement pour ceux qui, quelle qu'en soit la raison, auraient été empêchés d'offrir le Korban Pessa'h en temps voulu.

Une exception et son exception
Ceux qui offraient le Korban Pessa'h le 14 Iyar suivaient la même procédure de base que ceux qui l'avaient apporté un mois plus tôt, lors du premier Pessa'h. Il y a néanmoins plusieurs différences légales et procédurales entre les deux Pessa'h, la plus importante concernant l'interdiction du levain. Le Premier Pessa'h, le levain est strictement interdit depuis la mi-journée du 14 Nissan (ce qui correspond au moment le plus matinal où l'on pouvait apporter le sacrifice) jusqu'à la conclusion de la fête. Pendant cette période, aucun levain ne peut être consommé, utilisé de quelque manière que ce soit ou même présent chez soi. Toutefois, le second Pessa'h, cette interdiction ne s'applique pas. Le Korban Pessa'h doit être consommé avec de la Matsa mais il n'existe aucune interdiction concernant le levain; selon les mots du Talmud: "le levain et la Matsa coexistent chez soi".
Le levain est de la pâte qui a gonflé: la farine et l'eau ont été mises en contact et cela a permis la fermentation, avec pour conséquence que le mélange a gonflé et a doublé son volume. Le levain est ainsi le symbole de l'égocentrisme et de l'orgueil, une âme qui a "levé" est celle dont le ferment de l'importance de soi lui a fait perdre de vue sa véritable place dans le monde de. D ieu, et en conséquence, on ne reconnaît que son moi plein de lui-même et ses désirs bouffis.
Cela explique pourquoi l'interdiction contre le levain à Pessa'h est si sévère et sans compromis possible: dans aucune autre circonstance la Torah ne fait pas qu'interdire la consommation, le bénéfice de la plus infime quantité d'une substance et plus encore son existence – même, en notre possession. Mais l'égoïsme et l'orgueil ne sont pas de simples défauts mais la source de tout mal dans le cœur de l'homme. Chaque péché et chaque vice prennent leur origine dans l'affirmation du moi, dans le sentiment que le moi est supérieur et que ses besoins et ses désirs ont la priorité sur tout le reste. Ainsi dans les lois concernant le caractère humain, Maïmonide conseille-t-il que dans tous les traits de caractère, l'individu recherche "la démarche en or", c'est-à-dire qu'il ne soit ni avare ni dépensier mais généreux; ni poltron ni téméraire mais courageux; ni agressif ni timide mais aimable, etc. avec une seule exception: l'orgueil. L'orgueil doit être complètement vaincu.
Cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a rien de positif dans la stimulation de l'ego. En fait, rien dans le monde de D.ieu n'est intrinsèquement négatif car tout dérive de Lui et Il est l'essence du bien. Mais alors que nous avons été dotés de la possibilité d'exploiter de nombreux traits ostensiblement négatifs pour les transformer positivement, il existe également des forces qui sont si puissantes et dont le potentiel de corruption est si dévastateur que nous devons y renoncer, car nous ne pouvons les évincer. L'orgueil en fait partie: il nous faut le rejeter sans équivoque, car toute tentative de le positiver est vouée à l'échec.
Néanmoins, il y a des moments où le fond positif d'un phénomène le plus négatif refait surface, où son essence divine s'affirme par-delà toutes les expressions d'iniquité et les possibilités de corruption. Ce fut le cas du groupe d'individus qui abordèrent Moché dans le désert. Leur instinct du "moi" ne s'affirma pas sous forme d'un désir de domination ou de gratification matérielle mais dans le désir de l'âme de servir leur Créateur. Leur cri: "pourquoi serions-nous privés ?" exprimait non un désir d'avoir et d'être mais une aspiration à donner et à servir, à reconnaître et à se soumettre à Celui Qui leur avait donné la liberté. Dans leur requête, le ferment et le "levain" de leur moi n'étaient pas l'antithèse de l'humble et modeste Matsa mais plutôt son complément. Le levain et la Matsa coexistaient dans leur âme, leur ego entraînant un engagement, la réalisation de soi donnant naissance à l'affirmation de leur gratitude envers D.ieu.
Lors du "second Pessa'h", la fête qui exista en réponse à leur cri "égoïste", il n'y a pas besoin de bannir le levain de nos foyers. Car lorsque le moi s'affirme ainsi, c'est un participant bienvenu à notre célébration de la liberté que nous avons obtenue par l'Exode, la liberté d'être le Peuple de D.ieu.