Quand une semaine évoque un temps de tragédie, il est légitime de se demander comment la vivre. Cette semaine est celle du 9 Av et c’est le drame ultime – la destruction du premier et du second Temple de Jérusalem – que nous y commémorons. Jour de jeûne, jour où les textes des prières prennent la forme de lamentations rappelant toutes les horreurs de l’histoire, il donne sans doute à la période sa couleur de cendre. Mais est-ce vraiment ainsi que l’on vit ? Est-ce vraiment ainsi qu’il nous faut ressentir ? Ne faut-il pas découvrir plus profondément le sens des rites sous peine de les voir se figer en une tristesse de convention ou, pire, en un succédané de spiritualité d’exil ?

C’est que le deuil, même justifié, ne peut être longtemps un guide de vie. La nostalgie, même sincère, ne peut satisfaire les attentes d’avenir. En cette semaine, c’est d’abord de cela qu’il nous faut nous rendre compte. C’est certes un temps de cendre mais, sous cette dernière, la flamme est toujours vivante. C’est à elle que cet éditorial sera consacré. La question se pose donc en ces termes : comment la raviver ? Comment faire pour qu’elle ressurgisse, chatoyante et joyeuse, s’élançant sans cesse vers le haut ? Comment écarter les cendres qui, encore aujourd’hui, nous empêchent d’en voir la présence lumineuse et d’en ressentir la chaleur protectrice ? Le peuple juif a une longue histoire et une ancienne mémoire. Et il connaît bien des réponses. « Sion sera libéré par la justice (entendons la Torah) et ses captifs par la charité (entendons la Tsedaka) » : c’est la promesse de nos prophètes. Texte fondamental. En quelques mots, tout est dit. S’il s’agit de raviver la flamme, d’amener la liberté au monde, deux éléments sont ici à disposition : l’étude et le don à l’autre.

A l’époque de la destruction du Temple, l’envahisseur – babylonien pour le premier Temple et romain pour le deuxième – crut écraser le petit peuple juif par la force des armes. Un temps, il put même penser avoir réussi. Mais voici qu’aux armes, l’esprit répond et il est toujours victorieux. L’étude de la Torah par chacun, le souci – matériel et spirituel – constant de l’autre n’ont pas d’autre sens ni de portée plus grande. Toujours, après la nuit, le jour se lève. Dès à présent, nous pouvons en voir les prémisses. Maïmonide ne l’enseigne-t-il pas ? « Dans l’avenir, quand le Messie viendra, ces jours seront transformés en jours de joie et d’allégresse. » Décidément, la flamme est déjà visible, à nous de la faire grandir.