Lettre n° 195

Par la grâce de D.ieu,
Mardi 12 Elloul 5705,

Au grand Rav, d'une illustre ascendance, 'Hassid qui craintD.ieu, le Rav Y. Leiner(1),

Je vous salue vous bénis,

Pour faire réponse à votre lettre, j'envisagerai tout d'abord votre question essentielle, qui est la suivante:

A) L'Admour Hazaken écrit, dans son Sidour: "Après la lecture du Hallel, à Roch 'Hodech, on dit ici le Cantique du jour, le Psaume Bare'hi Nafchi, le Kaddich de l'orphelin. On appelle quatre personnes pour la lecture de la Torah. On lit le Kaddich suivant la lecture de la Torah, puis Achreï et Ouva Letsion. On met le Séfer Torah dans l'arche sainte et l'officiant dit le demi Kaddich. A Roch 'Hodech, on enlève les Tefilin avant ce Kaddich".

Or, on peut s'interroger, à ce propos, car le Peri Ets 'Haïm, à la porte de Roch 'Hodech, début du chapitre 3, rapporte: "Le Rav n'enlevait jamais ses Tefilin avant le dernier Kaddich, qui est dit après que le Séfer Torah ait été placé dans l'arche sainte, avant la prière de Moussaf. C'est uniquement après cela qu'il enlevait ses Tefilin et disait la prière de Moussaf. C'est ce que dit le Choul'han Arou'h du Ari Zal".

Et l'on ne peut considérer que ce comportement était spécifique au Ari Zal, mais ne concerne personne d'autre, car le Michnat 'Hassidim écrit: "On enlèvera les Tefilin après le Kaddich suivant Ouva Letsion". On trouve la même affirmation dans le Sidour du Rav de Rachkov. En revanche, je ne l'ai pas vue dans le Naguid Oumetsavé, que vous citez comme référence.

Et cette interrogation peut être renforcée, car plusieurs autres sources affirment également que l'on enlève les Tefilin uniquement après le Kaddich. Je fais, en particulier, allusion au Chaar Hakavanot qui dit, dans le chapitre sur Roch 'Hodech: "On a l'habitude d'enlever les Tefilin avant la prière de Moussaf, à l'issue du Kaddich que l'on dit après avoir placé le Séfer Torah dans l'arche sainte", au Sidour Kol Yaakov, qui dit: "Après le Kaddich et avant Moussaf, il faut enlever les Tefilin" et à d'autres textes encore.

Le Meassef Le'hol Hama'hanot Ora'h 'Haïm 25, 131 renvoie aux responsa du Radbaz, à celles du Dvar Chmouel, aux Ma'hzik Bera'ha, Kécher Godel, Chalmeï Tsibour, Ze'hor Leavraham, Sidour Beth Oved, 'Hessed Lealafim, Ben Ich 'Haï et Kaf Ha'haïm. Tous ces auteurs disent que l'on enlève les Tefilin avant le Moussaf. Mais, il faut vérifier s'ils disent avant ou après le Kaddich, ce que je ne peux faire, ne disposant pas de leurs livres.

Pour expliquer la position de l'Admour Hazaken, qui correspond à la pratique adoptée dans toutes les synagogues 'Habad, on peut, au préalable, préciser les quatre moments d'enlever les Tefilin que définit le Choul'han Arou'h. Voici deux d'entre eux: après la prière Alénou ou bien après le Kaddich qui lui fait suite. Ceci ne s'applique pas à Roch 'Hodech, puisque l'on enlève les Tefilin avant Moussaf.

Nous devons donc envisager les deux autres, qui sont: la coutume courante consistant à enlever les Tefilin après Ouva Letsion et celle, basée sur la Kabbala, d'attendre la fin du Kaddich suivant Ouva Letsion. C'est l'avis de l'Admour Hazaken, dans son Choul'han Arou'h et c'est celui que nous adoptons. En effet, il faut, d'après cet avis, réciter trois Kaddich avant d'enlever les Tefilin, qui sont, en l'occurrence, celui qui suit Ouva Letsion, celui qui suit la Amida et celui qui précède Bare'hou.

De plus, aucune différence ne doit être faite entre les jours de lecture de la Torah et ceux où elle n'est pas lue. Lorsqu'elle est lue, il y a également un Kaddich après cette lecture, qui est donc le troisième, rendant inutile celui qui suit Ouva Letsion. On ne compte donc jamais ce Kaddich qui, du reste, n'est pas lié à la prière, mais plutôt à la lecture de la Torah.

Tout ceci est valable pendant la semaine. Mais, à Roch 'Hodech, l'Admour Hazaken demande, après le Hallel, de dire le Cantique du jour, qui est suivi d'un Kaddich. Ainsi, le compte des trois Kaddich est obtenu avant d'avoir dit Ouva Letsion. Et, s'il n'est pas nécessaire de porter les Tefilin pendant le Kaddich précédant le Moussaf, il est donc souhaitable de les enlever, car ce Kaddich introduit la prière de Moussaf, puisque l'on ne commence jamais une Amida sans avoir, au préalable, récité un Kaddich. Il est donc préférable qu'il y ait la plus grande proximité possible entre le Kaddich et la Amida qui le suit. C'est pour cela que, selon l'Admour Hazaken, en enlève les Tefilin avant ce Kaddich.

