Lettre n° 64

Par la grâce de D.ieu,
Jeudi 11 Adar II 5703
Date à laquelle la Meguila peut être lue(1)

Aux grands érudits, menant le combat de la Torah,
les élèves de la Yechiva et, parmi eux,
le Rav Moché Elyahou(2), Montréal, Canada,

Je vous salue et vous bénis,

Je commencerai par vous demander de m'excuser de n'avoir pu vous répondre par écrit jusqu'à maintenant. En effet, je suis très occupé par la réalisation du calendrier pour les 'Hassidim 'Habad qui doit paraître ces jours-ci(3). Mais le Rachal(4) vous a sans doute transmis ma réponse orale, il y a déjà quelques temps. De même, mon télégramme vous est sûrement parvenu en son temps. Je vous écris donc pour me racheter, en vous adressant, en quelque sorte, ce cadeau, qui fera également usage de réunion 'hassidique pendant la fête de Pourim toute proche.

La Michna enseigne que la Meguila est lue le 11, le 12, le 13, le 14 et le 15 Adar. En effet, les villages anticipent cette lecture au jour où siège le tribunal. Brièvement, il est possible de déterminer, en se basant sur la 'Hassidout, ce qu'il en découle pour le service de D.ieu.

La Meguila raconte le miracle, un comportement transcendant la nature. Néanmoins, le miracle de Pourim prit une apparence naturelle. La nature fait allusion à une forme du service de D.ieu basée sur la raison. Le miracle prenant une forme naturelle correspond à l'acte de ce service qui, basé sur une forte volonté transcendant la raison, peut, dans un second temps, s'exprimer de manière logique, par l'action qu'exerce cette volonté sur l'intellect. Enfin, il y a le miracle évident, le service de D.ieu qui transcende totalement la raison. Du reste, il est plusieurs catégories de miracles évidents. Nos Sages parlent ainsi de "miracle", de "miracle de miracle", de "miracle à l'intérieur du miracle", selon que le service de D.ieu révèle la partie de l'âme qui, d'ordinaire, ne se trouve pas dans le corps ou bien conduit au sacrifice de soi-même.

La lecture de la Meguila a pour but de diffuser le miracle dans le monde et d'introduire le comportement miraculeux dans l'existence de tous les jours. Or, la soumission permettant de faire abstraction de la raison, peut prendre cinq formes. Elle peut se limiter à la pensée, la parole et l'action. Elle peut toucher les sentiments, l'amour et la crainte de D.ieu. Elle peut concerner l'intellect, l'idée première et le concept sur lequel il s'appuie. Elle peut se marquer à la base même de la volonté. Enfin, elle peut investir l'âme.

Ces cinq formes correspondent aux quatre lettres du Tétragramme et à la pointe surplombant le Youd, première de ces quatre lettres. On sait, en outre, que la nature est liée au Nom divin Elokim et le miracle, au Nom Avaya.

C'est pour cela que la Meguila est lue du 11 au 15 Adar. La surface du sol, en effet, est considérée comme si elle s'élevait jusqu'à dix Tefa'h. C'est également la mesure de la hauteur du domaine public. La Meguila, qui est miraculeuse et non naturelle, commence donc le 11.

Il est dit que, dans une synagogue, doivent, en permanence, se trouver dix personnes prêtes à prier. De même, la prière requiert la concentration des dix forces de son âme pour se lier au Saint béni soit-Il. Mais, la Meguila est, a priori, lue le 14 Adar, révélant le comportement miraculeux dans les quatre premiers des cinq niveaux précédemment définis, lesquels sont ajoutés aux dix parce qu'ils sont tous positifs. Elle ne doit pas l'être le 15, en revanche, qui correspond à ce cinquième niveau, à l'essence de l'âme, symbolisée par la pointe surplombant le Youd. A ce stade, il faut, en effet, se méfier d'un éventuel ennemi, qui pourrait se dresser. Les villes entourées d'une muraille à l'époque de Yochoua, par contre, présentent la perfection nécessaire pour que la Meguila y soit lue le 15.

La Meguila est donc lue du 11 au 15 Adar parce qu'elle met en évidence les quatre lettres du Nom divin Avaya. Dès le 14 Adar, ces quatre lettres éclairent et, le 15, on peut, en outre, percevoir la pointe surplombant le Youd dans les villes entourées d'une muraille à l'époque de Yochoua.

Par contre, si l'on est dans un endroit où ne se trouvent pas dix personnes prêtes à prier, la raison et le service de D.ieu naturel doivent intervenir. Un citadin doit donc venir pour donner lecture de la Meguila aux villageois et insuffler le comportement miraculeux dans leur existence. Dès lors, cette lecture peut avoir lieu le 11 et faire que les pensées, les paroles et les actions transcendent la raison. Elle peut être fixée le 12 et transformer les sentiments. Tout dépend à quelle date les villageois se réunissent pour que le tribunal puisse siéger. De la sorte, chaque villageois reçoit l'élévation, au moins de façon passagère et accède au rang de citadin. Mais, un jugement est nécessaire, pour permettre cette transformation.

La Guemara s'interroge, à ce propos. Comment un citadin peut-il faire cette lecture au nom des villageois et obtenir la révélation pour leur compte? Elle répond que les villageois approvisionnent les citadins, leur apportant de l'eau et de la nourriture. En d'autres termes, ils préparent les aliments pour que les citadins puissent assurer leur transformation. Dès lors, une fraternité s'instaure entre eux et un citadin peut donc lire la Meguila aux villageois.

Mais, la Hala'ha précise qu'une telle différence entre villageois et citadins pouvait être faite uniquement lorsque tout allait bien, comme à l'époque du Temple. Pendant l'exil, en revanche, tous lisent la Meguila le 14, afin d'en pénétrer l'ensemble de leur personnalité.

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson

Notes

(1) Selon la première Michna du traité Meguila.
(2) Il s'agit du Rav Gerlitski, qui devait alors se marier. Les élèves de la Yechiva avaient donc adressé au Rabbi la lettre suivante: "Notre frère, qui se marie, Moché Elyahou Gerlitski vous a déjà écrit. Mais, au nom des élèves de la Yechiva qui se trouvent ici, nous souhaitons vous dire à quel point nous désirons votre visite. C'est pour cela que nous nous permettons de vous inviter encore une fois au mariage de notre frère. Votre présence en cette circonstance joyeuse sera un mérite pour lui et pour nous. De plus, nous voulons vraiment que vous nous réunissiez et nous insuffliez la vitalité, qui nous réconfortera, dans notre situation bien peu enviable. Nous sommes en exil depuis trois ans, loin du centre de notre vitalité. Depuis deux ans, nous n'avons plus de guide spirituel, capable de nous indiquer comment mettre en pratique les enseignements du Rabbi Chlita. Certes, le Rabbi Chlita nous envoie des lettres, mais nous avons besoin de quelqu'un qui soit capable de les lire".
(3) Le Hayom Yom.
(4) Le Rav Chmouel Levitin qui avait rencontré les élèves de la Yechiva de Montréal pendant cette période.