Lettre n° 177

Par la grâce de D.ieu,
Lundi 9 Tévet 5705,

Au 'Hassid, érudit et qui craint D.ieu,
le Rav M. M.(1), Cho'het(2),

Je vous salue et vous bénis,

Je fais réponse aux questions que vous me posez dans votre lettre:

A) "Pouvez-vous m'expliquer ce que sont les cent vingt combinaisons du Nom divin Elokim, dont il est question dans différents textes? Comment en faire le compte et quelle est la signification de ces combinaisons?"

Voici ma réponse.

Le compte de ces combinaisons est établi par le Séfer Yetsira, qui dit: "deux pierres permettent de bâtir deux maisons, cinq pierres permettent de bâtir cent vingt maisons(3)". Dans ce texte, les pierres désignent les lettres et les maisons sont des mots(4).

Ainsi, deux pierres construisent deux maisons, car deux lettres permettent de former deux mots, qui sont deux combinaisons de ces lettres. Les deux lettres Alef et Beth, par exemple, forment les deux mots Av, le père et Ba, est venu. De même, cinq lettres(5) par exemple Alef, Lamed, Hé, Youd, Mêm, peuvent être combinées de cent vingt façons, si l'on modifie l'ordre de ces lettres. On peut le vérifier concrètement.

Vingt quatre de ces combinaisons commenceront par la lettre Alef, vingt quatre par un Lamed, vingt quatre par un Hé, vingt quatre par un Youd et vingt quatre par un Mêm. Néanmoins, la combinaison essentielle est celle qui forme le Nom Elokim(6).

Chaque lettre de l'alphabet hébraïque recèle une lumière spécifique et la forme de cette lettre permet de l'appréhender. L'Admour Hazaken l'explique, à la fin de Chaar Hay'houd Vehaémouna.

Il est dit que "au commencement, D.ieu (Elokim) créa le ciel et la terre". La création se produisit donc par le Nom Elokim, dans lequel fut occulté le Nom Avaya. Les cinq lettres qui le constituent décrivent donc ses cinq parties. Si l'on modifie la combinaison de ses lettres, on changera donc également son action. Selon un principe établi, plus une lettre est placée au début du mot et plus son rôle est déterminant, dans la combinaison ainsi formée.

Deux combinaisons du Nom Elokim sont Elé Yam et Elé Mi. Elé signifie voici et fait allusion à la révélation(7). A l'opposé, Yam, la mer et Mi, qui, désignent ce qui est caché(8), ce que l'on ne sait pas et à propos de quoi l'on s'interroge. Les combinaisons du Nom Elokim commençant par un Alef, un Lamed ou un Hé font donc allusion à Ses actions évidentes, dans lesquelles la Lumière de D.ieu et l'intervention céleste sont une évidence. Par contre, celles qui commencent par un Youd ou un Mêm et dans lesquelles ces lettres sont donc déterminantes présentent la Lumière de D.ieu subissant le voile.

C'est la raison pour laquelle, après la contraction de la Lumière et à l'issue de l'enchaînement des mondes, c'est précisément sur ces dernières combinaisons que les forces du mal exercent leur emprise. Elles sont au nombre de quarante huit, vingt quatre commençant par un Youd et vingt quatre par un Mêm. C'est le sens de l'affirmation de la 'Hassidout selon laquelle l'ascendant du domaine du mal se manifeste dans les quarante huit combinaisons inférieures du Nom divin Elokim, qui sont "la terre des fils de 'Ham"(9).

Le Chaar Hakavanot explique, d'une manière relativement précise ce que sont les cent vingt et les quarante huit combinaisons du Nom Elokim. Il indique que la force du mal de l'Egypte reçoit spécifiquement de ces quarante huit combinaisons. Il faut comprendre pourquoi c'est le cas, mais ce n'est pas ici l'occasion de développer cette idée.

