«Rapprocher une libération d’une autre» : c’est là l’invitation de nos Sages. Et elle est beaucoup plus qu’une simple possibilité offerte.
Nous vivons en effet cette période si particulière de l’année où, délivrés de la menace de nos ennemis éternels à Pourim, nous avançons, avec toute l’assurance que donne le déroulement régulier du temps, vers la fête de Pessa’h où nous attend, sous une autre forme et dans un autre contexte, le grand rendez-vous de notre liberté. C’est donc la tête et le cœur pleins d’espoir que, encore ivres de la joie infinie de Pourim, nous entamons les préparatifs de la célébration à venir. Pourtant, cela dit, on éprouve toujours un sentiment étonnant. Voilà que le calendrier rituel nous fait passer d’une élévation à une autre.
Voilà qu’il nous entraine toujours vers de plus hauts sommets de la joie, de la spiritualité et de la conscience. Voilà que la liberté n’est alors pas un vain mot mais qu’elle assume toute cette force qui fait bouger les peuples, agir les hommes et trembler les oppresseurs. C’est un peu comme si, à présent, chacun pouvait sentir l’histoire en marche. En même temps, le monde semble parfois être encore recouvert de grisaille. Les oppresseurs sont bien nombreux et les difficultés dans toutes les têtes. Certes, les Juifs ont depuis bien longtemps l’habitude de vivre sur un rythme différent mais est-il possible d’éprouver avec sincérité des sentiments malheureusement trop souvent éloignés de la réalité quotidienne ?
C’est justement pour cela que la parole de nos Sages est précieuse. Elle ne fait pas que donner un conseil ou une direction, elle crée littéralement, avec un regard renouvelé, une réalité nouvelle. C’est que les mots de la Torah, ceux des Maîtres de la Loi Orale ont un véritable pouvoir. Ils modifient profondément les sujets mêmes qu’ils décrivent. Ils leur donnent un sens et une portée autres et, surtout, ils définissent une perspective que notre regard parfois usé, souvent blasé aurait pu ne pas percevoir. D’une certaine façon, le monde dépend de la manière dont on le regarde. Car, si D.ieu l’a créé dans un but déterminé, il est clair que rien ne peut jamais l’empêcher durablement d’y parvenir. Dès lors, l’obstacle rencontré sur le chemin n’est peut-être pas plus infranchissable que ce que nous-mêmes souhaitons. Et le bonheur universel est peut-être à la portée d’un acte ou d’une pensée.
C’est ainsi que les hommes vivent nous rappellent ici nos Sages. Ils construisent leur monde et peuvent, à leur gré, le conduire où bon leur semble.
En des temps que certains ressentent comme moroses, il est possible de vivre en allant « d’une libération à l’autre ». Et pourquoi pas ? La liberté est à fleur de nos lèvres, au bord de notre cœur, à la lisière de notre esprit. La souhaiter avec ardeur, c’est déjà la voir. Et la voir, cela peut être déjà la vivre. Un bon départ pour le mois de Nissan qui commence, le temps de notre liberté.