Lettre n° 159

Par la grâce de D.ieu,
Jeudi 1er Tamouz 5704,
Brooklyn, New York,

Au très cher monsieur Tsvi Palmer,
New Jersey,

Je vous salue et vous bénis,

Votre frère, notre très cher monsieur Palmer, m'a parlé de vous et c'est en me fondant sur ce qu'il m'a dit que je vous écris.

Je voudrais d'abord vous décrire, en quelques lignes, les objectifs de Ma'hané Israël.

Mon beau-père, le Rabbi Chlita de Loubavitch, Rabbi Yossef Its'hak Schneersohn, a fondé cette institution avec l'intention, entre autres, de faire connaître la signification véritable et l'immense valeur du Judaïsme, de la diffuser auprès des cercles les plus larges, de répondre à toutes les questions que l'on pourrait se poser, concernant le Judaïsme, la Torah et les Mitsvot.

Selon la manière dont votre frère vous a présenté à moi, j'ai pu comprendre que vous vous intéressez à ces questions. C'est précisément pour cela que je vous écris. Je voudrais vous dire que nous sommes prêts à rester en contact avec vous. D'après les informations dont nous disposons et dont nous nous réjouissons, différents points évoqués ci-dessus vous concernent directement.

* * *

L'une des valeurs essentielles du Judaïsme est l'unité, non seulement la foi en un D.ieu unique et en une Torah unique, mais aussi l'unité chez chaque Juif, dans sa vie personnelle.

A l'opposé de conceptions favorisant le corps au détriment de l'âme, ou de celle qui impose des souffrances et des mortifications au corps tant qu'il est lié à l'âme, la Torah affirme que l'âme peut et doit diriger le corps. Elle ne doit pas lui imposer des mortifications mais, bien au contraire, le diriger, en bonne santé, selon les directives de la Torah, qui est appelée Torah de vie.

L'unité doit, en particulier, être obtenue dans la vie morale. Il existe trois conceptions de l'existence idéale, pour un homme:

A) La première privilégie la logique, l'intellect froid et calculé.

B) La seconde prend en compte uniquement le coeur et l'émotion chaleureuse.

C) La troisième accorde peu d'importance à ce que l'on pense ou à ce que l'on ressent en son coeur. Elle établit le rôle fondamental de l'action concrète, exige que celle-ci soit positive.

La Torah considère et tranche que l'homme doit être intègre, rechercher la perfection. Or, le seul moyen d'y parvenir est de réaliser l'unité entre la tête, le corps et la main. Tous ces membres doivent fonctionner de manière harmonieuse, conformément à la Volonté de D.ieu.

S'engager dans le droit chemin est si important que tel est l'apport essentiel des Tefilin, comme l'expliquent nos Sages. Lorsqu'un Juif les porte sur son bras, à hauteur de son coeur et sur sa tête, celles-ci doivent instaurer l'harmonie et lui permettre de vivre une véritable vie juive, emplie de Torah.

Plus profondément, l'accomplissement de la Mitsva des Tefilin, le simple fait de les porter renforce un Juif et décuple ses forces morales, lui permettant de réaliser, dans son existence, l'harmonie entre la main, le coeur et la tête, de la manière définie par la Torah.

Certes, nous ne comprenons pas comment l'action concrète de mettre les Tefilin peut mettre en éveil les forces de l'âme, tout comme l'enfant ne comprend pas la relation entre le pain qu'il mange et sa santé physique, permettant à son âme de demeurer dans son corps.

Différents récits et commentaires de nos Sages soulignent l'importance des Tefilin. J'en citerai quelques uns ici:

A) L'ensemble de la Torah, avec toutes ses Mitsvot, est comparé aux Tefilin, desquels on peut apprendre différents détails.

B) On peut accomplir la Mitsva des Tefilin en les mettant une seule fois chaque jour, à la synagogue ou bien chez soi. Néanmoins, lorsque les hommes étaient plus purs et plus proches de la spiritualité, ils les portaient tout au long du jour, à la synagogue, à la maison et dans la rue.

Pour vérifier à quel point cette Mitsva leur était précieuse, il suffit de consulter la plainte de la Guemara, lorsqu'elle rapporte un certain récit qui concerne les Tefilin.

Un décret prononçait alors(1) une condamnation à mort contre ceux qui mettaient les Tefilin.

Les Juifs cessèrent-ils de les porter pour autant? Pas du tout et la Guemara ne se plaint nullement, à ce propos. On ne cessa pas de les mettre.

Les Juifs se limitèrent-ils à s'acquitter de la stricte obligation et portèrent-ils les Tefilin une seule fois pas jour? Pas plus et ce n'est pas ce que dit la Guemara. Comme auparavant, les Juifs les portaient dans la rue, au péril de leur vie, tant cette Mitsva leur était précieuse.

Mais, c'est uniquement quelques personnes, comme, par exemple, Elisha "qui avait des ailes"(2), qui adoptèrent un tel comportement. La Guemara considère donc que la Mitsva des Tefilin aurait justifié un sacrifice plus massif.

Dans une analyse précise, les Tossafot considèrent qu'il n'y avait, là encore, aucune raison de se plaindre. Comment put-on vérifier que les Juifs n'observaient pas la Mitsva des Tefilin avec autant de détermination qu'ils auraient dû le faire, ce qui justifie l'étonnement et la plainte de la Guemara?

La Guemara cite un exemple. A l'époque du décret, Elisha marchait dans la rue, portant, bien sûr, ses Tefilin. Un officier le vit, le poursuivit et lui demanda ce qu'il portait. Elisha lui répondit: "Des ailes de colombe".

En d'autres termes, il n'eut pas le courage de dire qu'il s'agissait de Tefilin et, de fait, une mort certaine l'attendait s'il l'avait dit. On considéra, néanmoins, que la valeur qu'il accordait aux Tefilin était insuffisante, que celle-ci méritaient, justifiaient plus d'enthousiasme de sa part.

** *

De nombreux enseignements peuvent être appris de chaque Mitsva et toutes raffermissent les forces spirituelles de l'homme, même si nous ne le percevons pas toujours clairement, comme nous l'avons dit.

Combien plus est-ce le cas pour les Commandements qu'il nous est demandé de respecter quotidiennement. C'est le cas des Tefilin, que l'on met chaque jour, à l'exception du Chabbat et des fêtes et qui sont définies comme un signe immuable de l'union entre Israël et D.ieu.

* * *

Je serais heureux d'avoir de vos nouvelles. Surtout, n'hésitez pas à vous adresser à nous, si vous pensez que nous pouvons vous venir en aide, d'une quelconque façon, comme je le disais au début de cette lettre.

Avec mes meilleurs souhaits, pour une Techouva immédiate et une délivrance immédiate,

Rav Mena'hem Schneerson,
Directeur du comité exécutif

Notes

(1) A l'époque des romains.
(2) Lorsque les ennemis le saisirent, les Tefilin devinrent des ailes d'oiseau dans ses mains.