B) Vous m'interrogez également sur l'affirmation du Maguen Avot, selon laquelle "Achreï(10) est le contraire du Nom divin Avaya". Celle-ci trouve son origine dans le Yalkout Chimeoni, qui dit: "Rabbi Yochoua Ben Kor'ha enseigne: Le mot Achreï est répété vingt fois dans les Tehilim, tout comme le Nom divin Avaya figure vingt fois dans le livre d'Ichaya."

L'explication simple est la suivante. Achreï est de la même étymologie que Ocher, le bonheur, le plaisir, alors que Avaya désigne la peine, la douleur.

L'interprétation de la 'Hassidout est donnée par le Tséma'h Tsédek(11), dans son commentaire du verset "heureux (Achreï) celui qui réside dans Ta maison". Il indique que le Nom Avaya correspond à un retrait de la Lumière par rapport à la création. A l'opposé, Achreï préfigure le bonheur du monde futur, qui apportera la révélation de cette Lumière jusqu'au stade le plus bas. En effet, pendant la période de l'exil, la révélation céleste est qualifiée d'«orpheline»(...).

C) Les 288 Parcelles de sainteté introduites dans la matière sont définies par le Ets 'Haïm, qui dit: "Le nom divin Ab(12) a connu quatre formes de descentes qui, toutes ensemble, forment ces 288 parcelles".

Néanmoins, ces Parcelles étaient au nombre de 288 seulement lorsqu'elles se trouvaient dans le monde spirituel d'Atsilout. Puis, en descendant dans les mondes inférieurs, elles se scindèrent en milliers, en dizaines de milliers de fragments.


C'est pour cela que le présent exil est si long. Il doit, en effet, permettre, l'élévation de ces 288 parcelles et, lorsqu'elle sera obtenue, le Machia'h viendra, bientôt et de nos jours(...). Du reste, 202 parcelles trouvèrent déjà leur élévation lors de l'exil d'Egypte(13).

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif(14)

Notes

(1) Rav Mena'hem Mendel Margolis.
(2) A Holiak, Massachusetts.
(3) Avec deux lettres, on peut former deux combinaisons; avec cinq lettres, on peut former cent vingt combinaisons.
(4) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Rabad, dans son commentaire du Séfer Yetsira, en donne la raison. Le Torah Or l'explique aussi".
(5) Formant le Nom divin Elokim.
(6) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Ets 'Haïm, édition de Varsovie, fait la liste exhaustive de ces combinaisons. On consultera également le Pardès, le Michnat 'Hassidim et d'autres textes encore".
(7) A ce qui est si évident qu'on peut le désigner du doigt.
(8) La mer engloutit et cache les créatures qui y vivent. De même, on demande Mi, qui?, à propos de celui qui n'est pas là, dont l'action n'est pas évidente.
(9) La valeur numérique de 'Ham est quarante huit.
(10) Prière qui occupe une place importante puisqu'elle est répétée trois fois, chaque jour. Nos Sages précisent que celui qui la dit trois fois aura part au monde futur.
(11) Le Rabbi note, en bas de page: "2 Elloul 5707 (soit plus de deux ans après que cette lettre ait été écrite). J'ai trouvé un manuscrit du Tséma'h Tsédek développant la même explication que celle figurant dans le corps du texte. Il établit un lien entre le chiffre vingt et Kéter, la couronne. Or, celle-ci est constituée des mêmes lettres que Karet, le retranchement de l'âme. L'opposition est ici encore plus forte que pour les vingt Noms Avaya mentionnés par Ichaya". Ainsi, la même analogie peut être faite entre le sommet de l'enchaînement des mondes, correspondant à la volonté et au plaisir de la création, d'une part et la punition la plus grave, d'autre part.
(12) Nom constitué de 72 lettres. Or, quatre fois 72 font 288.
(13) Il en restait donc, à l'issue de l'exil d'Egypte, 86, valeur numérique du Nom divin Avaya.
(14) Du Merkaz Leïnyaneï 'Hinou'h.