Néanmoins, tout ceci est valable uniquement selon l'avis de l'Admour Hazaken, qui demande de dire le Cantique du jour, suivi du Kaddich de l'orphelin, avant Ouva Letsion. Le Sidour Kol Yaakov, par contre, dit: "Après le Hallel, on sort un Séfer Torah de l'arche sainte. Après le Kaddich suivant la lecture, on dit Achreï, Ouva Letsion et Kaddich". Il en est de même pour toutes les autres sources précédemment citées, qui ne parlent pas du Cantique du jour, devant être lu avant Ouva Letsion.

On peut, du reste, se demander si, à l'époque, on ne le disait pas du tout ou bien on le lisait après Moussaf ou encore après la prière. La coutume Sfard est de dire Bare'hi Nafchi après Moussaf. Selon le Chéérit Knesset Haguedola, il remplaçait le Cantique du jour, à Roch 'Hodech, mais cet avis est contesté. En tout état de cause, on enlève les Tefilin, selon ces coutumes, après le Kaddich suivant Ouva Letsion, c'est-à-dire afin d'avoir le compte des trois Kaddich.

Ce qui vient d'être dit permet de justifier la formulation suivante de l'Admour Hazaken, dans son Sidour: "On dit ici le Cantique du jour". Que signifie le mot "ici"? En fait, il a pour but d'écarter les autres coutumes et de souligner la particularité de celle-ci, de laquelle dépend le moment d'enlever les Tefilin, avant ou après le Kaddich.

B) Mais, l'on pourrait considérer que cette explication ne nous a nullement permis d'avancer. Nous voulions montrer que l'Admour Hazaken est en accord avec les écrits du Ari Zal, évoquant le moment d'enlever les Tefilin, à Roch 'Hodech. Mais, il est surprenant de constater que, d'après cette explication, l'Admour Hazaken demande d'intercaler le Cantique du jour à un autre moment que celui qui est indiqué par le Ari Zal.

L'explication est la suivante. Il est trois avis sur le Cantique du jour:

1. Selon le premier, il n'appartient pas au rituel de la prière. On peut donc ne pas le dire. De fait, il n'apparaît pas dans le Sidour de Rabbi Saadya Gaon, n'est pas mentionné dans les coutumes du Rav de Tirna. Et le Rambam dit: "Quelques personnes ont l'habitude de lire quotidiennement le Cantique du jour". On peut aussi le dire après la prière, selon la coutume des Achkenazim, puisqu'il n'est qu'une simple commémoration(2).

2. On peut dire aussi que, dans la mesure où il est récité, ce Cantique du jour doit être dit à sa place, c'est-à-dire tel qu'il était lu dans le Temple, en même temps que le sacrifice perpétuel du matin. En l'occurrence, il doit donc être dit le plus près possible de la Amida.

3. D'après la Kabbala, il doit être intercalé entre Ouva Letsion et En Kélokénou, selon l'ordre dans lequel se révèle l'influence céleste, qui est défini par les écrits du Ari Zal, aux références précédemment citées. On consultera également le Sidour Tefila Lemoché, de Rabbi Moché Cordovero.

Mais, tout cela est valable uniquement pendant la semaine. A Roch 'Hodech, en revanche, l'influence céleste est accordée de manière différente.

Selon le Mikdach Méle'h, cette influence, à Roch 'Hodech, prend la forme d'un reflet du monde spirituel de Brya. En revanche, d'après plusieurs discours 'hassidiques, elle émane de Yetsira. Le Tséma'h Tsédek, dans son Or Hatorah, explique longuement ces différents avis.

Peut-être, selon le troisième avis, est-il inutile de dire le Cantique du jour, à Roch 'Hodech. Il est alors une simple commémoration, selon le première avis. Sa place est donc après la prière, comme le dit, en particulier, le Maguen Avraham.

Mais, l'Admour Hazaken adopte le second avis et il demande donc de dire le Cantique du jour à proximité de la Amida du matin, y compris à Roch 'Hodech. La controverse entre le premier et le second avis appartient entièrement à la partie révélée de la Torah. Il n'est donc pas surprenant que l'Admour Hazaken ait adopté la seconde, qui n'est pas conforme à l'usage en vigueur dans l'endroit où vivait le Ari Zal. Il considère donc qu'il faut enlever les Tefilin avant le Kaddich.

A l'opposé, la discussion pour déterminer si les Tefilin doivent être enlevées avant ou après le Kaddich, si elle est extraite de tout autre contexte, appartient bien à la Kabbala, comme l'établit le Choul'han Arou'h. En la matière, qui pourrait se permettre de remettre en cause l'avis du Ari Zal?

