Lettre n° 172

Par la grâce de D.ieu,
Jeudi 28 Tichri 5705,

Au grand Rav, 'Hassid érudit, qui craint D.ieu,
aux multiples accomplissements, le Rav Ch. A. Halevi(1),

Je vous salue et vous bénis,

Votre lettre m'est bien parvenue et ma réponse a été retardée jusqu'à maintenant, à cause de la fête. Vous voudrez bien m'en excuser.

Je répondrai, dans l'ordre, aux différents points que vous avez évoqués:

A) Vous m'interrogez sur la lettre reproduite dans le troisième numéro de Kovets Loubavitch(2), mentionnant la question bien connue sur l'affirmation du Zohar, qui dit que l'on offre, à Chavouot, du 'Hamets sur l'autel. Or, les deux pains de cette fête n'étaient pas brûlés sur l'autel.

Vous rapportez la réponse que donne, à ce propos, le La'hmeï Toda. Il cite le verset "vous offrirez un sacrifice pour le début" et dit que la viande en était consommée par les Cohanim. Il en déduit qu'une équivalence est faite entre la nourriture des Cohanim et les sacrifices offerts sur l'autel.

Vous ajoutez vous-même que cette réponse vous semble la plus satisfaisante et vous citez plusieurs références talmudiques, d'après lesquelles la nourriture des Cohanim est effectivement identifiée à ce qui est offert sur l'autel.

Je n'ai pas consulté le La'hmeï Toda et mes amis ne le possèdent pas. Peut-être apporte-t-il une seconde réponse à cette question, car celle que vous reproduisez dans votre lettre est difficile à accepter. Je me dois de le constater, car elle fait partie de la Torah et je dois donc la comprendre:

1. Il cite le verset "vous offrirez un sacrifice pour le début". Or, celui-ci se conclut bien par "il ne montera pas sur l'autel". Ce verset renforce donc la question au lieu d'y apporter une réponse. Et si vous considérez que la Torah définit ici les deux pains de Chavouot comme un sacrifice, sachez que les charrettes offertes(3) par les chefs de tribu (Bamidbar 7, 3) et les ustensiles en or capturés à Midyan sont également appelés sacrifices. Pour autant, ils ne sont ni brûlés, ni consumés.

2. Il dit que les Cohanim reçoivent une part de ce qui est sacrifié sur l'autel et l'on peut s'interroger, à ce propos, car cela n'a rien à voir avec la question qui est posée ici. En effet, ce principe est lié au sacrifice lui-même, alors que le Zohar qui était analysé évoquait la manière de consommer ou de brûler le sacrifice, qui concerne le Cohen ou l'autel.

Et les traités Mena'hot et 'Houlin, affirmant que la nourriture des Cohanim leur provient directement de l'autel, veut dire que cette viande est celle de D.ieu et non celle des hommes. C'est pour cela qu'une telle viande est permise même lorsqu'elle est Nevéla(4).

3. Vous établissez une équivalence entre la nourriture des Cohanim et le dépôt sur l'autel et vous faites sûrement allusion à l'interprétation que donnent nos Sages du verset "et s'il le mange". La viande est alors considérée comme si elle avait été brûlée sur l'autel. Mais, on peut s'interroger, à ce propos, car placer sur l'autel ne signifie pas nécessairement brûler. Ce peut être simplement en disposer les restes sur l'autel.

Peut-être la formulation n'est-elle pas précise et faisait-elle allusion à l'interprétation du verset "voici ce que tu recevras des sacrifices les plus saints, du feu" qui est donnée par le traité Kiddouchin 52b, établissant une comparaison entre ce que reçoivent les Cohanim et ce qui est brûlé. Néanmoins, cette comparaison fait l'objet d'une controverse. De plus, il est difficile de considérer que le Zohar, lorsqu'il dit "il est brûlé par le feu de l'autel", fait allusion à la nourriture des Cohanim, comparée à ce qui est brûlé sur l'autel.

Bien plus, le Mikdach Mélé'h explique: "Ce qui est placé sur l'autel désigne le reflet de l'Attribut de Royauté céleste qui est appelé autel", ce qui n'a rien à voir avec la nourriture des Cohanim(...).

De plus, les deux explications venant d'être invoquées ne peuvent être acceptées pour deux raisons. Le Zohar semble bien définir ici une particularité du sacrifice de Chavouot, le fait de brûler du 'Hamets sur l'autel. Or, cela est surprenant, car les offrandes d'action de grâce, apportées pendant toute l'année, contiennent bien du 'Hamets. Et celles-ci sont consommées par les Cohanim, auxquels est ainsi accordé ce qui appartient à l'autel. Plus encore, le traité Beïtsa 21a affirme que ceux qui offrent le sacrifice peuvent eux-mêmes en consommer une partie, parce que ce qui appartient à D.ieu leur est ainsi accordé.

Il résulte de tout ce qui vient d'être dit que je comprends difficilement ce qu'affirme le La'hmeï Toda. Je ne comprends pas plus ce que vous avancez vous-même en affirmant que son explication est la plus satisfaisante.

* * *

B) Vous posez également une autre question. On déduit du verset "tu ne planteras aucun arbre près de l'autel de l'Eternel ton D.ieu" l'interdiction de construire une Soukka sur l'esplanade du Temple. Dès lors, comment les Cohanim mangeaient-ils les restes des offrandes, pendant la fête de Soukkot? Vous expliquez que la nourriture des Cohanim, étant assimilé à un dépôt sur l'autel, est dispensée de Soukka.

