Cette période de l’année a toujours des accents bien mélancoliques : l’obscurité paraît toute puissante et les jours n’en finissent pas de raccourcir. L’horizon semble bouché par une grisaille presque omniprésente et, quand, enfin, le soleil paraît, il ne diffuse qu’un froid cruel. Tout cela n’est certes que réalité physique, simple constatation météorologique liée aux rythmes climatiques que l’homme connaît d’aussi loin que porte sa mémoire. Cependant, c’est une idée classique : le monde matériel est aussi – voire d’abord – l’expression d’une réalité spirituelle qui le sous-tend. C’est dire que, lorsque le froid et la nuit dominent, le risque existe de laisser glisser notre cœur et notre esprit sur cette pente facile. Le risque existe de laisser l’engourdissement de l’attente envahir notre âme.

C’est justement dans cette épaisseur de la nuit que la lumière naît et c’est le mois qui commence qui en est le porteur ; il s’appelle Kislev. Ce nom résonne déjà comme un cri de victoire : ne nous rappelle-t-il pas ‘Hanouccah, fête des lumières, et le 19 Kislev, Roch Hachana de la ‘Hassidout ? Mais surtout, il est cette période où le jour démontre qu’il est, par nature, l’inévitable vainqueur des forces de l’ombre. Plus encore, parce qu’elle surgit de la nuit, la lumière est plus puissante qu’à l’accoutumée. Elle est ainsi à même de briser toutes les limites, de chasser jusqu’à l’obscurité la plus profonde. Chacun est, à présent, comme le témoin d’un prodige. Chacun voit poindre ce surprenant éclat, annonciateur de renouveau.

Comme toutes les créatures, l’homme vit dans l’espace et dans le temps. Ces deux éléments définissent tant son existence qu’il ne peut pas ne pas en ressentir l’influence. Mais aussi, parce qu’il est le couronnement de la création, il ne peut pas ne pas choisir d’être l’acteur du changement plutôt que son spectateur ou sa victime. Si l’obscurité et le froid sont grands alentour, si une lumière apparaît, c’est aussi parce que l’homme possède tout cela en lui. Il est cet être qui peut susciter froideur ou enthousiasme, lumière ou obscurité, en lui-même, dans son entourage et, plus largement, dans l’ensemble du monde. En ces matières, pouvoir c’est déjà devoir. C’est ainsi que, jour après jour, nous construisons un monde de lumière jusqu’à ce que la venue du Machia’h nous introduise à la Lumière éternelle.