Vous consulterez également le Maguen Avraham, dont la formulation permet d'établir que l'avis demandant d'enlever les Tefilin après le Kaddich tient bien compte du nombre de ces Kaddich.

Vous citez le Sidour du Yaabets selon lequel on enlève les Tefilin après le Kaddich et l'avis de Rabbi Mena'hem Azarya, selon lequel le Cantique du jour doit figurer dans la prière de Cha'harit. Mais, vous voyez bien, en fonction de ce qui vient d'être dit, que vous combinez deux opinions divergentes.

Les propos de Rabbi Mena'hem Azarya, en fait, ne contredisent pas l'Admour Hazaken. Si l'on fait une lecture rapide du Yaabets, on peut effectivement penser que Rabbi Mena'hem Azarya demande de lire le Cantique du jour, mais non Bare'hi Nafchi, et de le dire à Cha'harit. Mais, il faut, à ce propos, consulter ses responsa(3), dont je ne dispose pas.

Rabbi Mena'hem Azarya vivait à l'époque du Ari Zal. Pourquoi, d'après lui, devait-on enlever les Tefilin après le Kaddich?

En fait, cette question ne se pose même pas. Car, selon Rabbi Mena'hem Azarya, on enlève les Tefilin avant la lecture de la Torah, comme il le dit dans ses responsa.

Il faut déterminer quelle était la coutume des Sefaradim, à l'époque du Ari Zal. Comment disaient-ils le Cantique du jour, à Roch 'Hodech? Je ne possède pas le Cheerit Knesset Haguedola et je ne peux donc pas le consulter. Et la coutume actuelle des Sefaradim ne prouve rien, car des changements ont pu intervenir, depuis lors.

C) Remarques: D'après ce qui vient d'être dit et conformément à notre coutume, selon laquelle on dit le Cantique du jour, pendant la semaine, avant En Kélokénou et Alénou, on doit, selon tous les avis, ôter les Tefilin avant le Kaddich de l'orphelin qui suit Alénou. Et, le Ramah demande de les enlever après cela, car il considère que la récitation de quatre Kaddich est nécessaire avant de le faire puisque, selon sa coutume, on dit le Cantique du jour après la prière.

Tel n'est donc pas notre usage et j'ai vu une référence indiquant que ce point était discuté dans le Artsot Ha'haïm. Celui-ci tire une preuve du fait qu'il est écrit que le Ari Zal les enlevait après Alénou, mais non après le Kaddich. Et, le Ot 'Haïm s'étonne de cette affirmation car, selon la coutume du Ari Zal, il n'y a pas de Kaddich après Alénou. Mais, je ne possède pas le Artsot 'Haïm et je ne peux donc pas le consulter.

De plus, on peut se demander pourquoi le Kaddich précédant Hodou ou Barou'h Chéamar n'est pas compté parmi les trois Kaddich. Le Ot 'Haïm l'explique en soulignant qu'il peut parfois arriver que l'on soit en retard à la synagogue. Cette réponse est difficile à accepter.

* * *

Vous me demandez(4) pourquoi sont indiquées, dans le Sidour, les modifications introduites par rapport aux versets de la Loi écrite(5), en particulier celles qui portent sur le Nom de D.ieu. C'est que la concentration, pendant la prière, est particulièrement importante, surtout lorsque l'on prononce le Nom de D.ieu. Vous consulterez, à ce propos, l'introduction de Rabbi Yehouda Leïb de Yanovitch, frère de l'Admour Hazaken, au Sidour de l'Admour Hazaken, dans laquelle il souligne sa très grande précision.

Vous m'interrogez, dans votre lettre, sur l'obligation d'honorer ses grands-parents ou des ascendants encore plus éloignés. Je vous ai indiqué, dans ma précédente réponse, les références des commentateurs du Choul'han Arou'h Yoré Déa, chapitre 240, discutant ce point. Je ne dispose pas du Birkeï Yossef et du Chvout Yaakov(6).

Le Kovets vous a été envoyé, conformément à votre demande.

Je conclus en vous souhaitant d'être inscrit et scellé pour une bonne année, pour une Techouva immédiate et une délivrance immédiate,

M. Schneerson,
Directeur de la rédaction(7)

Notes

(1) Le Rav Yerou'ham Leiner, de Londres. Voir la lettre n°188.
(2) Du chant que les Léviim prononçaient dans le Temple.
(3) Pour vérifier si cette lecture rapide correspond bien à son avis.
(4) A la suite de la réponse faite par le Rabbi, dans la lettre n°188, à une question posée à ce propos.
(5) Lorsqu'un mot ne se lit pas comme il est écrit.
(6) Qui citent une preuve du respect que David marqua à Ruth pour établir que celui-ci reste dû, même au bout de nombreuses générations.
(7) Du Kovets Loubavitch.