Plusieurs remarques peuvent être formulées, à ce propos et, pour vous, je les formulerai uniquement de manière brève:

1. L'interdiction de planter un arbre sur l'esplanade du Temple est assortie de deux conditions. Il doit s'agir d'un édifice en bois, érigé de manière fixe. Le Kessef Michné ajoute une troisième condition. L'édifice doit être fixé aux murs du Temple.

Il est donc possible de bâtir une Soukka en tenant compte de ces restrictions. Et le toit de cette Soukka est de paille et de feuilles(5).

2. Il est interdit d'ajouter quoi que ce soit au bâtiment du Temple, ainsi qu'il est dit "Tout fut comme D.ieu me le fit comprendre". Néanmoins, il est permis de renforcer une barrière et donc, a fortiori, de faire une construction de Mitsva. Bien plus, on peut penser que dans ce qui "fut comme D.ieu me le fit comprendre", il y avait bien une Soukka.

3. Ce qui vient d'être dit permettra de comprendre au sens littéral le verset (Né'hémya 8, 16): "Et ils firent des Soukkot dans les cours de la maison de D.ieu", en considérant qu'il parle de l'esplanade du Temple, sans être obligé d'avancer qu'il fait allusion au mont du Temple.

Le traité Ara'hin, avec l'explication des Tossafot et le traité Tamid désignent vingt quatre points(6) qui étaient extérieurs à l'esplanade d'Israël.

4. Même si l'on considère que le verset de Né'hémya fait allusion au mont du Temple, selon ce qui a été expliqué au paragraphe 1 et 2, d'après ce que dit le Sifri, à la Parchat Choftim, cité par le Kessef Michné, on peut ajouter que celui qui fait une construction sur le mont du Temple transgresse un Interdit de la Torah.

5. Le Yalkout Shimeoni Choftim, commentant le verset "tu ne planteras aucun arbre près de l'autel de l'Eternel ton D.ieu", explique: "Pas même une maison, pas même une Soukka". Mais, au sens le plus simple, il ne s'agit nullement là d'une Soukka de Mitsva, mais de celle qui est bâtie pour sa convenance personnelle. La Soukka est ici mise en parallèle avec la maison, comme, par exemple, dans le verset (Béréchit 33, 17) "Il construisit pour lui une maison et, pour son troupeau, il fit des Soukkot".

6. Le Sifri, à la fin de la Parchat Reéh, commentant le verset "Tu feras pour toi la fête de Soukkot pendant sept jours", explique: "Il en est ainsi pour un particulier, mais je peux en déduire qu'il en est de même pour le Temple."

Le Sifra, à la fin de la Parchat Emor, ajoute: "Pourrais-je penser que le sacrifice de 'Haguiga(7) et la Soukka soient l'un et l'autre pour le Temple? En fait, le sacrifice de 'Haguiga est consacré au Temple, alors que la Soukka concerne chaque individu."

Les commentateurs proposent plusieurs explications pour faire disparaître les contradictions entre ces deux textes. Néanmoins, une analyse plus approfondie reste nécessaire ici.

7. Il semble clair que celui qui mange les reste des offrandes, dans l'esplanade du Temple, est dispensé de Soukka. En effet, un principe établit, dans le traité Soukka 27a, que l'on se trouve dans la Soukka comme on réside dans sa maison, tout au long de l'année. Or, pendant le reste de l'année, les Cohanim mangeaient les restes des offrandes dans l'esplanade du Temple et non dans leur maison. Ils pouvaient donc en faire de même également pendant la fête de Soukkot.

Certes, on peut encore s'interroger. On ne consommait pas de nourritures profanes, dans l'esplanade du Temple et, si les sacrifices les plus sacrés ne devaient pas être mangés dans une Soukka, pourquoi celle-ci devait-elle être bâtie "dans les cours de la maison de D.ieu", à condition que cette expression désigne l'esplanade du Temple?

Cette question ne se pose même pas, car la Mitsva de la Soukka n'est pas limitée à la nourriture et à la boisson(8). Elle s'applique aussi dans tous les autres domaines. Or, il est possible de passer quelques temps dans l'esplanade d'Israël et même d'y pénétrer lorsque le service de D.ieu n'est pas la motivation première. Le traité Kélim dit, en effet: "L'esplanade des Cohanim est plus sainte que celle d'Israël. Les Juifs n'y entrent donc que s'ils ont quelque chose à y faire(9)".

Avec ma bénédiction de Techouva immédiate, délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson

Notes

(1) Le Rav Chmouel Aharon Halévi Pardès.
(2) Il s'agit de la lettre n°163.
(3) Lors de l'inauguration du Sanctuaire.
(4) N'ayant pas reçu une bonne Che'hita.
(5) Il respecte donc lui-même ces conditions.
(6) A partir desquels le Temple était gardé.
(7) Offert pendant la fête de Soukkot.
(8) Le Rabbi note, en bas de page: "Le Rav Avraham Ziskind m'a fait remarquer qu'il y a une obligation de se trouver dans une Soukka, en fonction de ce qui vient d'être dit, lorsque l'on consomme les pains de propitiation. En effet, ceux-ci peuvent être mangés dans toute la ville de Jérusalem, mais aussi dans l'esplanade du Temple, selon le traité Chevouot 15a.".
(9) Cette restriction n'existe donc pas dans l'esplanade d'Israël.